Technologie : de l’électronique en bois et en papier

Des chercheurs européens sont en train de mettre au point des capteurs, des circuits imprimés et d’autres dispositifs électroniques plus respectueux de l’environnement afin de réduire les déchets électroniques dont le niveau est devenu intenable.

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Par Horizon Publié le 7 juillet 2024 à 8h30
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43%L’Europe a recyclé environ 43% de ses déchets électroniques en 2022.

Pour fabriquer des dispositifs électroniques respectueux de l'environnement comme des capteurs et des circuits imprimés, le docteur Valerio Beni emprunte le même parcours que le papier.

Expert en chimie verte au sein de RISE, un Institut de recherche suédois, M. Beni s'est détourné de la pâte à papier au profit du bois pour fabriquer des appareils électroniques grand public sans empreinte carbone et plus faciles à recycler. 

Travail du bois

M. Beni et ses collègues se sont rendu compte que produire de la pâte à papier et la transformer en papier pour fabriquer une nouvelle génération de dispositifs électroniques consommait trop d'énergie pour que l'effort soit aussi respectueux de l'environnement qu'ils l'avaient espéré.

«Alors nous nous sommes demandés: pourquoi ne pas partir de plus loin et revenir au matériau utilisé initialement pour fabriquer du papier?» a déclaré M. Beni. «À savoir le bois.»

M. Beni dirige un projet de recherche soutenu par l’UE qui a pour mission d’étudier les moyens de fabriquer des appareils électroniques grand public à partir de matériaux à base de bois. 

Intitulé HyPELignum, le projet d’une durée de quatre ans s’achèvera en septembre 2026. Il réunit des instituts de recherche, une université et des représentants du secteur industriel d'Autriche, des Pays-Bas, de Slovénie et d'Espagne.

Les cycles de vie de l’électronique actuelle ne sont pas tenables. En plus de l’énergie et des matières premières nécessaires à la production, les gadgets mis au rebut génèrent d’immenses quantités de déchets.

En 2022, 62 milliards de tonnes de déchets électroniques, soit 7,8 kg par personne, ont été générés dans le monde. À elle seule, l'Europe en a produit 17,6 milliards de tonnes, soit plus que n’importe quelle autre région, d’après les données des Nations Unies. 

Cette montagne mondiale de déchets a presque doublé depuis 2010 puisqu’elle était alors de 34 milliards de tonnes. Elle devrait atteindre 82 milliards de tonnes d'ici à 2030.

Non contents d’augmenter rapidement, les déchets électroniques sont complexes à gérer, toujours selon l'ONU. En 2022, seulement environ un cinquième des déchets électroniques mondiaux ont été recyclés, même si l’Europe a fait mieux en recyclant environ 43 % de ses déchets.

Des planches plus adaptées

Les déchets électroniques sont constitués en grande partie de cartes à circuits imprimés.

D’après M. Beni, jusqu’à 60 % de l’impact environnemental de l’électronique est dû à la carte à circuit imprimé que contiennent les appareils.

Les cartes sont constituées d’une superposition de couches de différents matériaux, habituellement des résines, des plastiques et du cuivre, qui sont difficiles à recycler. Les cartes sont gravées de façon à imprimer des circuits métalliques sur lesquels des composants électroniques peuvent être soudés. 

L’équipe du projet HyPELignum travaille à deux alternatives en bois pour les cartes à circuits imprimés. 

L’une est constituée de fines couches de bois, un peu comme le contreplaqué. L'autre est fabriquée à partir de fibres de cellulose extraites du bois et des déchets du bois.

«L'idée, c’est d'essayer de remplacer certains des matériaux utilisés dans l’électronique qui génèrent beaucoup de carbone par d’autres qui en produisent peu», a expliqué M. Beni.

Les circuits sont imprimés (et non gravés) sur des planches en bois à l'aide d'encres métalliques conductrices mises au point dans le cadre du projet. Ces encres contiennent également de la cellulose et des bioplastiques à base de bois.

Arrivées en fin de vie, les planches en bois devraient être plus faciles à recycler que les circuits imprimés traditionnels. Il pourrait même être envisagé de les composter.

De nouvelles couches 

L’une des principales difficultés, lors du recyclage des produits électroniques, est de séparer les composants des cartes à circuits imprimés.

Pour y remédier, les chercheurs du projet HyPELignum sont en train d’élaborer des couches thermiquement et chimiquement dégradables pouvant être positionnées entre le bois et les circuits imprimés.

Lorsque ceux-ci sont détruits, une fois le produit arrivé en fin de vie, les circuits et les composants électriques se détachent du bois. La planche en bois ainsi que le circuit et les composants, principalement métalliques, peuvent ensuite être envoyés vers différentes filières de recyclage.

De plus, les couches dégradables sont elles aussi issues du bois. L’équipe les fabrique à partir de la lignine extraite des déchets de bois.

D’après M. Beni, cette «chimie verte» émet beaucoup moins de dioxyde de carbone (CO2) du fait qu’elle utilise des matériaux biogéniques renouvelables plutôt que de pétrole fossile. 

«Le bois et les matériaux biogéniques ont un impact quasiment nul en termes de CO2», a-t-il expliqué. «Ils absorbent le CO2 pour pousser, puis le libèrent lorsqu’ils sont utilisés.»

Toujours plus

Face à l’appétit insatiable de la population mondiale pour les appareils numériques, il est important d’élaborer des versions plus respectueuses de l’environnement, explique le docteur Corne Rentrop, expert en électronique et en production durable au TNO, un organisme de recherche néerlandais.

«Nous voulons plus de données et plus de connectivité, nous voulons avoir Internet partout, par conséquent nous utilisons toujours plus d’électronique», a déclaré M. Rentrop. 

Parallèlement, la durée de vie des composants électroniques diminue. 

«Si vous regardez vos appareils électroniques, leur durée de vie est de quatre à cinq ans», a déclaré M. Rentrop. «Tout est dit.» 

Il dirige un autre projet financé par l'UE qui a pour mission de réduire l'empreinte carbone de la production d'appareils électroniques et d’améliorer leur recyclage. 

Intitulé ECOTRON, le projet durera quatre ans et s’achèvera en août 2026. Il réunit différents participants de Belgique, de République tchèque, de Finlande, de France, d'Italie, des Pays-Bas et d'Espagne. 

Films souples

Comme les membres du projet HyPELignum, l'équipe d’ECOTRON cherche à remplacer les cartes à circuits imprimés traditionnelles par des équivalents fabriqués à partir de matériaux renouvelables.

«Nous pouvons améliorer la durabilité des cartes car le processus utilise moins d'énergie que pour produire des circuits imprimés standard», a indiqué M. Rentrop.

Au lieu d’utiliser du bois, ses collègues et lui créent des films souples à partir de matériaux tels que les bioplastiques et le papier.

En fin de vie, les cartes en bioplastique pourraient être fondues et recyclées, voire compostées.

«Créer une électronique compostable serait fantastique», a déclaré M. Rentrop. «Le papier est, bien entendu, un matériau compostable, mais pas les encres et les composants électriques.»

Pour remédier à ce problème, l’équipe du projet met au point des interconnexions réversibles qui pourraient être déclenchées de manière à libérer les composants électriques.

Cas de plusieurs entreprises

Les chercheurs du projet ECOTRON partent de produits existants et essaient de les remplacer par des appareils électroniques plus durables.

La société finlandaise Polar Electro, par exemple, fabrique des appareils qui permettent de surveiller la condition physique et l’entraînement des sportifs. Elle participe à des travaux visant à mettre au point une ceinture pectorale portable mesurant la fréquence cardiaque d’une personne.

Selon M. Rentrop, l’équipe du projet a remplacé une ceinture pectorale Polar Electro existante par une version biosourcée aux performances comparables.

En collaboration avec la société pharmaceutique Johnson & Johnson, l’équipe développe des autocollants intelligents contenant des dispositifs d’enregistrement de température destinés aux emballages de vaccins. 

Les professionnels de santé qui font des vaccins peuvent accéder à ces données de température à l’aide d’un appareil portable tel qu’un smartphone pour vérifier que chaque dose a été conservée à une température adéquate.

Dans ce cas, les chercheurs utilisent du papier et produisent des dispositifs recyclables. 

«Nous fabriquons un dispositif électronique considéré comme du papier», a expliqué M. Rentrop. «Il s’agit de recyclage dès la conception.»

Les recherches présentées dans le cadre de cet article ont été financées par le biais du programme Horizon de l’UE. Les opinions des personnes interrogées ne reflètent pas nécessairement celles de la Commission européenne.

Plus d’infos

Cet article a été publié initialement dans Horizon, le magazine de l’UE dédié à la recherche et à l’innovation.

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Horizon, le magazine de l’UE dédié à la recherche et à l’innovation.

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