Le secteur des SCPI connaît une transformation majeure avec l’ordonnance du 3 juillet 2024, pourtant passée relativement inaperçue. Portant sur la modernisation du régime des fonds d’investissement alternatifs, elle introduit des mesures qui modifient le paysage des SCPI, en augmentant la diversification des investissements, la transparence et la flexibilité des parts. Trois de ses articles ont un impact significatif sur les SCPI.
La grande réforme des SCPI suite à l’Ordonnance de Juillet 2024 SCPI : les nouvelles règles
Le premier article que l’on peut relever concerne la désormais possibilité pour les SCPI de pouvoir investir sur des biens meubles et non plus uniquement des biens immobiliers dans le but de produire de l'énergie renouvelable. C’est une bonne nouvelle, qui va dans le sens de l’histoire. Il faut avoir en tête que pour les SCPI gérées par les sociétés de gestion, il était difficile d’investir dans des panneaux photovoltaïques ou de l’éolien car la loi compliquait la détention en direct de biens mobiliers ainsi que la revente d’électricité, alors que la législation propre à l’immobilier tertiaire pousse actuellement au développement de cette technologie. Les SCPI labellisées ISR, dont Iroko fait partie, étudient régulièrement la possibilité d’équiper des toits et places de parking de certains de leurs actifs mais elles se sont constamment heurtées – malgré leurs souhaits – à une incompatibilité juridique ou économique. Généralement, l’énergie produite par les actifs équipés de panneaux photovoltaïques est uniquement dédiée à l’autoconsommation des locataires. L’article 8 de l’ordonnance du 3 juillet vient définitivement corriger cette anomalie et permet désormais aux SCPI de réaliser plus facilement ce type d’investissement et de commercialiser l’énergie produite. Grâce à cela, elles vont pouvoir désormais dégager des revenus commerciaux (aux côtés de revenus fonciers et financiers) au bénéfice des associés de la SCPI, justifiant l’investissement en panneaux photovoltaïques et bonifiant potentiellement la valeur de l’actif.
L’article 11 concerne l’obligation des SCPI à procéder à des expertises biannuelles de leurs actifs au lieu d’une fois auparavant. A n’en pas douter la remontée des taux et ses conséquences sur la liquidité des fonds non-cotés en immobilier sont vraisemblablement les causes de cette nouvelle obligation. Un certain nombre de SCPI historiques possédant les plus grosses capitalisations et ayant massivement collecté et déployé des capitaux dans un contexte de taux bas, ont amorcé en 2023 un cycle de dépréciation de leur prix de part.
La remontée des taux pour endiguer l’inflation a été telle que l’immobilier, unique sous-jacent des SCPI, a vu - suivant les secteurs d’activités et zones géographiques – ses prix s’effondrer. En juin 2023, l’Autorité des Marchés Financiers par l’intermédiaire des associations professionnelles, a demandé aux sociétés de gestion de s’assurer en des temps records, que le prix de part payé par les investisseurs de leurs SCPI était cohérent par rapport à la remontée des taux et son impact sur les prix de leur immobilier.
Cette demande liée à un épisode de stress en 2023 devient désormais obligatoire. En première lecture, on peut s’interroger sur la pertinence de créer plus de volatilité sur un produit qui ne l’est initialement pas comme la SCPI, d’autant plus que suivant la zone d’investissement des SCPI en Europe ou uniquement en France, les expertises et leur variabilité diffèrent : les expertises en France et en Allemagne ont historiquement beaucoup d’inertie contrairement aux pays anglo-saxons.
Pour autant dans un cycle économique plus classique, une fois cette crise des taux passée, les expertises à mi-année seront sensiblement identiques à celles de la fin d’année, ne modifiant ainsi que très peu les valeurs des parts des SCPI. Néanmoins, cette mesure permettra aux nouveaux investisseurs dans des SCPI de suivre de près la performance et la valeur de leurs investissements. Cela renforce la transparence et la confiance envers la gestion de la SCPI et permet de souscrire à un prix plus juste.
A noter que procéder à des expertises d’un parc immobilier d’une SCPI a un coût non négligeable pour la SCPI et donc ses associés indirectement, entre 300 et 2000€ par actif.
Enfin, le dernier article qui nous semble intéressant à relever concerne la suppression du montant nominal de souscription de 150€ (une part). Cet article 12 va dans le bon sens de l’accessibilité de la SCPI par le plus grand nombre et lui permet de rester compétitif vis-à-vis d’acteurs du crowdfunding ou de l’immobilier fractionné sur une population de jeunes investisseurs. Elle permettra également la généralisation de nouveaux modes d’investissement en SCPI tel que le versement programmé.
Tandis que la SCPI est un produit très réglementé par l’Autorité des Marchés Financiers, le crowdfunding profite de plus grandes largesses : il n’est pas aussi transparent sur les frais réels totaux ou les risques encourus et il ne s’agit finalement pas d’un achat immobilier mais d’une obligation, un crédit. D’ailleurs, avec la remontée des taux brutale, le nombre de défauts se multiplie.
A noter que depuis la parution de l’ordonnance, les SCPI peuvent également prévoir différentes catégories de parts : retail pour les particuliers et institutionnelle pour les assureurs ou fonds de fonds, couverte du risque de change ou non couverte. La création de part dédiée aux particuliers pourra donner une meilleure liquidité pour ces derniers car ils seront moins soumis aux gros mouvements des institutionnels, l’avenir nous dira si cela se mettra en place en pratique.
Quoi qu’il en soit, pour les sociétés de gestion, cette ordonnance impose des ajustements significatifs, créant à la fois des opportunités et des défis pour les équipes d’asset managers.