Le vrai rôle de la prison

Le 1er juillet 2023, la France a battu son record carcéral, avec 74 513 détenus. Hélas, une fois de plus – une fois de trop – l’intendance ne suit pas : il n’y a que 60 666 places opérationnelles dans les établissements pénitentiaires. Que 2 500 détenus, environ, soient de ce fait contraints de dormir sur un matelas posé à même le sol n’est pas une catastrophe nationale : la prison n’a pas le confort comme objectif.

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Par Jacques Bichot Publié le 21 août 2023 à 5h00
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Le vrai rôle de la prison - © Economie Matin
115%Le taux d'occupation des prisons en France est de plus de 115%.

En revanche, cette surpopulation, devenue chronique et croissante, engendre une détérioration de la fonction pénitentiaire, qui est de remettre sur le droit chemin des personnes qui s’en sont écartées.

Des peines trop symboliques

Actuellement, les peines prononcées par les tribunaux sont trop souvent purement symboliques : la prison, peine prononcée par un juge ou un tribunal, est remplacée par le port d’un bracelet, qui permet au délinquant de reparaître, tout guilleret, là où il sévit habituellement. Certes, le jugement interdit souvent de fréquenter certains lieux, mais c’est une interdiction symbolique, dont l’effet réel est, lui aussi, purement symbolique. Quelle incitation à considérer le jugement comme une aimable comédie ! Le malfrat débutant obtient une consécration : il est désormais certain de pouvoir recommencer, et progresser dans la délinquance, le prix à payer est léger, la réputation d’être un « dur » s’obtient facilement, pourquoi ne pas en profiter ?

Les travaux de Maurice Berger

Un psychiatre de grand talent, Maurice Berger, a écrit sur la violence et la barbarie une dizaine de livres qui éclairent fort bien le problème. Son atout est d’être un praticien, qui a mis la main à la pâte et tire ses réflexions de son action de thérapeute. Il faut lire De l’incivilité au terrorisme (Dunod, 2016), ou encore Voulons-nous des enfants barbares ? (Dunod, 2013). Le docteur Berger sait que parmi les « enfants barbares, il en est « qui n’ont pas la liberté interne de ne pas frapper », mais il est en même temps à l’opposé de ces personnes qui excusent systématiquement les délinquants.

Les travaux de Muriel Salmona

Cette psychiatre-psychothérapeute préside l’association Mémoire traumatique et Victimologie. Dans son ouvrage Le livre noir des violences sexuelles (Dunod, 2013) elle dénonce « une véritable loi du silence, qui empêche les victimes d’être réellement secourues et efficacement traitées ». Elle montre la réalité des blessures psychiques, souvent provoquées intentionnellement : « des actes intentionnels malveillants perpétrés dans le but de générer le maximum de souffrance chez les victimes, et d’organiser délibérément chez elles un traumatisme qui sera utile à l’agresseur pour mettre en place sa domination ». Son travail et celui de Maurice Berger sont précieux pour préparer la sortie de ces situations tragiques, qui constituent des blessures d’une extrême gravité. L’institution judiciaire peut s’en inspirer pour que véritablement « justice soit faite », pour que la loi du silence ne triomphe pas, et pour que les victimes retrouvent le droit à une vie qui ne soit pas un long martyr.

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Jacques Bichot est économiste, mathématicien de formation, professeur émérite à l'université Lyon 3. Il a surtout travaillé à renouveler la théorie monétaire et l'économie de la sécurité sociale, conçue comme un producteur de services. Il est l'auteur de "La mort de l'Etat providence ; vive les assurances sociales" avec Arnaud Robinet, de "Le Labyrinthe ; compliquer pour régner" aux Belles Lettres, de "La retraite en liberté" au Cherche Midi et de "Cure de jouvence pour la Sécu" aux éditions L'Harmattan.

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