Semons l’espoir : l’impératif d’une révolution agricole

Les champs languissent, les sols s’appauvrissent, et les agriculteurs se battent contre vents et marées. Les générations futures dépendent de notre action aujourd’hui. Nous devons briser les chaînes de l’inertie, déraciner les vieilles méthodes, et semer des idées nouvelles. L’agriculture ne peut plus se contenter de demi-mesures. Elle a besoin d’une révolution.

Jean Marc Esnault
Par Jean-Marc Esnault Publié le 23 mars 2024 à 14h00
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Semons l’espoir : l’impératif d’une révolution agricole - © Economie Matin

La nécessité d'une révolution agricole

À la fin de la IVème République, Radicaux et Démocrates-chrétiens, empêtrés dans leurs querelles parlementaires, n’ont pas lancé la grande réforme de l’enseignement agricole qui aurait pourtant été essentielle pour accompagner le changement d’un modèle protectionniste instauré par les lois Méline, qui maintenait des prix agricoles élevés sur le marché national, mais qui s’est ouvert à la concurrence internationale à partir de 1956.

Il a fallu attendre les années 60 et l’action d’Edgar Pisani pour que naisse un véritable enseignement agricole en France. À travers six lois, cette réforme a permis de mieux former le monde rural face aux nouveaux enjeux liés aux mutations de l’époque : remembrement, agrandissement des exploitations, utilisation des engrais, mécanisation, etc. Tout cela s’est déroulé dans le contexte de la reconstruction d’après-guerre, marqué par le Plan Marshall.

En 1981, avec l’arrivée de la gauche au pouvoir s’opère un nouveau tournant dans l’enseignement agricole. Il a fallu élever le niveau de formation et préparer les agriculteurs à de nouvelles tâches. Comme le souligne à l’époque Michel Rocard, « la bonne récolte n’est pas celle qui est abondante, mais celle qui se vend ». Ainsi, l’agriculteur ne doit plus être uniquement un technicien, mais aussi un gestionnaire et un vendeur.

Depuis lors, le concept d’agroécologie, cher à l’ancien Ministre Stéphane Le Foll, a émergé. L’agroécologie met au cœur de ses préoccupations la conciliation entre préservation de l’environnement et efficacité économique. Cependant, entre les paysans viticulteurs, les céréaliers et les éleveurs, ces questions se posent différemment. Comment parvenir aujourd’hui à un projet agricole lisible et partagé ? Comment passer d’un concept, celui de l’agroécologie, à une exigence qu’on ne peut plus nier ? Face aux enjeux de transition posés par l’agroécologie, quel rôle doit jouer l’enseignement agricole ?

Le monde rural, et plus spécifiquement le monde agricole, sont centraux dans la préservation de la vie sur notre planète. Face à la nécessité de nourrir une population mondiale de 10 milliards d’individus, de prévenir une possible sixième extinction des espèces et de lutter contre le réchauffement climatique, il est crucial de reconnaître cette réalité. Cette prise de conscience doit s’intensifier dans la société et chez les décideurs politiques. L’avenir de l’humanité se dessinera en partie sur ces territoires, avec une modernisation qui valorise économiquement et socialement de nouvelles connaissances et compétences. La génétique, l’intelligence artificielle, l’agronomie, l’innovation sous toutes ses formes (technologique et sociale) seront au cœur de cette transformation. La campagne sera à n’en pas douter demain le berceau de nouveaux métiers qui façonneront notre économie et nos modes de vie. Ils s’articuleront autour de la production d’énergies renouvelables, de services environnementaux, du tourisme durable, de la finance verte, de la préservation du patrimoine ou encore de l’architecture vernaculaire...

À la manière d’Edgar Pisani ou de Michel Rocard en leur temps, c’est donc bien une révolution que nous devons opérer, celle qui permettra l’émergence d’une nouvelle agriculture, et plus largement d’une nouvelle ruralité, dans une approche tout autant environnementale, sociétale que productive, qui passe aussi par la reconnaissance et la juste rémunération des acteurs, ainsi que le soutien d’un appareil de formation renouvelé.

Peut-être devrions-nous nous inspirer en partie de systèmes éducatifs qui ont montré leur pertinence pour créer de véritables lieux d’enseignement agricoles hybrides portant les enjeux d’un monde en transition, des lieux ouverts vers l’extérieur et particulièrement tournés vers le monde économique, la recherche, la culture et l’entrepreneuriat, des lieux de synergie pour créer un autre demain. Cette approche peine à s’imposer dans le monde de l’enseignement marqué par l’héritage de la révolution industrielle, où les temps et les espaces étaient compartimentés. Malgré l’évolution des pratiques éducatives, les emplois du temps demeurent rigides, les séquences de cours s’enchaînent à un rythme minuté, et les élèves passent d’une année à l’autre comme on passait d’un atelier de production à un autre. Cette segmentation persiste aussi entre le temps d’épanouissement personnel et le temps consacré aux études. Or, ce modèle ne répond plus aux attentes des jeunes générations qui ont besoin de projets, de sens et de valeurs.

Il est une certitude, celle qu’on ne fera pas la révolution écologique avec les recettes de la révolution industrielle.

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Jean Marc Esnault

Jean-Marc Esnault est Directeur général de The Land, un espace de formation, de réflexion, de culture, d’innovation sociale comme entrepreneuriale. Il est Président-fondateur du fonds de dotation « la terre et les Hommes » et du think-tank « Terre d’avenir ». Homme de médias, il intervient régulièrement dans la presse et est cofondateur de la revue Ruralités aux éditions Ouest-France. Jean-Marc Esault est également l'auteur de Bienvenue dans la nouvelle ruralité - Partons à la reconquête de nos campagnes !, paru aux Éditions L'Harmattan en 2022 et L'Homme face aux défis du monde contemporain : une réflexion sur notre avenir, Éd. L'Harmattan, 2024.

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