La loi n° 2023-270 du 14/4/2O23 de financement rectificative de la Sécurité sociale fournit un exemple du manque de hauteur de vue qui, depuis fort longtemps, affecte hélas la politique sociale et familiale française. Il s’agit cette fois de la réforme des retraites, opération importante puisque dans bon nombre de pays, dont la France, la plus grosse partie des revenus des retraités consiste en rentes viagères – dites familièrement « retraites ».
Réforme des retraites : Transpiration sans inspiration
Une législation dépourvue de tout bon sens économique
En France, les pensions de retraite sont attribuées grosso modo au prorata des cotisations versées au profit des retraités : plus un cotisant C est ponctionné au profit de l’ensemble des retraités R, plus il acquiert de droits à pension, c’est-à-dire de créances sur l’ensemble des actifs et futurs actifs. Vient le jour où il passe d’un statut de cotisant à un statut de retraité : il ne perçoit plus un salaire ou d’autres rémunérations soumises à cotisations de retraite, mais une rente viagère, financée par les actifs. Cela signifie que le retraité, souvent sans s’en rendre compte, est créancier des travailleurs, qui lui versent une pension grâce à des cotisations que les organismes sociaux prélèvent sur lesdits travailleurs.
C’est là que le législateur intervient pour imposer une règle absurde et inique : décerner aux cotisations destinées aux retraités le pouvoir d’ouvrir des droits sur la jeunesse. Quand un travailleur paye des cotisations dont le produit est destiné à être immédiatement reversé aux personnes âgées, en bonne logique et en bonne justice il ne fait que s’acquitter de la dette implicite qu’il a contractée envers les aînés qui l’ont entretenu et formé. Il n’investit pas, il rembourse la dette implicite qu’il a contractée en profitant de ce que ses aînés ont fait pour lui – l’entretenir, lui donner les moyens de se former, de devenir un producteur.
Le législateur n’a hélas rien compris à ce qui se passe, et il a imposé une sorte de conte de fées selon lequel entretenir les personnes âgées donnerait le droit de se faire entretenir ultérieurement par la génération suivante. Le rôle joué par l’investissement dans le capital humain a été repoussé hors des limites de l’épure juridique. La réalité a été expulsée, interdite de séjour, au profit d’une théorie fumeuse élevée au rang de vérité révélée : les droits à pension ne découleraient pas de l’investissement dans le capital humain, mais de la prise en charge des anciens ! Un remboursement est déguisé en investissement, et ipso facto l’investissement dans le capital humain n’est pas reconnu comme étant le moteur du mécanisme des retraites.
Un ajustement paramétrique injustement élevé au rang de réforme
Jean de La Fontaine, s’il revenait en ce bas monde, y retrouverait une grenouille qui veut se rendre aussi grosse que le bœuf : la minuscule « loi réformant les retraites » est une grenouille qui, à l’aide des syndicats et des media, essaye de faire croire que sa taille vaut bien une loi et des grèves à répétition. En fait, il s’agit d’un minuscule ajustement paramétrique, dont la promotion au rang de loi paraît tenir surtout au désir de faire croire que l’Elysée et Matignon sont en pleine activité.
Il est vrai que le second quinquennat d’Emmanuel Macron n’est pas très fécond, ni en réalisations ni en projets. En l’absence de projet véritablement important, le Président cherche quelque chose qui pourrait le remettre en selle. Les syndicats étant eux aussi à court d’action médiatisable, les deux parties ont coopéré – tacitement, bien sûr - pour lancer une opération mettant de l’animation sur la place publique et dans les media. A défaut d’avoir fait avancer le pays, cet épisode burlesque a rempli sa mission : fournir au bon peuple un sujet de discussions et de prises de bec.
Tout cela est bien poussif. Quand notre pays retrouvera-t-il l’élan qui lui avait valu, sous la plume du poète, le qualificatif de « mère des arts, des armes et des lois ? Oui, nous avons fichtrement besoin d’une Renaissance !