Entre inertie structurelle, calculs politiques et poussées protectionnistes, la révision des prévisions de consommation de pétrole pour 2025 laisse entrevoir un monde plus incertain qu’il n’y paraît. L’OPEP commence à s’inquiéter.
Pétrole : l’OPEP voit noir pour la demande mondiale

Quand l'OPEP rectifie sa boussole sur la demande de pétrole
Le 14 avril 2025, l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) a annoncé dans son rapport mensuel une révision à la baisse de ses prévisions de croissance de la demande mondiale de pétrole pour l’année 2025. Cette décision, qui n’a rien d’anodin, intervient dans un climat international où les tensions commerciales reprennent de plus belle. Le cartel pétrolier n’anticipe plus qu’une augmentation de 1,3 million de barils par jour (mb/j), contre 1,4 mb/j dans son rapport précédent. Une chute marginale sur le papier, mais qui en dit long sur l’évolution structurelle des marchés énergétiques.
Ce que révèle cette correction ? Un monde qui consomme moins, ou du moins, moins vite. Le volume global attendu pour 2025 s’élèverait désormais à 105,05 mb/j, une prévision en recul malgré la croissance continue de certaines économies émergentes.
Dans son communiqué, l’OPEP indique sans détour : « Cet ajustement mineur est principalement dû aux données reçues pour le premier trimestre 2025 et à l’impact attendu sur la demande, compte tenu des droits de douane américains récemment annoncés », relaye Le Figaro. Voilà pour le diagnostic. Mais derrière cette justification technocratique, le message est politique.
Demande en berne : les pays de l’OCDE sur la touche
À peine cette révision rendue publique, les courtiers ont eu un réflexe d’hibernation. Les prix du baril sont restés atones. Le Brent s’établissait à 64,88 dollars et le WTI à 61,53 dollars, confirmant que le marché n'attendait pas de miracle. La croissance de la demande en pétrole est bel et bien sous pression, et les signaux faibles deviennent dominants.
D’après le rapport, l’Amérique du Nord enregistrerait une baisse de 70 000 barils/jour au deuxième trimestre 2025, l’Europe une diminution de 20 000. Ces régions, pourtant historiquement gourmandes, semblent glisser lentement vers un horizon de stagnation structurelle. L’OPEP l’admet elle-même : « La demande est sous pression, en raison de l’impact probable des nouveaux droits de douane des États-Unis sur les importations » souligne Ouest-France.
Il faut dire que la politique commerciale agressive de Washington, dans la droite ligne du virage protectionniste relancé par Donald Trump, n’aide en rien. Les droits de douane cumulés sur certaines catégories d’échanges atteignent 145 % côté américain et 125 % pour la Chine. Le climat est tendu, l’économie suspendue, et la consommation d’énergie se retrouve en ligne de mire.
La Chine et l’Inde : les moteurs de la consommation de pétrole
Mais tout ne vacille pas. L’OPEP mise sur la Chine et l’Inde comme principaux moteurs pour soutenir la croissance mondiale de la demande en pétrole. Les deux géants asiatiques conservent leur statut de locomotives énergétiques. Cette dynamique, bien qu’attendue, ne suffit plus à compenser les replis des économies développées.
En termes de rythme, l’OPEP prévoit une croissance trimestrielle en dents de scie :
- 1,1 mb/j au deuxième trimestre,
- 1,5 mb/j au troisième,
- 1,3 mb/j au quatrième, en comparaison aux mêmes périodes de 2024.
Le message est clair : l’élan existe, mais il est brisé par intermittence. La consommation d’« or noir » n’est plus une ligne ascendante.
2026 : ça n’ira pas mieux pour la consommation mondiale de pétrole
L’OPEP ne se contente pas de revoir 2025. Le rapport abaisse également la prévision pour 2026, ramenant la croissance à 1,3 mb/j (contre 1,4 mb/j dans le rapport antérieur), pour une demande totale estimée à 106,33 mb/j. Une manière de signaler que le ralentissement s’ancre dans la durée. Plus encore, les perspectives de croissance mondiale sont révisées : 3 % pour 2025 (au lieu de 3,1 %) et 3,1 % pour 2026 (contre 3,2 % auparavant). C’est une pente douce mais continue. La machine globale ralentit, et l’OPEP prend acte.
Robert Yawger, analyste chez Mizuho USA, explique : « Les membres de l’Opep sont toujours très conservateurs dans leurs estimations de croissance de la demande. Ils ne la réduisent jamais de façon significative. Le fait même de la réduire un peu est donc quelque chose de surprenant ».
Production et consommation de pétrole : une correction marginale... ou un signal fort ?
Certains pourraient voir dans ces chiffres une simple correction technique. Mais une baisse de 100 000 barils/jour dans les prévisions de l’OPEP n’est jamais innocente. Elle signale un changement de tendance, voire une inflexion stratégique. Et surtout, elle reflète une incertitude croissante sur la solidité de la croissance mondiale.
Tamas Varga, analyste chez PVM Energy cité par Le Figaro, met le doigt là où ça fait mal : « Les deux plus grandes économies mondiales représentent plus de 50 % de la production économique totale, et lorsque ces géants se taxent mutuellement bien au-delà de 100 %, les conséquences économiques risquent d’être catastrophiques ». Le pétrole est-il encore le baromètre fiable de l’économie mondiale, ou déjà un indicateur d’une époque sur le déclin ?