Pénurie. Un mot que l’on croyait appartenir au passé. Mais que plusieurs événements (pandémie de Covid-19, blocage du canal de Suez, guerre en Ukraine) ont fait revenir sur le devant de l’actualité.
Pénuries : quand tout vient à manquer (extrait)
Énergie, matières premières, denrées alimentaires, médicaments, matériaux de construction, pièces automobiles, puces électroniques, main-d’oeuvre, aucun secteur ne semble épargné par cette tendance préoccupante.
Et pour cause. Dorénavant, la quasi-totalité des biens que nous achetons et utilisons parviennent jusqu’à nous via des chaînes d’approvisionnement aussi longues que complexes. Elles sont composées de multiples maillons, allant de l’extraction de matières premières (minerais, produits agricoles, énergie) et leur transformation, jusqu’à l’acheminement vers les rayons des supermarchés, en passant par la fabrication, l’entreposage et, bien sûr, le transport.
Mondialisation capitaliste oblige, ces différentes étapes ont été de plus en plus éloignées les unes des autres, augmentant les risques de perturbation par effet domino. Conflits, catastrophes naturelles, aléas climatiques, grèves, attentats, épidémies, autant d’événements pouvant « gripper » un maillon de la chaîne (voire plusieurs) et par là provoquer des goulots d’étranglement remettant en question le fonctionnement même de l’économie. Ces goulots semblent se multiplier depuis quelques années et il est fort probable que cela ne soit qu’un début, tant de nombreuses ruptures se dessinent, causées soit par des limites géophysiques (épuisement des ressources), des dérèglements climatiques (sécheresses et inondations), la chute des rendements agricoles, des tensions socio-économiques (mouvements sociaux, grèves, manque de main-d’oeuvre, vieillissement de la population, montée des replis identitaires) ou encore géopolitiques (guerres et conflits divers).
Jusqu’ici, les tensions ont été en partie surmontées et n’ont pas débouché sur des ruptures majeures, matérialisées par des pénuries durables. Mais leur multiplication est un phénomène inquiétant, et l’analyse objective des risques laisse supposer une aggravation et surtout une interconnexion entre ces phénomènes.
Tel est l’objet de la première partie de cet essai : établir un état des lieux des fragilités et des dangers pesant tour à tour sur les énergies, les matières premières, les chaînes logistiques, l’approvisionnement alimentaire et les systèmes de santé. Car, dans beaucoup de ces secteurs, nous entrons dans l’âge des limites et il faut nous préparer à des transitions nécessaires.
Une fois ces constats établis, il sera question dans une seconde partie de cerner les facteurs qui ont conduit à ces vulnérabilités. Loin d’être une fatalité, ces dernières trouvent leur source au sein d’une certaine vision de l’économie dans laquelle le libre-échange, la division mondiale du travail, la spécialisation des territoires et la libéralisation des mouvements de capitaux sont les fondamentaux.
Ces principes engendrent en outre chez un nombre croissant de personnes, qui les subissent de plein fouet, une perte de légitimité du système en place, ce qui risque également d’alimenter des tensions sociales et géopolitiques déjà existantes.
Texte tiré du livre "Pénuries : quand tout vient à manquer" écrit par Renaud Duterme et publié aux éditions Babelio, reproduit avec l'aimable autorisation de l'auteur.
Pour vous procurer le livre : https://www.babelio.com/livres/Duterme-Penuries-Quand-tout-vient-a-manquer/1561789