Le 3 septembre 2024, Heinz a décidé de secouer la planète culinaire en lançant ses spaghettis carbonara en boîte de conserve. Un produit commercialisé principalement au Royaume-Uni, et qui, sans surprise, a provoqué un véritable tollé en Italie, pays où la carbonara est considérée comme un trésor national. Un nouveau « carbonara-gate » n’est pas sans rappeler les précédents scandales culinaires comme l’ananas sur la pizza ou encore l’ajout de crème dans cette recette emblématique.
Des pâtes Carbonara en boîte ? Heinz l’a fait (et c’est honteux)
Gastronomie : la Carbonara, une tradition bafouée
La carbonara est un plat symbolique de la cuisine italienne. Élaborée à partir d’ingrédients simples et précis : du guanciale (joue de porc), des œufs, du pecorino romano, et du poivre, elle reflète l’essence même de la tradition culinaire transalpine. Pourtant, Heinz a osé dénaturer cette recette en y ajoutant de la crème, un sacrilège aux yeux des puristes italiens, qui considèrent cela comme une hérésie culinaire. Et encore, si ce n’était que ça le problème… L’idée même de spaghettis en boîte de conserve a de quoi faire hérisser les poils de tout amateur de cuisine italienne, à l’instar des malheureusement très courants raviolis en boîte (que vous ne trouverez dans aucun supermarché italien).
Le produit, destiné à la génération Z, selon Heinz, est vendu pour environ 2,50 euros la boîte. Présenté comme une solution rapide pour les jeunes consommateurs en quête de praticité, il ne pouvait pas passer inaperçu dans un pays où la gastronomie est un sujet sacré. « Nos spaghetti carbonara simplifient la préparation, permettant aux amateurs de pâtes de réussir leur plat à chaque fois », a déclaré Alessandra de Dreuille, directrice des repas chez Kraft Heinz, en se félicitant de cette nouveauté.
Une indignation générale en Italie
En Italie, la réaction a été immédiate et virulente. Des chefs étoilés et des personnalités de la gastronomie italienne ont dénoncé ce produit comme étant une insulte à leur patrimoine. Alessandro Pipero, chef étoilé de Rome, n’a pas mâché ses mots en qualifiant le produit de "nourriture pour chat". De son côté, Ciara Tassoni, gérante du restaurant italien Bottega Prelibato, s’indigne : « C’est une honte. Si quelqu’un venait ici et demandait une boîte de carbonara, il serait immédiatement mis à la porte ».
this is the drama https://t.co/TOWm4VVMaa
— italians mad at food (@ItalianComments) August 30, 2024
Les médias italiens et internationaux se sont également emparés de l’affaire. The Guardian a titré sur la "colère des chefs italiens", tandis que le Daily Mail n’a pas hésité à qualifier la génération Z de "paresseuse" pour justifier l’existence d’un tel produit. Le Times, pour sa part, est allé jusqu'à comparer cette innovation à un véritable affront à la culture italienne.
Carbonara en conserve : une controverse qui dépasse les frontières
Outre les professionnels de la restauration, le monde politique italien n’est pas resté silencieux. Daniela Santanchè, ministre italienne du Tourisme, s’est fendue d’un tweet cinglant en citant Alberto Sordi, acteur iconique dans "Un Américain à Rome" : « Nous donnerons la carbonara en boîte aux rats ». Un commentaire qui en dit long sur l’ampleur de l’indignation dans le pays de la dolce vita.
Mais Heinz persiste et signe. Pour la marque, cette conserve "respecte la tradition", rappelant que la recette a été initialement créée dans des circonstances précaires, en 1944, pour nourrir les soldats alliés. Un argument qui, bien que factuel, n’a pas convaincu les puristes. Le média italien Cibo Today a toutefois pris la défense de Heinz, arguant que la carbonara en boîte s’inscrit dans une forme de continuité historique.
Une recette dénaturée pour plaire aux jeunes ?
Il est évident que Heinz a ciblé une clientèle bien précise avec cette nouvelle recette : les jeunes, et plus particulièrement la génération Z. La marque joue sur les besoins de praticité et de rapidité des jeunes consommateurs, souvent pressés et peu enclins à passer des heures en cuisine. « 32 % des membres de la génération Z souhaitent que leur alimentation soit rapide et pratique », peut-on lire sur le site de Heinz. La conserve de spaghetti carbonara se veut être la solution parfaite pour un repas rapide et facile à préparer.
Cependant, cet argument marketing ne suffit pas à justifier la déformation d’une recette aussi emblématique. La carbonara en conserve de Heinz est perçue comme une atteinte aux valeurs de la cuisine italienne, où chaque ingrédient a son importance, et où la simplicité ne doit pas rimer avec dénaturation.
La vraie recette de la Carbonara : un rappel nécessaire
Pour ceux qui l’auraient oublié, la vraie recette de la carbonara n’a rien à voir avec la version proposée par Heinz. Point de crème, ni d’ajouts superflus. La véritable carbonara se prépare avec des œufs, du guanciale, du pecorino romano, et du poivre noir. La finesse de ce plat réside dans le mariage subtil de ces ingrédients, et non dans une industrialisation en boîte de conserve.
Jusqu’où peut-on aller dans la simplification de la gastronomie sans la dénaturer ? Pour les Italiens, la réponse est claire : la carbonara en boîte est un pas de trop. C’est même pire que l’ananas sur les pizzas (ou encore la banane sur les pizzas dont sembleraient se régaler les Suédois...)