La question des coûts d’opportunité se pose également. C'est-à-dire le coût estimé en termes d’opportunités non réalisées. Il faut essayer de prédire le cout que ce maintien représenterait, en termes de plans de renflouement et prendre en compte l’ensemble des retombées positives que nous aurions pu obtenir en investissant en France, par exemple, l’argent qui sera prêté à la Grèce. Dans ce cas, rien ne dit du point de vue de la France, qu’il est moins coûteux de maintenir la Grèce dans l’Eurogroupe que de la faire sortir.
Autre question, celle de la courbe en J. Créée par Alexander (1952) cette courbe montre que l’effet d’une dévaluation serait positif mais à long terme, malgré un renchérissement du prix des importations à court terme. Du point de vue Grec, toute la question d’une sortie ou non tourne autour de la courbe en J, généralement mobilisée pour justifier ou non la pertinence d’une dévaluation. En clair, et en schématisant les conditions de Marshall-Lerner, le surenchérissement du prix des importations sera-t-il compensé par l’augmentation du nombre des exportations, stimulée par les gains de compétitivité prix induits d’un taux de change réel favorable ? Dans le cas d’une économie très spécialisée sur le tourisme, mais qui a su conserver un gros potentiel agricole, comme en Grèce, on serait tenté de répondre oui à cette question.
Au final, on s’aperçoit que notre acharnement à vouloir conserver la Grèce dans l’euro n’est pas motivé par des raisonnements économiques mais politiques. En effet, laisser un pays sortir de la zone, si petit soit-il, alors qu’aucun traité européen ne prévoit une telle manœuvre, serait un aveu cinglant de défaite politique pour l’Union Européenne. Dès lors, un tabou politique serait brisé. Quels arguments pourrions nous opposer à la tentation d’autres pays qui voudraient également sortir de la zone parce qu’ils seraient étranglés par un euro trop fort ?
Dans tous les cas, à court terme, en ne raisonnant qu’au travers du cas grec, on ne peut que constater que tout dépendra de la manière dont se fera sa sortie. Si elle fait défaut, alors elle placera ses créanciers dans des situations très délicates et signera peut être l’arrêt de mort de l’euro. A l’inverse, si la Grèce ne fait pas défaut, l’euro pourra être sauvé, mais y a-t-on un intérêt ? Les pays du sud ont-ils intérêt à subir le diktat économique imposé par l’Allemagne ? La zone euro est constituée de pays et d’économies que tout oppose mais dont la monnaie est unique.
L’Allemagne a orienté son économie vers l’offre, en travaillant sa compétitivité, lorsque les pays du sud de l’Europe ont eu tendance à miser sur la demande, sur l’élévation artificielle du niveau de vie. Comment dès lors, répondre aux besoins, contraires, de chacun alors que nous n’avons à notre disposition qu’un unique levier ?
Pascal de Lima et Gwenaël Le Sausse