Contrairement à une idée reçue, le glyphosate n'est absolument pas interdit en Europe : il y a été autorisé pour 5 ans en 2017 soit jusqu'en 2022. A cette époque 18 pays européens (sur 28) avaient voté pour cette autorisation (même si la France avait voté contre, ainsi que 8 autres pays, comme La Belgique, l'Italie, le Luxembourg ou l'Autriche).
Le président Macron s'était engagé à l'interdire en France dans les 3 ans, ce qui n'a pas été possible. Il n'a été supprimé que là où ça a été jugé le plus indispensable et le plus facile : dans les espaces public (depuis 2017), chez les particuliers (depuis 2019), sur les voies ferrées de la SNCF (depuis 2021).
Mais il est encore massivement utilisé par les agriculteurs (non bios), dont beaucoup estiment ne pas avoir de solutions de remplacement. En 2014, année record, il s'en était vendu 9 500 tonnes en France ; on en était encore à 8 800 tonnes en 2017, et à 5 900 tonnes en 2019 (voir graphique provisoire publié par le Ministère de l'agriculture ). En Europe, seuls l'Autriche et le Luxembourg ont cessé de l'utiliser, en théorie.
Ce dossier, qui donne lieu à beaucoup de passion et de polémique, reste pourtant technique et complexe ; tentons d'en faire une petite revue (aucunement exhaustive).
-
Que le glyphosate soit cancérigène ou non, ses jours sont comptés
Malgré ce que pense une bonne partie de la population française, il n'est nullement prouvé que le glyphosate soit cancérigène !
En fait une seule agence internationale, le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) l'a classé comme « cancérogène probable » en 2015 (probable, non certain), au même titre que la viande rouge, les boissons à plus de 65° d'alcool, les lampes à bronzer ou le travail de nuit. Mais nettement moins que le tabac, l'alcool, les viandes transformées, la pilule contraceptive, la pollution de l'air, ou la poussière de cuir et de bois.
Elle précise que les peintres, les fumeurs passifs et les soudeurs risquent davantage d'avoir un cancer que les personnes exposées au glyphosate (on parle bien des agriculteurs utilisateurs de glyphosate, pas des consommateurs de fruits et légumes).
Toutes les autres agences internationales qui se sont prononcées sur le sujet l'ont classé comme non cancérigène : les Nations-Unies ( FAO et OMS), l'Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire française), l'Efsa (Autorité européenne de sécurité alimentaire), l'Echa (Agence européenne des produits chimiques), l'EPA (Agence américaine de protection de l'environnement), l'Osav (Office fédéral suisse de la sécurité alimentaire et des affaires vétérinaires), l'Arla - PMRA (Agence canadienne de réglementation de la lutte antiparasitaire), la RDA, l'APVMA (Autorité australienne des pesticides et médicaments), laFSC (Forest Stewardship Council), la NZ EPA (Agence de protection de l'environnement néo-zélandaise) et la BFR (Institut fédéral allemand 'évaluation des risques).
Les détracteurs du glyphosate ont évidemment tendance à ne mettre en avant que l'étude du CIRC. Ils déclarent que toutes les autres agences ont été infiltrées et manipulées par Monsanto. Il est vrai que cette firme a une longue expérience de la manipulation. Mais, dans ce domaine, tout le monde influence tout le monde.
Côté Monsanto, la longue enquête journalistique dite des « Monsanto papers » a montré que la société avait, dès les années 1980, connaissance de sérieux doutes planant sur la sûreté de ses produits. Et qu'elle s'est alors engagée dans une véritable guérilla scientifique et médiatique : elle a en particulier amendé et coécrit des articles signés par des experts qu'elle présentait comme indépendants, pour contrer les études qu'elle jugeait gênantes.
De là à penser qu'elle a réussi à manipuler totalement 15 instances internationales de pays différents, il y a quand même un pas qui reste difficile à franchir. Et en plus, pourquoi aurait-t-elle échoué dans le seul cas du CIRC ?
Côté détracteurs, l'affaire des « pisseurs de glyphosate », très médiatisée par la télévision, a montré des personnalités surprises de découvrir qu'elles avaient du glyphosate dans leurs urines. Elle a néanmoins fini un peu en eau de boudin quand un syndicat agricole a montré que le laboratoire Biocheck qui avait fait les analyses était peu fiable, car il utilisait la technique controversée « Elisa ». D'autres laboratoires plus classiques ne détectaient rien par chromatographie, y compris chez les agriculteurs utilisateurs fréquents de glyphosate. En fait les conditions de prélèvement, entre autres, influent considérablement sur les résultats.
De plus, rien n'était dit sur l'impact possible des doses minuscules qui avait été retrouvées, moins d'un microgramme par litre (µg/L), donc moins d'un pour un milliard, ce qui correspond à quelques gouttes dans une piscine olympique. D'ailleurs, progressivement, avec l'amélioration des techniques de détection, on finira bien par trouver dans un corps humain une molécule de tout (le jour où nos appareils détecteront une fraction de goutte dans l'équivalent de dizaines de piscine olympiques).
De plus, ne négligeons pas le fait que si notre organisme évacue le glyphosate à travers l'urine, cela veut bien dire qu'il ne le stocke pas dans notre corps. On a donc à la fois des doutes sur la fiabilité des résultats et sur l'interprétation des données.
Une autre affaire qui a défrayé la chronique a consisté à montrer à la presse des souris qui avaient développé des tumeurs cancéreuses après avoir mangé des céréales traitées au glyphosate. La communauté scientifique a démontré que cette étude était manipulatoire par de nombreux biais, et ne prouvait rien d'autre que la farouche volonté de leurs auteurs à faire interdire ce produit.
Ces doutes n'ont pas empêché plusieurs tribunaux américains d'intervenir dans cette controverse scientifique en condamnant très lourdement la firme Monsanto, qu'elle a accusé d'avoir provoqué le cancer de certaines personnes, en particulier un jardinier qui l'épandait dans les cours d'école et les parcs publics.
Ultérieurement, l'avocat qui avait obtenu cette condamnation, et accessoirement gagné beaucoup d'argent et de notoriété par ces procès, Timothy Litzenburg, a été pris la main dans le sac en tentant d'extorquer la somme de 200 millions de dollars à un fabricant de pesticides dont les produits entraient dans la fabrication du Roundup. Il a été condamné à 2 ans de prison.
Il est donc très difficile de se faire une véritable idée sur la dangerosité de cet herbicide qui paye, en fait, pour les autres. Car son nom est maintenant universellement connu et qu'il est le plus utilisé dans le monde et en France. Du coup on ne fait pas la distinction entre les centaines de différentes préparations dans lesquelles il intervient, pour de très nombreuses firmes. La formule est tombée depuis longtemps dans le domaine public et tous les fabricants de pesticides ont fini par l'utiliser.
Et pendant ce temps-là, on ne parle pas des très nombreux autres herbicides qui sont largement épandus, par centaines ou milliers de tonnes en France (Prosulfacarbe, S-metolachlore, Pendimethaline, Chlortoluron, etc.). Ni des fongicides et insecticides, eux aussi utilisés en grandes quantités et généralement considérés comme plus dangereux pour la santé humaine.
Mais il est probable que les jours du glyphosate sont comptés, au moins en Europe, car les politiques ont décidé d'en faire un exemple de leur politique écologique. A relativement court terme, il sera donc condamné pour l'agriculture, et les agriculteurs vont devoir apprendre à produire efficacement sans cet outil qu'il trouvait tellement commode, performant et peu onéreux.