Vive l’Europe !!!… Qui refuse les fusions

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Par Charles Sannat Modifié le 7 février 2019 à 9h34
Europe Protectionnisme Etats Unis
@shutter - © Economie Matin
1 000 MILLIARDS €1 000 milliards d?euros sont prélevés dans notre économie pour les impôts

Mes chères impertinentes, mes chers impertinents,

Mais quelle mouche vient donc de piquer le père Sannat, lui, grand pourfendeur du nouvel ordre des mamamouchis europathes, pour qu’il titre son édito « Vive l’Europe » ?

De vous à moi, je n’en reviens pas moi-même non plus de mon titre !!! Cela dit, j’espère que cela me vaudra de bons points de la part de la police de la pensée et un peu moins de trolls des patrouilles cybernétiques de la Commission européenne. Remarquez, ils sont faciles à repérer, ce sont des neuneus béats qui trouvent tout génial… Sauf que dans la vraie vie, tout n’est jamais génial ou absolu. Les succès, souvent relatifs, et hélas, les échecs, nombreux.

Et ça couine de Berlin à Paris !

Vous avez sans doute dû entendre le concert de protestations aussi bien françaises qu’allemandes au sujet de cette décision « absurde » qui va livrer le marché du train… à la Chine, d’après notre Nono national, alias Bruno Le Maire !

Quand « tout le monde pense pareil, alors… plus personne ne pense ».

Vous savez également que lorsque « tout le monde pense pareil, alors… plus personne ne pense ». D’ailleurs, d’après la légende, c’est au Mossad, les services secrets israéliens, que serait utilisée la théorie du 10e homme. Si un consensus se fait au sein d’un comité sur un sujet, alors il est du devoir du 10e homme de tout reprendre à zéro pour prouver que tous les autres membres se trompent… Eh oui, ce n’est ni une position enviable, ni facile à tenir, mais c’est ainsi que l’on évite les décisions absurdes et de passer à côté de l’essentiel. Au Vatican, il y a le même concept, appelé... avocat du diable.

Alors je vais jouer ici le rôle du 10e homme, ou celui de l’avocat du diable, des rôles que j’affectionne particulièrement d’abord parce qu’ils nécessitent une véritable volonté intellectuelle de lutter contre une pensée dominante, ensuite parce cela permet de titiller les neurones de chacun.

Point de vérité intangible ici, mais des axes de réflexion afin d’alimenter les pensées de tous et les débats communs.

Vive l’Europe qui refuse cette fusion donc !

C’est une excellente nouvelle, et je vais vous livrer ici quelques arguments qui démontrent que cette décision est la bonne.

1/ La concurrence

Il est vrai que la concurrence stimule la créativité. Faire toujours plus et toujours mieux avec forcément moins et des contraintes de plus en plus fortes nécessite fatalement des trésors de malice et d’intelligence. Ce sont ces trésors d’intelligence qui expliquent d’ailleurs que notre pays, la France, 60 millions de pleu-pleux sans doute inutiles, perdus dans un océan de presque 8 milliards d’habitants, réussit à maîtriser l’ensemble des technologies les plus complexes de la planète… Alors… surtout, ne venons pas brider la créativité française !!!

2/ S’associer avec les Allemands, c’est forcément une bonne idée… Ben, non !!!

Non pas que je n’aime pas les Allemands  ? même mon pépé qui les a combattus et pas qu’un peu, puisque cela lui valut une croix de guerre avec palme, disait qu’il fallait dépasser nos différences et nos défiances  ? , non, c’est nettement plus pragmatique, mais tout ce que nous faisons avec les Allemands ne fonctionne pas forcément !! On pourrait même dire que globalement, cela foire à chaque à fois, en dehors d’Airbus qui serait LE contre-exemple, et encore… Hier, je vous racontais que nous ne pouvions pas vendre de missiles à l’Arabie saoudite parce que les Allemands ne le voulaient pas.

Plus il y a d’interlocuteurs et d’intérêts divergents, plus vous complexifiez les choses et plus vous les rendez dysfonctionnelles… Tout devient un problème. Où met-on la nouvelle ligne de production, où on licencie, où on embauche, à chaque fois, dans ce type d’entreprises, les décisions deviennent plus politiques qu’économiques et l’efficience baisse avec l’augmentation du degré de complexité. Logique. Plus c’est gros, moins c’est flexible et plus cela finit par merdoyer…

3/ Trop gros pour faire faillite… veut dire que c’est trop gros !!

Une société, dans son ensemble, est beaucoup plus résiliente lorsqu’elle est composée de sous-ensembles de petite taille et autonomes. C’est d’ailleurs la conception même d’Internet, qui est à la base un réseau militaire conçu pour résister par ses multiples nœuds à… une attaque nucléaire de grande ampleur. Plus c’est gros, plus c’est la cata quand cela s’effondre, plus cela coûte cher à sauver, et la grosseur n’est pas une garantie de solidité. De David à Goliath, en passant par General Electric, un consortium que je croyais moi aussi à l’épreuve de tout, l’histoire nous montre que ses cimetières sont pleins de « grands ».

4/ oui, mais c’est la Chine qui va prendre tout le marché !!

Mais dites-moi les amis, citez-moi la dernière vente de TGV français à l’étranger… Allez, cherchez, encore… Vous ne trouvez toujours pas ? Normal, on n’a rien vendu depuis ceux que l’on a vendus… à la Chine, avec toute la technologie qui allait avec. Du coup, les Chinois, eux, produisent désormais nos TGV à pas cher… et les exportent notamment en Amérique latine.

Maintenant, citez-moi les exportations d’ICE allemand ? Aucune, normal… Personne ne veut du train allemand, même avec sa « deutsche qualität »… Alors associer deux canards boiteux, cela ne fait pas une bonne équipe, et comme disait la mémé (celle qui était mariée au pépé qui faisait la guerre aux boches mais aimait bien au fond les Allemands), mettre deux batoux mardous ensemble ça fait toujours un batou mardou… Ce qui se traduirait du patois de ma mémé en bon « françois » par « deux bâtons merdeux ensemble feront toujours un bâton merdeux », même s’il est plus gros !

Dit autrement, le marché européen ne sera jamais suffisamment grand ni profond par rapport au marché chinois pour que nos TGV soient compétitifs. Nous sommes condamnés à les vendre qu’en France.

5/ Un manque d’ambition évident !

Voilà ce qui me saute aux yeux. C’est du défaitisme !! Nous manquons d’ambition collectivement. Les élites françaises qui dirigent notre pays ne veulent plus avoir d’ambitions industrielles fortes ! Nos TGV, nos savoir-faire, sont réels. Nous avons à la fois des difficultés financières, mais aussi 1 000 milliards d’euros de prélevés dans notre économie, soit donc largement de quoi financer à peu près ce que l’on veut si cela s’accompagne d’un grand projet, d’une grande vision qui découle... d’une grande ambition pour notre pays et notre peuple.

Voilà, je viens donc de faire mon boulot de 10e homme et de vous trouver 5 arguments qui peuvent me faire dire « Vive l’Europe » qui refuse que l’un des joyaux industriels français soit dépecé pour être fondu dans un maelstrom germanique. Pour tout le reste, je sais que vous ne manquerez pas d’arguments supplémentaires, dans un sens comme dans l’autre, que j’aurai grand plaisir à lire.

Évidemment, je réserve mon vivat à l’Europe exclusivement à cette décision, pour le reste, nous savons bien que notre pauvre gouvernement et son mamamouchi en chef auront beau s’agiter dans tous les sens, ils ne sont que de petits hamsters qui, pendant 7 heures d’affilée, font tourner la roue de la cage, car l’Union européenne est une cage, un cadre fermé sans marge de manœuvre.

Il est déjà trop tard, mais tout n’est pas perdu. Préparez-vous !

Article écrit par Charles Sannat pour Insolentiae

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Charles SANNAT est diplômé de l'Ecole Supérieure du Commerce Extérieur et du Centre d'Etudes Diplomatiques et Stratégiques. Il commence sa carrière en 1997 dans le secteur des nouvelles technologies comme consultant puis Manager au sein du Groupe Altran - Pôle Technologies de l’Information-(secteur banque/assurance). Il rejoint en 2006 BNP Paribas comme chargé d'affaires et intègre la Direction de la Recherche Economique d'AuCoffre.com en 2011. Il rédige quotidiennement Insolentiae, son nouveau blog disponible à l'adresse http://insolentiae.com Il enseigne l'économie dans plusieurs écoles de commerce parisiennes et écrit régulièrement des articles sur l'actualité économique.