L'idéal européen renvoie à une Union sans frontière aucune, à un espace de libre circulation des biens, services et personnes. Depuis toujours, la Commission et la Cour de justice de l'Union Européenne veillent donc à ce que les acteurs économiques n'érigent pas de barrières artificielles à l'entrée ou à la sortie des Etats membres.
Mais avec l'arrivée en masse des produits et services immatériels, les codes de conduite sont bouleversés. C'est le cas en matière audiovisuelle où la vidéo à la demande (VoD) remplace progressivement mais surement l'usage de DVD, blue-rays, etc. Or, ces sites de vente en ligne bloquent leur accès en fonction de la localisation du consommateur. C'est ce qu'on appelle le « géoblocage ».
Le « géo-déblocage » recherché par la Commission européenne
Après Google, c'est à Netflix et ses concurrents que la Commission s'attaque. Elle avait déjà proposé fin 2015 d'imposer aux services de VoD ou de musique comme Spotify de permettre un accès au contenu à leurs abonnés quand ils voyagent temporairement dans un autre pays membre de l'Union.
Elle devrait aujourd'hui, mercredi 25 mai 2016, faire une proposition de règlement contre les « géoblocages injustifiés » constituant une discrimination des consommateurs en fonction de leur nationalité ou de leur lieu de résidence. En parallèle, les vendeurs auront une obligation de vente sans discrimination pour les biens ou services consommé localement et le re-routage automatique vers la version locale d'un site internet serait interdite.
Aucune de ces propositions n'a encore été approuvée par les Etats membres et le Parlement européen mais elles soulèvent déjà de nombreuses interrogations pour l'industrie des contenus en ligne qui voit d'un mauvais œil cette règlementation en gestation.
Les craintes de l'industrie des contenus en ligne
En effet, les principaux concernés mettent en avant que l'uniformisation des offres conduirait à une hausse des prix et soulèveront de nouvelles problématiques en droit d'auteur. Ils font valoir que leurs offres sont indissociables des différents marchés nationaux, par exemple Mathieu Moreuil, représentant de la Premier League de football anglaise à Bruxelles a insisté sur les différences de popularités des contenus culturels selon les pays.
Il a également annoncé que la conséquence de la suppression du géoblocage pourrait-être l'arrêt des ventes sur mesure de leur contenu à un diffuseur local pour au contraire proposer aux belges la mêmes chose qu'aux anglais au prix britannique. Cela ne manque pas de nous rappeler la décision dite « Premier League » de la Cour de justice du 4 octobre 2011.
Le principe de libre circulation au sein de l'Espace économique européen
Dans les faits, la tenancière d'un « pub » anglais avait souscrit un abonnement auprès d'un diffuseur grec qui avait acquis les droits de diffusion des matchs de foot de la 1ère ligue anglaise pour les projeter sans le son. Il a été reproché au diffuseur de violer la répartition territoriale des droits de retransmission qui étaient limitée à la Grèce dans son contrat. La question s'était alors posée de savoir si le titulaire du contenu peut organiser le marché de sa diffusion par des clauses d'exclusivité territoriales.
La Cour de justice, réunie en Grande chambre a estimé que les différences de prix entre les abonnements était en l'espèce artificielle et ne se justifiait pas. Elles conduisaient à recloisonner le marché contractuellement ce qui est contraire au principe de libre circulation. La tenancière du bar pouvait donc librement choisir de s'abonner auprès d'un diffuseur grec.
C'est exactement la même chose que veut éviter la Commission en proposant la suppression du géoblocage. Faisant donc preuve d'une certaine cohérence avec les décisions antérieures de la Cour, elle souhaite mettre sur un même pied d'égalité les citoyens européens s'agissant de leur accès aux services de contenu en ligne.