Union européenne : l’Espagne doit faire avec de nouvelles banderilles (1/2)

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Par Charles Sannat Modifié le 13 juillet 2012 à 15h21

Vers la ruine des épargnants espagnols et des autres

Je vais vous agresser directement par un morceau de langue de Shakespeare. Je sais, c’est désagréable mais, que voulez-vous, nous avons un standing à tenir. Mais rassurez-vous, une vague traduction approximative réalisée avec soins dans la langue de Molière va venir éclaircir ce passage fumeux mais hautement intéressant.

« European authorities are pressing Spain to inflict billions of euros of losses on small investors by wiping out certain types of bank debt before its financial institutions are recapitalised using eurozone rescue funds. The bailout conditions for Spain’s banks would force any lender taking aid fully to write off their preferred shares and subordinated bonds, according to a draft memorandum of understanding seen by the Financial Times ».

En gros, l’idée de la troïka, c’est qu’avant que les banques espagnoles soient recapitalisées (pour éviter la faillite généralisée du système financier dans sa globalité), il va d’abord falloir que de très nombreux épargnants constatent des pertes lourdes. En anglais le terme Write Off signifie « effacement ». Tout un programme pour votre épargne, en cette période estivale.

On va donc effacer d’abord les « preferred shares », c’est à dire les actions préférentielles en français qui vont (très mauvais jeux de mots je vous l’accorde) subir un traitement préférentiel, qui va voir tendre vers 0 la valeur desdits titres.

Lorsque je vous dis que les actions de la BNP ou de la Société Générale (je préfère ne même pas parler du Crédit Agricole et de sa filiale grecque) valent entre 0 et 5 euros, je reste beaucoup trop optimiste quand je parle d’une valeur de 5€… 0 sera la valeur des banques espagnoles. Remarquez, c’est assez logique, et nous aurions dû commencer par cela. Lorsqu’une PME est en faillite, ses actionnaires sont ruinés. Cela porte le doux nom « d’aléa moral », et c’est la contrepartie aux gains théoriquement illimités.

Bon, la bonne nouvelle c’est que si vous êtes normalement constitué, vous ne spéculez pas sur l’IBEX (l’équivalent ibérique de notre CAC 40 national), et vous ne détenez pas d’actions de banques espagnoles en direct. Attention à vos FCP, type « placements dans des entreprises européennes de grandes capitalisations », là, vous pourriez avoir quelques lignes indigestes… mais depuis le temps que l’on vous dit de sortir des marchés financiers, si vous ne l’avez toujours pas compris après douze ans de chute (2000 à 2012)…

Ensuite on va effacer les « subordinated bonds », là c’est un peu plus gênant, puisqu’il s’agit de ces fameuses « obligations corporate » dont les gérants nous rabattent les oreilles depuis deux ans en nous disant que c’est là qu’il faut perdre notre argent… pardon, placer votre épargne.

Donc, lorsque l’on vous dit qu’il ne faut pas détenir de produits financiers, que ce soit des actions ou des obligations d’état ou d’entreprises, on ne vous dit pas ça uniquement pour vous embêter, mais bien parce que c’est devenu beaucoup trop risqué par rapport au rendement proposé.

D’ailleurs, toujours « in english dans the texte » : « Spanish banks have EUR67bn [67 milliards d'euros NDLR] of subordinated and hybrid debt outstanding, according to Bank of Spain, much of which was sold to retail investors as savings products. The difference between Spain and other European countries is that these instruments are held mainly by retail investors, said Daragh Quinn, a banking analyst at Nomura ».

En clair selon l’analyste de Nomura, il y a pour environ 67 milliards d’euros de dettes subordonnées bancaires dont l’écrasante majorité a été revendue aux particuliers sous la forme de produits d’épargne. Est-ce que vous commencez à comprendre où nous allons maintenant ?

Nous allons vers la ruine des épargnants et une crise monétaire. C’est pour cela qu’il ne faut pas détenir de monnaies mais des actifs tangibles. Or, argent (le métal pas les billets hein!!), terres, forêts, maison à la campagne avec veaux, vaches, cochons et poules… commencez par les poules c’est plus simple.

Alors ne soyez pas naïfs, et informez les gens autours de vous. Il ne reste plus beaucoup de temps. Ce qui se passe en Grèce, ce qui se passe en Espagne et maintenant aussi en Italie préfigure évidemment ce qui se passera en France.

Aucune crise économique majeure n’a trouvé d’autres résolutions que la ruine des épargnants d’un côté et une refonte monétaire de l’autre. C’est une règle historique intangible. Et c’est ce qui va se passer y compris chez nous, Français. Nous ne sommes pas protégés par une ligne Maginot financière, et le nuage de Tchernobyl ne s’est pas arrêté à la frontière.

En Espagne toujours plus de rigueur

L’accord de Bruxelles sur un assouplissement des objectifs de réduction du déficit espagnol a bien sûr une contrepartie qui sera douloureuse pour le peuple espagnol. Le chef du gouvernement espagnol, Mariano Rajoy, continue d’annoncer des mesures d’austérité supplémentaire.

Dans le cadre d’un nouveau plan de rigueur, il a annoncé une réforme de l’administration devant rapporter 3,5 milliards d’euros d’économies, une réduction du nombre des entreprises publiques et une diminution « de 30 % du nombre des conseillers locaux », la réduction de certaines primes de fonctionnaires qui ne seront tout simplement pas versées…. lorsque les caisses seront vides. Elles sont vides.

Sans oublier une hausse de la TVA de 3 points (ce n’est pas beaucoup hein ?), qui passera de 18 % à 21 %.

La TVA réduite sur certains produits augmentera de 8 % à 10 % mais elle sera maintenue à 4 % sur les produits de première nécessité.

Au total, l’objectif visé pour ces nouvelles mesures est de trouver 65 milliards d’euros d’économies et de recettes à fin 2014. A priori, avec une telle stratégie, la croissance en Espagne, l’un des principaux partenaires commerciaux de la France, devrait être au rendez-vous.

Evidemment ces mesures ont été saluées par Bruxelles puisque le porte-parole du commissaire européen aux affaires économiques, Olli Rehn, a déclaré : « Il s’agit d’un pas important pour s’assurer que l’Espagne atteigne ses objectifs budgétaires cette année ».

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Charles SANNAT est diplômé de l'Ecole Supérieure du Commerce Extérieur et du Centre d'Etudes Diplomatiques et Stratégiques. Il commence sa carrière en 1997 dans le secteur des nouvelles technologies comme consultant puis Manager au sein du Groupe Altran - Pôle Technologies de l’Information-(secteur banque/assurance). Il rejoint en 2006 BNP Paribas comme chargé d'affaires et intègre la Direction de la Recherche Economique d'AuCoffre.com en 2011. Il rédige quotidiennement Insolentiae, son nouveau blog disponible à l'adresse http://insolentiae.com Il enseigne l'économie dans plusieurs écoles de commerce parisiennes et écrit régulièrement des articles sur l'actualité économique.