Panneaux solaires versus bouteilles de vin : la guerre est terminée ! Mais qui a gagné ?

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Par Captain Economics Modifié le 22 août 2013 à 9h48

Il y a maintenant un peu plus de 2 mois, le Captain' vous avait parlé du début de conflit commercial entre la Chine et l'Union Européenne au sujet des panneaux solaires et des bouteilles de vin. Vous avez raté cette histoire ? Voici donc un très rapide rappel des faits.

Le 4 juin 2013, la Commission Européenne annonçait la mise en place de droits antidumping (pour faire très simple, une taxe) sur les panneaux solaires chinois, en accusant les producteurs chinois d'exporter des panneaux solaires à des prix nettement inférieurs à leur valeur marchande normale, au détriment des fabricants de panneaux solaires de l'Union européenne. L'objectif de cette stratégie étant de détruire petit à petit la concurrence européenne afin d'instaurer un monopole sur ce marché. Réponse de la Chine quelques jours après, le 6 juin 2013, avec l'annonce de l'ouverture d'une enquête sur la production et le financement des vins en provenance de l'Union Européenne, histoire de débuter une partie de poker-menteur afin négocier la suppression des mesures mises en place par l'UE. Mais alors, deux mois et quelques après, où en sommes-nous de cette histoire ?

Voici la conclusion de l'article du Captain' à l'époque du début de cette "guéguerre", le 6 juin 2013. "Même s'il faut espérer que cette affaire se solde finalement par un accord entre l'UE et la Chine pour mettre fin en partie à ce conflit avec des concessions de chaque côté, il est important que l'Europe s'affirme comme une réelle puissance unie et un acteur majeur du commerce international mondial. C'est d'ailleurs le souhait de la Commission, qui, je cite "réaffirme qu'elle est prête à participer à une réunion du comité mixte UE-Chine dans les prochaines semaines, à une date fixée d'un commun accord, afin de discuter d'une manière constructive de tous les aspects de nos relations commerciales, dans le respect de nos engagements communs pris dans le cadre de l'OMC et dans l'esprit de notre partenariat stratégique." ! Mais au jeu de poker menteur, la Chine est actuellement, politiquement et économiquement, dans une meilleure situation que l'UE, et il y a malheureusement fort à parier (j'espère me tromper) que la Chine remporte ce nouveau bras de fer ! Allez, un peu de courage !" (source: "La guerre commerciale UE - Chine commence ! Bonne ou mauvaise nouvelle ?")

Mais qui est donc sorti gagnant de ce bras de fer ? Le 27 juillet 2013, l'UE et la Chine ont signé un accord à l'amiable, qui devrait, selon le Commissaire européen au Commerce Karel De Gucht, "conduire à un nouvel équilibre sur le marché à un niveau durable des prix" (source: "Commission Européenne"). L'accord prévoit que les exportateurs chinois respectant un prix minimum de vente soient exonérées de taxe antidumping (les seuils de 56 cents par watt pour un total de 7 gigawatts max ayant été semble t-il retenus). Le but de cet accord est de limiter la pratique du dumping, en fixant un prix plancher, mais cela ne garantit en rien la fin de cette pratique considérée comme illégale par l'Organisation Mondiale du Commerce.

Selon le groupement d'entreprises européennes du secteur ProSun, cet accord est cependant totalement absurde, car le prix de vente moyen en provenance de Chine se situe déjà au dessus du prix plancher fixé dans l'accord (autour de 59 cents par watt). De plus, selon diverses sources, la limite de 7 gigawatts laisse tout de même le champ libre aux exportateurs chinois ; le marché total étant estimé en 2013 en UE à 10 gigawatts. Bon attention tout de même, ProSun est un lobby qui fait son boulot de lobbying, et qui aurait sûrement dans tous les cas dénoncé l'accord afin d'essayer d'obtenir davantage de protection ou d'autres aides financières. De plus à court-terme, ce dumping chinois bénéficie à certaines industries françaises via de l'énergie bon marché (le problème étant à long-terme si cela aboutit à une situation de monopole + destruction de ce pan de l'industrie en Europe).

Mais si les chiffres sont exacts, et en reprenant la 1ère déclaration de l'UE en juin annonçant que, je cite "À leur juste valeur, les panneaux solaires chinois devraient être vendus en Europe à un prix supérieur de 88 % à celui facturé en réalité" (source : "Commission Européenne - IP/13/501 04/06/2013"), on voit assez rapidement qui sort gagnant de cette petite guerre commerciale. De l'autre côté, la Chine n'a toujours pas annoncé officiellement la fermeture de l'enquête sur le financement et la production de vin en Union Européenne, même si cela semble être en bonne voie. Après l'accord signé fin juillet, et étant étant donné les faibles arguments de la Chine à ce sujet, il y a fort à penser que cette histoire se termine assez rapidement, à la plus grande joie des producteurs de vins français.

Conclusion : La morale de cette histoire : lorsqu'un groupe hétérogène de pays défendant chacun leurs propres intérêts (-> Union Européenne) vous attaque, il suffit de contrecarrer l'attaque avec un menace bidon (-> taxe sur le vin en provenance de l'UE) pour renforcer les dissensions à l'intérieur du groupe hétérogène (-> la France et l'Italie paniquent à l'idée d'une taxe sur le vin, le reste des pays s'en moquent royalement) pour finalement négocier un accord qui sauve la face du groupe de pays hétérogène (-> ouais, on a un peu gagné quand même !) alors que cela ne modifie quasi en rien la situation initiale. Vous pouvez alors continuer votre stratégie de dumping et d'élimination des concurrents, pour instaurer petit à petit un monopole dans un secteur en développement. Fin de l'histoire !

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Doctorant en économie à l'Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et professeur d'économie à l'IESEG Paris, Thomas Renault est le créateur du site Captain Economics, un blog ayant pour but de démystifier l'économie, en abordant cela sans prise de tête ni prise de parti.