Qui peut se permettre aujourd'hui d'affirmer que notre pays est encore maître de ses choix souverains, politiques et financiers, économiques et sociaux sur l'échiquier européen ou mondial ? On peut faire le même constat pour l'Union européenne. Sans réel poids politique extérieur, elle inquiète ses membres bien plus qu'elle ne les rassure.
Une Union toujours sans gouvernance...
Du traité de Maastricht (1992) à celui de Lisbonne (2009), en passant par la mise en place de l'euro (2002), l'échec du traité constitutionnel (2005), la crise mondiale de 2008 et le dernier traité budgétaire européen (2012), force est de constater que l'Union européenne présente pour beaucoup de pays aujourd'hui dans son fonctionnement plus d'inconvénients que d'avantages.
Passé de 12 à 28 pays dans l'UE dont 19 en zone euro en 2015, le « patchwork » est multiple. L'Union européenne est un espace de paix prolongée, composée d'une mosaïque de pays tous différents. Les déséquilibres économiques Est-Ouest ou Nord-Sud ont mis en évidence les faiblesses de la maîtrise du système en place.
La nouvelle Commission de Bruxelles cherche sa voie avec Jean-Claude Juncker, son nouveau président. Lui-même est dérangé. Il fait l'objet d'une critique ouverte dans le cadre du scandale « LuxLeaks » sur un système massif d'optimisation fiscale totalement hétérogène. Devant un Conseil européen, à la recherche de son « identité », la Commission se réfère à une politique libérale inadaptée à la résolution des problèmes de l'Union sur le fond politique, économique, social et financier.
Au plan international, les décisions politiques du Conseil européen quand elles existent, sont plus que confuses. Le « chacun pour soi » officieux est de mise en général comme en Afrique et au Moyen Orient avec trop souvent un simple maquillage de présentation dans l'action. Excepté peut-être en Ukraine, aux frontières continentales de l'UE, sous l'influence des Etats-Unis dans le cadre de l'OTAN, où un effort concret devrait être fait, avec une rencontre entre Vladimir Poutine et Petro Porochenko, en présence de François Hollande et Angela Merkel, à Astana, au Kazakhstan, le 15 janvier. Une affaire à suivre...
Depuis 2012, le traité budgétaire européen (TSCG) a atteint ses limites insistant, encore et toujours, sur la rigueur et l'austérité. Imposé, il ne met pas en valeur les possibilités de relance de l'activité et de l'économie. Consolidant les agences de notations dans leurs jugements, ces comportements disparates interpellent les marchés financiers et les « gros » investisseurs privés et souverains.
La crise de la dette a révélé dans l'UE et la zone euro une série de handicaps lourds à surmonter dont le principal correspond à une absence totale de gouvernance « intelligente ».
La priorité des priorités : l'activité et l'emploi
Selon les estimations d'Eurostat, le chômage rémunéré touche plus de 26 millions de personnes (10,1%) pour l'ensemble de l'Union dont 19,2 millions (11,6%) pour la zone euro. Les dernières statistiques parues comptent 5,3 millions de jeunes de moins de 25 ans au chômage dans l'UE (23,7%), dont 3,6 millions dans la zone euro (24,1%), sans parler des moins de 25 ans sans formation et hors du système scolaire et des pays avec des taux de chômage pour les jeunes supérieurs à 50% ! La Commission a conscience que 10 Md€ par an par le FSE l'aide par transfert budgétaire est de loin très insuffisante.
La situation économique de l'Union européenne et surtout de la zone euro est inquiétante. On constate une très faible inflation, des débuts de déflation et une croissance en général atone avec des récessions locales. Les quelques indices positifs, perçus pour le début de 2015, sont dus avant tout à la baisse du prix du pétrole et à la remontée du dollar US par rapport à l'euro, et à des taux d'emprunts très bas pour ne pas dire parfois négatifs en ne citant que ces facteurs. L'UE n'y est pour rien.
Les points de vue sont antinomiques entre le besoin de « relance de l'activité » et l'obsession d'un «modèle dépassé, liée à une politique d'« austérité et de rigueur » dans un milieu hétérogène où comparaison n'est pas raison, les dirigeants allemands usant de leur « veto » d'influence. La Belgique, la France et l'Italie sont montrées du doigt par la Commission, sans parler de l'Espagne, du Portugal et des autres ou encore de la Grèce, au bord de l'explosion.
Faut-il encore répéter que « c'est l'activité qui crée de la richesse qui génère la croissance et non l'inverse ». Cela permet l'investissement et la création d'emploi. Il est donc urgent de favoriser de manière solidaire la relance de l'activité « marchande » et de permettre l'accès à l'activité pour tous à l'échelle de l'UE et surtout dans la zone euro en permettant à chaque pays d'approcher cela à sa manière.
Le seul moyen de sortir de cette impasse, c'est de relancer l'activité. Le FMI et la Fed tentent en vain de convaincre l'UE et la zone euro de réagir autrement en modifiant leur politique pour relancer l'activité, l'investissement donc la croissance. Ni la BCE de Mario Draghi, ni la BEI de Werner Hoyer ne sont indépendantes. Cette dernière est sensée mettre la première mise de fonds de 16 Md€ (5%) du plan d'investissement de Jean-Claude Juncker, prévu à hauteur de 315 Md€ ! Qui le finance ? Quand et comment ?
La confiance sur les marchés doit passer par une relance générale de l'activité, avec un retour progressif de la croissance, sachant que l'emploi est la priorité numéro un.
Une liste d'enjeux et de défis à relever...
La crise, dans son acception la plus large, a révélé les faiblesses d'un système européen confus qui n'a pas su faire face à ces défis. L'Union européenne n'est pas en mesure de répondre à ses propres enjeux. La notion d'objectif n'aurait-elle plus de sens ?
Optimisation, évasion et fraude fiscale perturbent l'équilibre financier européen. Y contribuent entre autres, le Luxembourg, la City of London et ses annexes, la Suisse, les Iles anglo-normandes, l'Irlande, la Belgique, les Iles Caïman, Monaco et... la France (peut-être). Les conséquences de cette forme de dumping fiscal, toléré voire même encouragé, sont importantes pour la concurrence. Ce déséquilibre, entretenu par le lobbying des grandes banques et des grands groupes multinationaux, est révélateur d'une Union européenne sans gouvernance ! C'est pourquoi, revoir la fiscalisation et assurer le contrôle au niveau européen est indispensable. Le FATCA (loi américaine) cela existe, mais il n'y a rien d'équivalent en Europe !
Un dumping social d'exception entretenu par la Commission et soutenu par le gouvernement allemand est lié aux travailleurs détachés. Un besoin d'inventaire et une remise à plat complète s'imposent. Des concurrences déloyales se développent. La France doit exiger la réécriture de la directive européenne sur les travailleurs détachés. La concurrence sociale en Europe n'est pas réglée. Le problème reste entier. C'est le préalable à la construction d'une nouvelle Europe.
L'UE devrait être une zone de libre échange, protégée du dumping économique, fiscal et social, avec le soutien d'une BCE indépendante. Sous son contrôle, Il faudrait mettre en place une Union bancaire européenne en encourageant l'investissement productif comme la recherche, le développement et l'innovation dans les domaines à forte valeur ajoutée. La Commission se devrait de favoriser des champs d'activités, à caractère transversal et multipolaire, en se limitant sur le plan opérationnel à la mise en place et au suivi de très grands projets entre quelques partenaires concernés ou à l'échelle de l'ensemble de l'Union. Pour les produits importés hors UE, un protectionnisme intelligent, partiel, choisi et temporaire, avec un principe de réciprocité pourrait voir le jour...
L'espace Schengen concerne 22 Etats sur 28 de l'UE et 4 hors de l'UE, l'Islande, le Lichtenstein, la Norvège et la Suisse. L'Irlande et le Royaume-Uni sont en dehors pour ne citer qu'eux. Cet espace englobe plus de 400 millions d'habitants qui bénéficient de liberté de circulation, de sécurité et de justice. L'espace Schengen a des frontières physiques territoriales, très perméables. On a tendance à l'oublier. L'immigration dans l'UE est en forte croissance. Le nombre de réfugiés, ressortissants du Moyen-Orient et d'Afrique, est très élevé. La plupart seront à terme pour la plupart des clandestins. Plus de 150.000 sont arrivés par l'Italie. La Grèce et l'Espagne sont les autres points d'entrée connus.
Plus de 3000 disparus en méditerranée en 2015 sans parler des 750 abandonnés le 31 décembre et de plus de 450 le 1er janvier au large de l'Italie ! C'est alors que les limites du système s'avèrent évidentes. Si l'agence Frontex est en charge de la gestion opérationnelle aux frontières, elle travaille en coopération avec tous les organismes de sécurité, de police, de douanes et de santé des Etats. Le budget de Frontex était de 85 millions d'euros en 2013 ! Il est insuffisant et il est en baisse. Mais surtout, l'UE n'a aucune politique commune en matière d'immigration. Les démographies des pays sont souvent antinomiques...
Dans un système confus, il faut affirmer avec détermination et continuité sa position. Le compromis permanent, « synonyme d'immobilisme », n'est pas la solution.
Repenser l'Europe autrement...
Pourtant la France ne peut pas vivre sans l'Europe, ni l'Europe sans la France. L'Allemagne se trouve dans la même situation. Mais l'Europe n'est pas destinée à se développer sous l'hégémonie d'un État ou d'un duo. La notion de gouvernance européenne passe par un autre concept que celui de la simple « loi du plus fort » ou du « chacun pour soi ». 28 Etats inhomogènes dans la même « division », avec les même droits, les mêmes contraintes et une monnaie unique optionnelle sans gouvernance, c'est un non sens. Il faut repenser l'Europe autrement. Le problème est posé depuis longtemps, mais reste sans réponse.
L'absence de réponse, obstacle au progrès, permet à l'euroscepticisme de se développer à grands pas dans les opinions publiques. L'Europe des handicaps se doit d'être repensée. C'est ce qui est proposé dans : Une Europe sans euro ou un Euro sans europe...