Crise en Ukraine : La réaction des marchés de Paris à Moscou

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Par Captain Economics Modifié le 29 novembre 2022 à 10h11

A part si vous avez vécu dans une grotte depuis une dizaine de jours, vous devez être au courant que c'est un sacré bordel actuellement en Ukraine ! Cela peut paraître étrange de parler d'économie et de finance de marché après que des centaines de personnes aient perdu la vie et au moment où un territoire se fait annexer, mais l'économie joue bien souvent un rôle, secondaire mais non négligeable, dans la déclaration ou la résolution de conflits. Petit tour d'horizon de la réaction des marchés depuis quelques jours et le début de l'invasion armée de la Russie en Crimée.

Vous avez déjà entendu l'adage : "rien de tel qu'une bonne vieille guerre pour relancer l'économie" ? Dans ce cas, les marchés devraient donc être super heureux ce matin, la bourse de Moscou devrait tout éclater et la monnaie russe (le rouble) s'apprécier fortement. Et bien c'est "presque" exactement ce qui est en train de se dérouler ... "presque" car en réalité c'est tout l'inverse qui est en train de se passer. L'indice phare de la bourse de Moscou, le MICEX, perd ce matin près de 9% (graphique 1), et à la bourse de Paris, la plus forte baisse est actuellement la Société Générale (-4,9%), qui détient la banque russe "Rosbank". L'indice de volatilité Russe, le RTSVX Index, qui est un indicateur permettant de mesurer le risque ("L'indice de volatilité VIX : l'indicateur de la peur des marchés !"), augmente quant à lui ce matin de 140%. Davantage encore que le risque de guerre, il semble que ce soit pour le moment le risque de sanctions économiques qui fasse psychoter les marchés, après la déclaration ce week-end par le secrétaire d'Etat américain John Kerry de potentielles sanctions économiques envers la Russie.

Russie-Ukraine-Marche

Depuis quelques semaines, un sujet brulant est celui de la perte de valeur des monnaies des pays émergents (Argentine, Turquie, Afrique du Sud...). Et bien autant vous dire que dans le contexte actuel, le rouble n'a pas échappé à la règle, en tombant ce matin à un plus bas historique face à l'euro. Pour essayer de calmer cette chute, la Banque Centrale Russe a augmenté en catastrophe son taux directeur ce matin de 1,5 point (de 5,5% à 7%), ce qui est énorme, dans le but d'enrayer un peu la fuite des capitaux. Pour rappel, lorsqu'un pays augmente son taux directeur, cela devient donc plus intéressant de placer de l'argent dans ce pays (hausse du rendement), ce qui entraîne une hausse de la demande de monnaie (rouble) et donc une appréciation de la monnaie (ou tout du moins une mois forte baisse que sans intervention dans le cas russe). Malgré cette forte hausse de taux, le rouble continue sa dépréciation ce matin, et a perdu sur un an près de 25% de sa valeur face au dollar et à l'euro !

"Mais Captain', la Russie a plein de pétrole et de gaz et peut donc faire pression sur les autres pays !". Ce n'est pas totalement faux, mais il ne faut pas oublier qu'à ce petit jeu, le grand perdant sera justement la Russie ! Les exportations de gaz et de pétrole représentent plus de deux tiers des exportations russes ; alors certes un blocage entrainerait une hausse des cours mondiaux de l'énergie et pourrait faire pas mal de dégâts dans la situation actuelle, mais la Russie peut-elle se permettre de jouer à cela, alors que sa croissance pour 2014 est estimée à "seulement" 3% (ce qui n'est pas terrible pour un émergent ; entre 2000 et 2007, la croissance moyenne en Russie était d'environ 7,5%) ?

croissance russie

Ce matin, Stéphane Soumier, présentateur de Good Morning Business sur BFM Business, a dans une série de tweets commenté ce qu'il appelle la "première crise du soviétisme de marché" et publié un article il y a quelques minutes sur "Les marchés contre Poutine" (le Captain' vient grave de se faire griller sur ce coup !). C'est à la fois un peu provoc', mais je trouve très pertinent ! Un petit extrait pour vous appâter "Le rouble ne flottait pas quand les soviétiques ont ordonné la dissolution de Solidarnosc, pas de bourse de Moscou à l’époque du coup de Prague, pas d’oligarques impatients le jour de l’invasion de l’Afghanistan. Or voilà que ce matin, le Russie se réveillent en pleine tourmente monétaire [...]"

Conclusion : "Rien de tel qu'une bonne guerre pour relancer l'économie" ? Demandez ça à Vladimir Poutine ce matin ! L'économie et la pression des marchés vont-ils permettre d'éviter une crise/guerre, via la difficulté pour la Russie de mener à la fois un conflit armée externe ET une potentielle crise économique en interne ? Espérons le !

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Doctorant en économie à l'Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et professeur d'économie à l'IESEG Paris, Thomas Renault est le créateur du site Captain Economics, un blog ayant pour but de démystifier l'économie, en abordant cela sans prise de tête ni prise de parti.