Parmi toutes les voies explorées pour lutter contre le chômage, il en est une si fondamentale qu’on s’étonnerait à juste titre du peu d’attention dont elle bénéficie aujourd’hui dans le début public.
Quoiqu’encore assez prospective, cette piste consacre la profonde mutation du monde du travail qui a déjà commencé à s’opérer sous nos yeux et voit ainsi le salariat progressivement s’effacer comme modèle de référence au profit du travail indépendant. À n’en pas douter, c’est là que les principaux gisements d’emploi de demain se trouvent, quand bien même le phénomène pourrait sembler marginal, avec un taux de d’indépendants encore limité à 10% selon les chiffres 2016 de l’OCDE.
On ne saurait trop attirer l’attention sur l’ampleur d’un tel changement et rappeler à quel point l’hégémonie du salariat traditionnel semble désormais derrière nous, sauf à reprendre les mots de Dennis Pennel, directeur général de la Confédération mondiale des agences d'intérim, pour qui « le lien de subordination ne correspond plus à notre système productif ». Le nombre de travailleurs indépendants n’augmentera cependant pas via génération spontanée mais grâce à deux raisons que je souhaite exposer ici en toute transparence, afin que soient pleinement intégrées les règles amenées à régir prochainement l’emploi et l’activité en France.
La première est liée aux bouleversements de l’économie dans son ensemble. En résumé, tout s’accélère et les entreprises, contraintes de suivre le mouvement, doivent notamment s’attendre à changer de taille, de marché, de concurrents, d’organisation interne, d’implantation géographique, de mode de production, de technologie, etc. Ce bouillonnement permanent implique bien sûr les hommes et les femmes à qui l’on demande de s’y conformer et plus encore de le provoquer. C’est la raison pour laquelle sont citées à juste titre la prise d’initiative, l’agilité, l’autonomie, ou encore l’adaptabilité. Or, au-delà des qualités intrinsèques de chacun, ces caractéristiques ne coïncident pas avec celles du modèle du salariat, du moins dans sa conception la plus désuète.
Dans ces conditions, rien d’étonnant à ce que les entreprises recherchent davantage de souplesse en augmentant leur volume de missions freelance. La deuxième explication derrière ce grand bouleversement relève des aspirations des Français eux-mêmes. Si le salariat et le CDI semblent encore représenter la forme idéale de travail, nos compatriotes ne se laissent pas enfermer dans des statuts figés et sont toujours plus motivés à l’idée de déployer leurs énergies et leurs talents en autonomie.
C’est d’ailleurs ce qui ressort de l’étude IFOP sur le travail indépendant que la Fédération des Entreprises de Portage Salarial (FEPS) s’apprête à publier : 1 actif sur 2 souhaite se lancer dans une activité indépendante ! Salarié et indépendant, les Français ne veulent plus choisir ! Et ils n’ont d’ailleurs plus à le faire grâce aux nouvelles formes d’emploi et l’essor de statuts permettant de cumuler indépendance et protection comme le portage salarial.
Il s’agit désormais de voir le travail indépendant comme une manière d’enrichir les parcours professionnels, voire personnels, et non comme un monstre dévorant qui aurait pour visage la fameuse ubérisation. Il s’agit ni plus ni moins d’élargir le champs des possibles et de sécuriser les carrières qui sont vouées à être de moins en moins linéaires. Retrouver du sens et du plaisir au travail passe certes par plus de souplesse, mais se conjugue nécessairement avec une solide protection sociale. Comment envisager l’avenir sereinement sinon ?
Le mouvement est en marche et il ne risque pas de s’interrompre. Ne serait-ce que pour répondre aux demandes de plus en plus nombreuses de télétravail et à l’exigence de plus en plus pressante d’équilibre entre vie privée et vie professionnelle. Reste à accompagner concrètement cette mutation en mettant la protection sociale des travailleurs indépendants au cœur de cette transition. Car oui, c’est possible !