Transition énergétique : Jean-Michel Germa prône un « changement de paradigme »

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Par Rédaction Modifié le 29 novembre 2022 à 10h10

Face à une transition énergétique qui fait plus parler qu’elle ne suscite d’actions concrètes et volontaristes, Jean-Michel Germa appelle de ses vœux un vrai « changement de paradigme ». Une (r)évolution énergétique, mais aussi économique et sociale.

Vers un nouveau modèle énergétique

« La transition énergétique est une tendance inéluctable », affirme Jean-Michel Germa. Pour cet entrepreneur spécialiste des énergies renouvelables, aucun doute n’est possible. Il faut transformer notre modèle énergétique en allant vers (beaucoup) moins de fossile… et (beaucoup) plus de renouvelable. Celle qu’on appelle « l’énergie décarbonée » est d’ailleurs une thématique qu’il connaît bien. C’est en effet Jean-Michel Germa, qui, dès la fin des années 80, a fondé la Compagnie du Vent. Elle fut la première entreprise à introduire des éoliennes en France. Aujourd’hui à la tête de la Soper, qui détient des participations dans plusieurs sociétés spécialisées dans les énergies vertes, il est aux premières loges pour constater la frilosité des politiques actuelles.

Le sujet ne manque pourtant pas de préoccuper les pouvoirs publics, tant au niveau national qu’international. En France, on prépare un projet de loi sur la transition énergétique (1), dont le gouvernement a clamé qu’il en faisait une priorité, jusqu’à y voir « le chantier majeur du quinquennat » (2). Attendu à l’automne dernier, le texte devrait finalement être présenté au printemps. Au niveau international, une série de conférences sur le climat, la dernière en date ayant eu lieu à Varsovie, doit permettre de parvenir à un accord pour limiter les émissions de carbone – et donc le réchauffement climatique. Mais à Paris comme à Varsovie, il est difficile de mettre tous les acteurs d’accord, et ne sont généralement adoptés que de timides compromis. Une situation dont s’inquiète Jean-Michel Germa, qui rappelle que les ressources fossiles s’épuisent, que le niveau de pollution lié à leur exploitation est alarmant, et que la solution du nucléaire n’est pas rentable, une fois ramenée à des niveaux de sécurité acceptables.

Pour lui, il est nécessaire de s’engager plus résolument vers un autre modèle : il faut que « les pouvoirs publics développent une politique énergétique décomplexée en faveur des énergies renouvelables et radicalement différente de la stratégie du tout nucléaire qui a été poursuivie durant les quinze dernières années », explique-t-il. Un nouveau paradigme donc, et un vrai virage, qui nécessite de repenser aussi, et avant tout, la question du financement et des économies d’énergie.

Pour un financement compatible avec le modèle visé

Jean-Michel Germa signale pourtant qu’à l’heure actuelle, malgré la volonté affichée par le gouvernement et les instances internationales, « les énergies les plus subventionnées dans le monde, sont le pétrole, le gaz et le charbon ». A cet état de fait s’ajoute un autre obstacle, de nature historique : en finançant toutes les précédentes formes de production d’énergie, « les pouvoirs publics ont été à l’origine de l’émergence de grandes corporations énergétiques en France. Celles-ci sont depuis devenues des lobbies très puissants. » Et une source de blocages à une vraie évolution des politiques.

Durant la conférence de Varsovie, Jean-Michel Germa s’est ainsi indigné de l’appel des grands énergéticiens européens à la fin du soutien aux énergies renouvelables. Un « paradoxe » selon lui, qui va totalement à l’encontre du « sens de l’histoire », et des ambitions de la transition énergétique. Préoccupé également par le sort des PME du renouvelable, il alerte sur les risques en terme d’emploi, d’innovation et de compétitivité à moyen et long terme si la France ne s’engage pas pleinement dans cette transition énergétique.

Car pour Jean-Michel Germa, les conséquences à attendre de ce changement de paradigme qu’il réclame ardemment, sont écologiques bien sûr, mais aussi économiques. Il détaille : « entrer résolument dans la transition énergétique, avant qu’elle ne s’impose à nous, permettrait sans aucun doute d’économiser des sommes considérables affectées à des énergies qui n’en ont plus besoin et de les affecter à la création d’emplois durables, et non délocalisables, dans les entreprises d’énergie renouvelable ». D’où l’intérêt, encore une fois, de se doter d’une politique de financement en accord avec nos ambitions écologiques.

Un changement à soutenir

Si la transition énergétique est un sujet si difficile qui cristallise bien des tensions et des intérêts divergents, c’est sans doute parce qu’elle touche aux bases même de nos sociétés. C’est ce qu’expliquent dans leur ouvrage (2), Jean-Marie Chevalier, Michel Cruciani et Patrice Geoffron : « Depuis deux siècles, la richesse qui nous entoure est fondée sur le carbone (charbon, pétrole et gaz). La transition énergétique […] impliquera un véritable changement de paradigme dans les fondements de nos sociétés ». Pour Jean-Michel Germa, si le défi est, certes, de taille, il n’en reste pas moins atteignable. « Je pense pour ma part que la transition énergétique pourrait se faire très rapidement avec le soutien de l’Etat », insiste-t-il. L’appel est lancé.

(1) https://www.developpement-durable.gouv.fr/Projet-de-loi-de-programmation-sur,36221.html

(2) https://www.gouvernement.fr/premier-ministre/jean-marc-ayrault-la-transition-ecologique-est-notre-premier-defi

(3) Transition énergétique : les vrais choix, septembre 2013 https://www.odilejacob.fr/catalogue/sciences-humaines/economie-et-finance/transition-energetique-les-vrais-choix_9782738130143.php

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