Thérapie génique : l’inquiétude grandit

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Par Jérôme Barbier Modifié le 14 mars 2019 à 13h04
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700En 2018, 700 essais cliniques étaient en cours dans le monde pour perfectionner la technique et l'étendre à de nouveaux cas.

Fin 2018, le Chinois He Jiiankui s'attirait une célébrité mondiale et les foudres de la communauté scientifique pour avoir oeuvré à la naissance de jumelles dont le génome avait été modifié pour les protéger contre le VIH. Ce cas emblématique, aux frontières de l’eugénisme, illustre les craintes que suscite aujourd’hui le recours à la thérapie génique.

La thérapie génique est une technique médicale consistant à introduire du matériel génétique dans des cellules dans le but de soigner une maladie. Les premières tentatives, qui concernaient les cas de maladies dites monogéniques ont permis de remplacer le gène défaillant par un gène sain. Après deux décennies de recherche, il est désormais possible d’éditer le génome du patient, c’est-à-dire de couper des parties altérées et de les remplacer par de nouveaux segments d’ADN. D’autres stratégies sont possibles, comme celle consistant à produire des cellules thérapeutiques, ou encore à utiliser des virus génétiquement modifiés pour tuer les cellules cancéreuses.

De telles méthodes thérapeutiques sont aujourd’hui utilisées dans le traitement de certains cancers. En Europe, en Chine et aux Etats-Unis, elles ont donné lieu à la commercialisation de plusieurs traitements. En 2018, 700 essais cliniques étaient en cours dans le monde pour perfectionner la technique et l’étendre à de nouveaux cas.

Des risques médicaux encore non négligeables

Dans un contexte largement expérimental, l'essor de la thérapie génique et les défaillances qu’elle peut engendrer font donner de la voix à ses opposants. Ainsi, un éditorialiste américain s’émouvait récemment du cas d'une patiente soignée pour une atrophie musculaire spinale : quatre jours après avoir reçu un traitement de thérapie génique, elle avait vu sa masse corporelle augmenter de 15%. La patiente fut en état de choc, les pupilles dilatées et éprouvant de grandes difficultés à respirer...

Parmi les risques soulevés, le premier tient au mode d’administration de ces thérapies. Le vecteur le plus couramment utilisé pour introduire dans l’organisme du patient le matériel génétique modifié est un vecteur viral. Bien qu’ils soient généralement modifiés pour être aussi sûrs que possible, les virus comportent toujours certains risques liés à leur potentiel toxique, et font l’objet d’une attention particulière de la part de la recherche.

La question est devenue brûlante puisque le laboratoire AveXis a annoncé avoir déposé une demande d’autorisation de mise sur le marché auprès des autorités de santé américaine, européenne et japonaise de son produit de thérapie génique, appelé Zolgensma. Si le dossier est accepté, la décision est attendue pour le milieu d'année en Europe. Or, selon l'Institut de révision clinique et économique (Clinical and Economic Review), il faut "en savoir plus" sur Zolgensma et connaître en amont "les avantages à long terme" avant de l'utiliser pour traiter de manière expérimentale l'Atrophie musculaire spinale (AMS).

Un risque de modifier l'humain ?

Les appels à la vigilance des autorités sanitaires sont d’autant plus pressants que l’évolution récente des recherches est porteuse de risques qui dépassent le seul domaine thérapeutique. En présentant au monde les résultats de sa modification génique sur des bébés nés par fécondation in vitro, He Jiankui a suscité la crainte de voir se développer un nouveau marché : celui des bébés génétiquement modifiés. Le chercheur chinois, controversé dans son propre pays, où on l’accuse d’être une sorte de Docteur Frankenstein, a été suspendu de ses fonctions et encourt aujourd’hui un procès.

Mais pour beaucoup, son « exploit » n’est sans doute qu’un coup de semonce. Si la technique utilisée par le scientifique chinois s’avérait, à terme, efficace, rien n’empêcherait les futurs parents d’exiger toutes sortes de modifications sur l’embryon dès sa conception, non seulement pour prémunir leur enfant contre certaines maladies, mais aussi à des fins plus esthétiques. Ce serait l’avènement des bébés à la carte. Et cela, sans qu’on ait la moindre idée des conséquences à long terme de telles manipulations sur le patrimoine génétique de l’espèce. Les appels à moratoire sur ce type de recherche se multiplient, au nom du principe de précaution, le dernier en date au sein du Parlement européen.

Prudence, mesure et encadrement juridique doivent définitivement réguler la recherche scientifique.

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