Déjà en forte progression ces dernières années au sein des organisations de toutes tailles, le télétravail a connu une véritable accélération depuis maintenant un an au regard de la crise sanitaire que nous traversons. Le déploiement massif de ce nouveau modèle, imposé par la crise sanitaire, a mis en lumière des avantages indéniables dans la qualité de vie au quotidien : gain de temps lié aux transports, moins de fatigue et de pollution, plus grande liberté dans l’organisation du temps de travail / temps en famille.
De vraies avancées et de nouveaux usages qu'il faudra tenter de préserver autant que faire se peut. Mais si le télétravail semble aujourd’hui devenir une certaine forme de « normalité » pour certains, force est de constater qu’il existe encore de nombreux points à éclaircir ou à préciser pour créer un cadre permettant de réglementer au mieux cette pratique, tout en répondant aux attentes de différentes populations : employeurs, collaborateurs, clients, etc.
Veiller à la sécurité et à la santé de ses équipes
L’une des obligations de l’employeur est d’assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des salariés, et donc des télétravailleurs. Nous touchons ici à des aspects légaux et pouvons évoquer les sujets liés à la charge, la durée et la gestion du travail, au droit à la déconnexion, au risque de sur-sollicitations pouvant aller jusqu’à des situations d’épuisement professionnel (“burn out”), ou au contraire à un isolement professionnel entrainant une sous-charge de travail (“bore out”) ou encore une perte de sens au travail (“brow out”).
Il est indispensable de bien mesurer les effets que le télétravail peut engendrer à long terme sur les équipes afin de les protéger de l’ensemble des risques psychosociaux (RPS) induits par ce mode de travail à distance. Dans ce contexte, force est de constater que de nombreuses études menées ces derniers mois alertent sur les impacts négatifs du télétravail sur le moral et la santé de certains collaborateurs : sensation d’abandon, déprime, porosité entre vie personnelle et vie professionnelle, perte de sens au travail, etc. Les effets du télétravail sur certaines populations peuvent ainsi être particulièrement nocifs, et doivent de fait être pris en compte dans la réflexion globale.
Maintenir la culture d’entreprise et l’émulation collective
Bien qu’il existe de nombreuses solutions digitales permettant aux collaborateurs d’échanger sous différents formats, il peut rester difficile de diffuser au quotidien la culture de l’entreprise sans réunir physiquement ses équipes. Plus encore, la notion d’intelligence collective peut être mise en danger par un recours trop important au télétravail. Cela peut alors avoir un impact direct sur la productivité et la qualité de service délivrée par une entreprise à son client ou sur la capacité de l’entreprise à créer et innover en continu.
On notera également que pour les managers, piloter leur équipe à distance peut s’avérer être un exercice particulièrement périlleux, qui demandera beaucoup plus d’énergie au management, et ce, à double titre. En effet, le challenge des managers sera double, avec la nécessité de mettre en place des bonnes pratiques en distanciel mais aussi en présentiel. A distance, il sera indispensable d’assurer le maintien du lien et de la cohésion d’équipe, et en présentiel, il sera tout autant nécessaire de trouver de nouveaux modèles d’animation des équipes pour des retours sur site fructueux et engageants.
Concilier attentes des collaborateurs et des clients
Un autre facteur parallèle existe, tout aussi important : les attentes des clients ont-elles changé ? Sont-ils ouverts à la question du travail à distance ?
Nombre de sociétés repensent actuellement complètement leur modèle organisationnel, notamment pour celles qui accueillent des équipes externes dans leurs effectifs (en régie par exemple). Que faire de ces équipes qui n’interviendront plus sur le site des clients ? Où les accueillir ? La notion de flexibilité, dans le respect de la réglementation, est un point clé à intégrer. Au final, il s’agira de trouver un juste équilibre : mettre en place des accords tripartites (client, employeur, collaborateur) qui correspondent au meilleur modèle favorisant l’efficacité et les synergies entre chacun est une première piste, mais la loi devrait aussi évoluer pour encadrer et faciliter au mieux les besoins de chacunes des parties.
L’épineuse question de la rémunération des collaborateurs
Travailler à Paris, Rennes à Montpellier a une réelle incidence sur le niveau de rémunération d’un collaborateur, et ce à responsabilités et compétences égales. Sur ce point, le télétravail soulève une nouvelle complexité. Prenons l’exemple d’un collaborateur parisien parti télétravailler depuis Rennes, dès lors que ses missions le lui permettent. Quelle rémunération lui verser : celle liée à son lieu de rattachement habituel (Paris, ou celle de sa nouvelle localisation) ? Comment justifier ces positions vis-à-vis des autres collaborateurs qui eux, sont rattachés à Rennes par exemple et qui sont donc moins payés que le collaborateur parisien ? Et pour aller plus loin encore, si le télétravail se généralisait et que la notion de présentiel « disparaissait », pourquoi alors ne pas avoir recours uniquement à des collaborateurs compétents et implantés à l’étranger par exemple ? Là encore, les coûts seraient optimisés. Le risque de perte d’emploi et de compétitivité à l’échelle nationale est donc réel.
Ces quelques points qui pourraient être complétés par d’autres mettent clairement en évidence que le télétravail est un sujet particulièrement complexe qui peut avoir des impacts multiples (positifs comme négatifs). Une chose est sûre, sa mise en place au sein d’une entreprise est avant tout une question d’équilibre et de prise en compte de nombreux de nombreux et délicats sujets en cours de mutation (évolutions sociétales, légales/jurisprudentielles ou encore celles des NTIC). C’est à cette condition que le télétravail, en complément du travail présentiel, pourra être mieux encadré et générateur de création de valeur pour tous.