Taxer le diesel dans le cadre d’une cohérence d’ensemble

Par Bertrand de Kermel Modifié le 13 février 2019 à 12h49
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@shutter - © Economie Matin
40%Le traffic aérien doit augmenter de 30 ou 40% d'ici 2050

OPINION

Dans une tribune du Figaro du 13 février 2019, des députés pleins de bonnes intentions proposent de revenir à la taxe diesel, à la condition que les recettes soient utilisées exclusivement à la transition écologique.

C’est déjà nettement mieux, mais c’est encore pathétique, car la tribune des députés manque cruellement d’une vue d’ensemble. Comme si nous étions seuls au monde, protégés par des barrières douanières.

1 – Mardi 12 février, on apprenait qu’une concertation de trois mois allait démarrer visant à augmenter la capacité d’accueil de Roissy, car le traffic aérien doit augmenter de 30 ou 40 % d’ici 2050, et Roissy souhaite profiter de cette aubaine.

Est-il raisonnable, juste et équitable pour le peuple français, de procéder à cet agrandissement et de laisser s’accroître le nombre de vols (donc des émissions de gaz à effets de serre), sans se préoccuper en même temps du cas du kérozène, qui, rappelons-le, est totalement exonéré de toute taxe carbone pour le plus grand bonheur des compagnies aériennes du monde entier ?

2 – Est-il raisonnable, juste et équitable pour le peuple français d’approuver en permanence des accords de libre échange négociés précipitamment entre l’Europe, le Japon, la Nouvelle Zélande, l’Australie ou encore Singapour (qui sont à des distances considérables de l’Europe), qui ne prévoient pas la neutralité des émissions de gaz à effets de serre qui en résulteront ? Rappelons que le transport maritime émet autant de gaz à effets de serre que l’Allemagne avec ses mines de charbon ?

Rappelons aussi que tous ces accords sont signés préalablement par la France (et les 26 autres pays) avant d’être approuvés avec enthousiasme par le Parlement Européen. Où est la cohérence d’ensemble des politiques française et européenne sur le climat ?

Par conséquent, sera-t-il raisonnable, juste et équitable pour le peuple français de voter bientôt au Parlement une augmentation de la taxe diesel sans disposer préalablement d’un calendrier de négociation internationale sur ces sujets (transports maritime et aérien), avec une date butoir ? C’est à la diplomatie française de gérer ce problème. Elle peut commencer aujourd’hui même. Tout le monde dit qu’on ne peut plus attendre.

Lors de ses vœux, le 31 décembre dernier, le Président a déclaré :

« Nous sommes en train de vivre plusieurs bouleversements inédits : le capitalisme ultralibéral et financier, trop souvent guidé par le court terme et l’avidité de quelques-uns, va vers sa fin ».

Il a même ajouté « notre malaise dans la civilisation occidentale et la crise de notre rêve européen sont là ».

Comme si cela ne suffisait pas, il a même ajouté : « Mais nous avons aussi vécu de grands déchirements et une colère a éclaté, qui venait de loin ; colère contre les injustices, contre le cours d’une mondialisation parfois incompréhensible… »

Impossible de taxer le diesel en France sans commencer parallèlement à réorienter dans un sens de justice sociale et environnementale ce capitalisme « ultralibéral et financier, trop souvent guidé par le court terme et l’avidité de quelques-uns ». Ca commence par une participation à l’effort de tous sur le climat, et donc par un calendrier de négociation.

Le Parlement français doit s’intéresser à ces sujets et faire régulièrement des recommandations au Président sur la politique européenne (climat et autres). Pourquoi ? Parce que « notre malaise dans la civilisation occidentale et la crise de notre rêve européen sont là ». et que « la mondialisation est devenue incompréhensible ».

Et ce n’est pas moi qui l’ai dit.

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Ancien directeur général d'un syndicat patronal du secteur agroalimentaire, Bertrand de Kermel est aujourd'hui Président du comité Pauvreté et politique, dont l'objet statutaire est de formuler toutes propositions pour une "politique juste et efficace, mise délibérément au service de l'Homme, à commencer par le plus démuni ". Il est l'auteur de deux livres sur la mondialisation (2000 et 2012)