La TAEG d’un crédit est moins frais !

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Par Laurent Denis Publié le 6 octobre 2020 à 5h07
Renegocier Credit Immobilier
@shutter - © Economie Matin

Le Taux Annuel Effectif Global, ou « TAEG », indique le prix total d’un crédit. Au cours de l'été 2020, des Tribunaux viennent de rappeler les banques à l’ordre, répondant d’ailleurs à leurs propres demandes : les frais d’un Courtier en crédit (ou « IOBSP ») sont exclus du Taux Annuel Effectif Global. Jusqu’alors délibérément enfreint par les banques, la perspective d’application de ce principe juridique ouvre des changements pratiques considérables pour les emprunteurs.

Qu’est-ce qui peut bien pousser un bipède doté à la fois de raison et de temps libre à entamer la lecture d’un bref article sur le Taux Annuel Effectif Global ou « TAEG » ? Quoi de moins entraînant au monde que d’essayer de comprendre comment le Droit envisage de répondre à des questions élémentaires telles que : « combien coûte un crédit ? » ; « comment comparer les prix des différents crédits ? » ; ou : « le prix du crédit est-il plafonné ? »

1. Le taux d’usure : le plafond du prix d’un crédit

Par entorse au principe général de liberté des prix, le prix des crédits est plafonné. Le seuil à ne pas dépasser s’appelle le taux d’usure. Un terme à la fois peu explicite et souvent trompeur. Demander de l’intérêt pour un prêt est évidemment permis ; mais au-delà d’un certain montant, il est illégal. Ce montant est celui de l’usure. En dessous, le prix du crédit est légal ; au-dessus, le crédit usuraire est interdit. Le prix d’un crédit et le respect de ce montant s’apprécient non pas uniquement à partir de la masse des intérêts du capital d’un prêt, mais selon l’addition de plusieurs coûts attachés au crédit.

Le coût total d’un crédit provient de trois principales sources :
- les intérêts, eux-mêmes calculés à partir du taux d’intérêt débiteur (ou nominal ou conventionnel), selon le temps passé et par une méthode actuarielle,

- les coûts supplémentaires exigés par le prêteur, sans lesquels l’emprunteur n’obtiendrait pas l’accord de prêt : frais administratifs ou de dossier, assurances, part sociales, pour ne prendre que trois exemples,

- les coûts engagés à l’initiative de l’emprunteur, dans le cadre de sa recherche du prêt. Ils ne sont pas toujours connus du prêteur.

Premier point : cette mesure du prix et de son plafonnement repose sur le principe que les intérêts ne constituent pas le seul coût d’un prêt. Et que pour savoir si un crédit dépasse (ou non) le plafond autorisé, il faut regrouper plusieurs coûts.

Deuxième point : les taux d’usure, ou plafonds des crédits, varient selon différentes catégories de prêts.

Par exemple :
les prêts immobiliers à taux fixe d’une durée supérieure à vingt années n’ont pas le même plafond de prix que les prêts à la consommation d’un montant supérieur à 6.000 euros.

Troisièmement : le taux d’usure, le plafond du prix des crédits, varie dans le temps. Il est fixé à la fin de chaque trimestre, pour application au trimestre suivant. Chaque année, il y a donc, pour chaque catégorie de prêt, quatre taux d’usure ou quatre plafonds successivement.
La notion qui permet de savoir si le prix global d’un crédit respecte, ou non, le plafond autorisé pour le prix d’un crédit s’appelle le Taux Effectif Global (TEG) ou le Taux Annuel Effectif Global (TAEG). Encore un terme bien peu limpide. L’observation des TAEG pratiqués par les prêteurs permet de fixer chaque trimestre les taux d’usure, selon une règle simple.

2. Le TAEG : un indicateur de coût d’un crédit

Le Taux Annuel Effectif Global, ou « TAEG » désigne l’indicateur du prix global d’un crédit. Ce n’est donc pas un taux, juste une valeur. Parmi les coûts attachés à un crédit, le Droit fait le choix de retenir pour composer le TAEG ceux qui réunissent trois conditions :

- ces coûts sont payés par l’emprunteur,

- les montants de ces coûts sont connus du prêteur au moment de l’émission de l’offre de prêt (ou peuvent être déterminés, ce qui revient à les connaître),

- ces coûts proviennent d’une condition exigée par le prêteur pour obtenir le crédit (ou pour obtenir les conditions proposées par le prêteur).

Ainsi, seuls les coûts exigés par le prêteur, aux montants connus et payés par l’emprunteur, entrent dans le calcul du TAEG. Apparu en 2008 grâce à la législation européenne, le TAEG s’est généralisé à tous les prêts aux Particuliers (aux Consommateurs) depuis 2016, dans toute l’Union européenne. Sa définition juridique depuis 2008 est équilibrée, alors que la précédente, utilisée par les banques de 1967 à 2016, retenait toutes les modalités les plus défavorables financièrement aux emprunteurs, au seul avantage des banques.

Outre la vérification que le prix global du crédit ne dépasse pas le plafond légal (l’usure), le TAEG sert également à l’emprunteur à comparer des crédits entre eux. Sa bonne compréhension apporte donc une aide précieuse à l’emprunteur : le TAEG permet de déterminer quel crédit, parmi plusieurs propositions, ressort comme le moins cher. Pour choisir efficacement un crédit, l’emprunteur peut donc comparer des TAEG entre eux.

Simple et clair dans sa composition comme dans son élaboration, le calcul du TAEG est compliqué à souhait par les banques. Ce qui permet à la fois un contentieux frénétique et l’affirmation, très artificielle et paradoxale, que ce TAEG serait « compliqué », voire « opaque. » En fait, c’est seulement l’emploi massif par les banques de méthodes de calcul délibérément contraires au Droit et systématiquement favorables à leurs profits qui alimente ce contentieux massif, lequel lasse manifestement nombre de Juges. Correctement appliqué, le TAEG est un indicateur bien pratique pour les emprunteurs ; et dont le calcul ne devrait guère poser de difficultés à des établissements bancaires dotés d’informatiques sur-puissantes.

3. Le TAEG ne contient pas les frais du Courtier en crédit.

Dépités par l’effondrement de la qualité de service dans les agences directes des établissements bancaires français, les emprunteurs Français se tournent à présent massivement vers les Intermédiaires bancaires. Le Courtier en crédit en est la figure la plus connue. Il délivre soit une prestation de courtage, soit un service de conseil en crédit immobilier, en contrepartie d’une rémunération (commission, ou honoraires).

Dédaignant d’appliquer la Loi pour calculer correctement le Taux Annuel Effectif Global des prêts, les banques intégraient systématiquement, depuis 1967, les frais de courtage à l’ensemble des coûts qui composent le TAEG. Cette pratique est illégale. Elle est contraire au Code de la consommation en vigueur depuis le 1er octobre 2016. Elle gonfle artificiellement le niveau du TAEG et abuse ainsi les emprunteurs.

Durant l’été 2020, deux Cours d’appel ont rappelé la règle juridique applicable : « les frais d’un intermédiaire en opération de crédit n’ont à être pris en compte pour le calcul du TEG que dans la seule hypothèse où ils conditionnent l’octroi du crédit » (Cour d’appel de Rennes, du 15 mai 2020, n°17/00004 ; Cour d’appel de Metz, du 17 septembre 2020, n°19/00692). C’est le principe légal, celui du Code de la consommation.

Celle de Rennes illustre très clairement son jugement : « […] rien ne démontre que [la banque] commercialisait ses prêts immobiliers par l’intermédiaire de ce courtier qui n’a de toute évidence été consulté qu’à l’initiative des emprunteurs aux fins de rechercher les meilleures opportunités du marché. […] Il en résulte que les frais de cet intermédiaire ne sauraient être sérieusement regardés comme constituant une condition de l’octroi du prêt, de sorte qu’ils n’avaient pas à entrer dans l’assiette de calcul du TEG ».

Précisons que ces deux décisions font suite à des demandes…des banques, en face d’emprunteurs qui contestaient leurs calculs en s’appuyant justement sur la pratique généralisée, erronée, d’intégration des frais de courtage au TAEG.

Voici donc les banques mises en demeure de tirer les conséquences de leurs propres demandes en Justice. En appliquant correctement la Loi. Ce qui entraîne deux changements pour les emprunteurs. D’abord, l’emprunteur qui préfère s’adresser à un Courtier en crédit ne sera plus « pénalisé » par un prêt ressortant à un TAEG plus élevé. La comparaison entre les prêts de différentes banques sera plus simple et non polluée superficiellement par le service de courtage délibérément choisi par le seul emprunteur. Ce dernier devrait ainsi plus aisément identifier le crédit le moins coûteux pour lui. Deuxièmement, alors que les règles d’usure (de plafonnement du prix du crédit), inadaptées au niveau des taux bas, évincent stupidement certains Consommateurs du crédit, la baisse du TAEG va permettre en ce cas d’accorder davantage de prêts à des emprunteurs parfaitement solvables, en évitant de faire croire à tort que le plafond de prix du crédit est dépassé.

Les erreurs de TAEG, lorsque la banque produit un TAEG plus élevé que le TAEG effectif des prêts, devraient être autant sanctionnées que les erreurs conduisant à des TAEG erronément trop bas.

Après plus d’un demi-siècle de pratique du TAEG, les banques françaises persistent dans l’interprétation, à leur seul avantage, d’un indicateur de prix pourtant prévu pour la protection des Consommateurs. Leur appétit pour le gain alimente le contentieux du TAEG et offre aux Consommateurs lésés par ces pratiques l’une des rares voies judiciaires mettant en cause la responsabilité des prêteurs. L’allégement du TAEG par simple application de la Loi réduit son niveau facial. Moins de frais abaisse le TAEG et facilite le crédit, lequel participe à la lutte contre l’anémie économique. Le rappel par les Tribunaux que les frais de courtage n’entrent pas dans le TAEG si le service du Courtier n’est pas l’une des conditions posées par le prêteur pour l’octroi du prêt soutient le marché du crédit, tout en contribuant à l’équilibre contractuel de ce marché.

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Maître Laurent Denis pratique et enseigne le droit. Conjuguant expérience bancaire et exercice juridique, il contribue aux nouvelles formes d'activités bancaires et financières, spécialement dans les domaines des crédits et de l'intermédiation. Auteur de plusieurs ouvrages, dont, avec Bruno Rouleau, consultant, « Courtiers en crédits et IOBSP : défenseurs d’intérêts » (juin 2018), lequel dépeint la profession d’IOBSP, analyse la situation présente et ses perspectives, pour détailler concrètement les pistes d’amélioration de son efficacité au service de l’économie. Son site : www.endroit-avocat.fr.