La robotisation et l’utilisation des données au secours de nos systèmes de santé

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Par Raphael Savy Publié le 9 décembre 2020 à 5h10
Intelligence Artificielle Secteur Emplois
@shutter - © Economie Matin
17,3 MILLIARDS $Le marché de l'Intelligence artificielle pèse 17,3 milliards de dollars dans le monde.

En cette fin octobre, le nombre d'infections au coronavirus a dépassé les 40 millions de cas dans le monde, dont près d’un million en France. La pandémie n'a pas seulement bouleversé nos vies, nos économies et nos industries, elle est également à l’origine d’un bouleversement majeur du secteur de la santé, nécessitant une transformation sans précédent. Les prémices de cette transformation sont déjà visibles dans les procédés cliniques, les diagnostics et les soins aux patients après leur sortie de l'hôpital, dont beaucoup sont pilotés par l'IA et la robotique analytique.

Elle se doit cependant d’être soutenue par les leaders de l’innovation, qui trouveront l’avenir de la médecine moderne dans la donnée et ses multiples usages. Ainsi, la robotique est déjà à même d’être déployée pour soutenir et soulager le personnel soignant, et ce dans quatre domaines principaux.

La captation des signes vitaux est le premier domaine dans lequel nous verrons l'adoption à grande échelle de la robotique. La température, la pression artérielle, le taux de sucre et d’oxygénation dans le sang pourraient bientôt être saisis sans contact. Les États-Unis sont précurseurs dans le domaine, et réfléchissent déjà à la mise en place de robots qui scanneraient les individus pour détecter la COVID-19. Ceux-ci pourraient être déployés dans les réceptions des hôpitaux, les magasins, les postes de sécurité des compagnies aériennes et même les bureaux des entreprises.
En allant plus loin sur cette piste, les infirmiers robots pourraient contribuer à terme à réduire les risques liés aux prises de sang, tant pour les patients que pour les infirmiers, en éliminant simplement la nécessité de la proximité entre personnes.

Dans le milieu médical, la propreté des hôpitaux et du matériel est un impératif. Que ce soit pour l’assainissement des dispositifs et des équipement médicaux, ou pour la livraison des médicaments, des repas et même des déchets, l’automatisation de tâches « basiques » par l’utilisation de robots permet de répondre efficacement au manque de temps, et au manque de moyens du personnel médical, mais aussi d’éviter la problématique de l’erreur humaine, dont la fréquence peut augmenter en période d’activité intense.

En France par exemple, la société Aked fournit, depuis le 30 mars dernier, des robots de désinfection UVD (robots autonomes désinfectant par le biais d’une lampe UVC) aux établissements de santé et aux locaux public, avec pour seul inconvénient la nécessité que la pièce soit vide.

Si l’on s’intéresse maintenant aux interventions chirurgicales, nombre d’entre elles continueront bien sûr à être effectuées en personne. Mais, des innovations importantes sont également déjà à même de permettre des chirurgies robotisées peu invasives. Ces interventions basées sur l'IA pourraient offrir des avantages non négligeables tels que des cicatrices plus petites, un risque d'infection réduit, un besoin moindre en transfusions sanguines, des temps de récupération plus rapides et des séjours hospitaliers plus courts, permettant de libérer les places plus rapidement.

La rééducation physique est également un domaine particulièrement intéressant pour l'innovation : la robotique peut faciliter et accélérer le processus de récupération des patients après une chirurgie lourde ou à la suite d’un accident grave. Les patients souffrant de problèmes moteurs peuvent maintenant utiliser des robots qui les aident à marcher et à améliorer leurs capacités motrices. Et pour les cas les plus importants, l’exosquelette est aujourd’hui devenu une réalité. Ces structures squelettiques robotisées sont conçues pour aider les personnes paralysées ou gravement blessées, et les accompagner dans le retour vers la marche.

En janvier 2020 dans l’Eure, la société française Wandercraft a ainsi fourni à un hôpital un exosquelette permettant au personnel médical d’aider les patients en rééducation à marcher. La société se penche même sur des modèles d’exosquelettes personnels pour aider les personnes à mobilité réduite à améliorer leur quotidien en dehors du service hospitalier.

La période post-hospitalière est également à prendre en compte : compte tenu de la nouvelle utilisation des systèmes de surveillance à distance des patients à la suite de la pandémie, la prochaine étape pourrait être de disposer de robots entièrement connectés, équipés de haut-parleurs, de caméras et d’écrans vidéo. Ces systèmes pourraient être déployés à domicile ou dans des établissements de soins spécialisés, afin de prendre en charge et de surveiller les signes vitaux des patients à haut risque présentant des pathologies multiples, et de s'assurer qu'ils prennent bien leurs médicaments.

Pour les personnes les plus fragiles se trouvant dans des établissements de soins longue durée, des robots comme Sam, le « concierge robotisé » fabriqué par Luvozo, peuvent aider à améliorer les conditions de vie. Déployé auprès de personnes âgées à Washington DC, Sam effectue fréquemment des examens de santé et contribue à améliorer les soins et à réduire les coûts, tout en améliorant la satisfaction des patients.

Enfin, on ne pourra pas terminer sans parler de l’émergence depuis un an du Health Data Hub, créé justement pour simplifier le partage des données et accélérer l’innovation dans la santé en France. L’initiative est louable, et montre bien que la France cherche à reprendre le train de la Data dans ce domaine, même si la mise en place du hub est compliquée par l’hébergement de ces mêmes données qui, si elles restent bien en Europe, passent par les serveurs de Microsoft, posant ainsi la question de la protection des données personnelles et de la souveraineté numérique.

Ce qui lie finalement tous ces points, ce sont les vastes quantités de données de santé éventuellement non structurées que ces innovations technologiques utiliseront et créeront, pour nourrir une intelligence artificielle, mieux comprendre une maladie que l’on étudie et ses risques, classer et classifier les malades et leurs affections au sein d’un hôpital, ou alimenter les réactions d’un robot grâce au Machine Learning. La crise de la COVID-19 a été un catalyseur important, en accélérant l'adoption de nouvelles technologies, dont beaucoup contribuent à protéger les médecins, les infirmiers, les soignants et les patients. Bien que cette analyse ne soit pas exhaustive, elle vise à définir un cadre de réflexion stratégique pour l'utilisation des technologies robotiques, et à envisager la manière dont elles pourraient être utilisées pour améliorer les résultats cliniques, démographiques, commerciaux et médicaux au-delà de la pandémie.

Cependant, il est important de reconnaître le rôle de l'homme dans ces technologies. À mesure que la complexité des données augmente, il est impératif d'adopter une analyse à la fois descriptive et prédictive, tout en adoptant l'apprentissage automatique et le traitement du langage naturel pour obtenir les informations nécessaires. Si le fossé des compétences techniques continue de se creuser, la capacité actuelle de l'IA continuera d'être surestimée et les projets échoueront. Ce sont les données qui fournissent et alimentent les connaissances, et non la technologie elle-même. La clé du succès est un changement de culture qui met davantage l'accent sur la créativité humaine travaillant en tandem avec les outils d'IA et d'analyse. Ce n'est qu'en libérant les données pour s'assurer qu'elles sont disponibles et accessibles aux personnes ayant une formation médicale, et grâce à des processus flexibles pouvant s'adapter à n'importe quel endroit ou à n'importe quelle technologie utilisée, que l'IA et la robotique deviendront le fer de lance d'une nouvelle frontière pour les soins de santé.

Pour conclure, force est de constater que ces exemples et ces initiatives, bien que très prometteurs, restent encore trop rares en France. Mais chaque situation comporte ses opportunités, et ces pistes ne sont que le début d’une réflexion destinée à transformer notre système de santé afin de l’adapter aux défis futurs. Il est temps de prendre le train en marche et de monter en compétence dans ce domaine, si nous souhaitons pouvoir garder un rôle à jouer dans le futur de cette industrie.

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Raphaël Savy est depuis décembre 2017 Directeur Europe du Sud d’ Alteryx. Basé à Paris et fort de son expérience aussi bien en B2B qu’en B2C, Raphaël Savy a pour mission le développement commercial et le support régional. Auparavant, Raphaël dirigeait les activités françaises de NIRATEK. Il a également été à la tête de la filiale française de Teradata Applications, entreprise spécialiste de logiciels marketing, après avoir occupé plusieurs postes chez eCircle.