Sortir d'une crise financière mondiale est plus difficile qu'y entrer : on le voit tous les jours et maintenant avec les tensions qui montent des pays émergents. Pour y entrer, il faut s'endetter. Pour en sortir, il faut se désendetter, autrement dit : payer. Mais qui va payer, mais quand, mais combien ? Là est la question.
Les Etats-Unis sont les premiers à être entrés dans la crise mondiale du surendettement et pour cause : ils en sont les plus importants responsables. Mais il faut reconnaître qu'ils ont mis en œuvre des politiques monétaire « non conventionnelles » pour en sortir... les premiers. Ils ont ainsi baissé leurs taux courts à zéro, baissé artificiellement leurs taux longs, baissé leur taux de change, notamment par rapport à l'euro et la monnaie chinoise. En même temps, ils ont baissé leurs salaires et le coût de l'énergie, avec le gaz de schiste. Bref ils se préparent à réduire leur arsenal monétaire non conventionnel et l'ont annoncé, ce qui a fait partout monter les taux longs et qui est à l'origine, aussi, de mouvement importants sur les changes des pays émergents.
Il va y avoir moins de liquidité moins chère
Ces derniers jours, à Jackson Hole, le numéro deux de la Banque centrale de Chine a ainsi exprimé ses interrogations par rapport à ces mouvements qui font remonter les taux longs et plus encore déstabilisent les changes – lui qui est un gros détenteur de bons du trésor en dollars. Les grandes monnaies émergentes ont perdu en peu de temps 15% de leur valeur par rapport au dollar, en Turquie et au Brésil notamment, ce qui a forcé leurs banques centrales à intervenir.
Pour la suite, trois possibilités se présentent :
- La première (et la plus favorable) est que l'essentiel de l'ajustement a été fait par les marchés financiers. Les taux américains à 30 ans sont à près de 4% - ce qui est en ligne avec une croissance à 2% environ et une inflation à 2%. Les taux monteront encore, mais 2/3 du chemin est fait – et la bourse l'entend ainsi.
- La deuxième est que la Fed ne réussisse pas à calmer les esprits sur sa stratégie à venir, que la forward guidance qu'elle met en œuvre, autrement dit l'annonce précise de la logique qu'elle entend suivre, ne soit pas jugée par les marchés assez claire ou convaincante. Alors une prime de risque peut naitre, renforçant les problèmes et les tensions.
- La troisième interrogation porte sur la situation géopolitique : les foyers de guerre ne manquent pas, Syrie-Egypte-Tunisie-Irak-Iran d'un côté, Afghanistan-Pakistan d'un autre, sans compter les tensions dans d'autres pays d'Afrique, sous l'effet de branches d'Al Quaïda. Viendrait alors un « choc militaire » sur les marchés financiers, qui donnerait sans doute un avantage supplémentaire au dollar.
La période qui s'ouvre est donc militairement et monétairement tendue. Au plan monétaire, personne n'est sorti de la crise de la dette : Japon, zone euro bien sûr, mais aussi les Etats-Unis, qui vont bientôt toucher le plafond de leur dette publique, avec les débats entre Républicains et démocrates qui risquent d'inquiéter, au moment où ce n'est pas nécessaire. Les Etats-Unis sont économiquement repartis, lentement mais assez sûrement, les émergents ont résisté au choc, la zone euro semble avoir passé le pire. Tout ceci est très fragile et doit être consolidé dans la durée. Mais chacun peut faire des erreurs.
Outre la géopolitique, qui est imprévisible, il est donc indispensable que les Etats-Unis affinent et affirment leur politique de normalisation, avec des messages apaisants, et que la gestion de la dette publique trouve de meilleures solutions aux Etats-Unis. Ce sont eux qui sont en première ligne.