Sur les marchés, cela paraît aller mieux

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Par Hervé Goulletquer Publié le 13 décembre 2018 à 10h18
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@shutter - © Economie Matin
2,04Le déficit budgétaire du pays prévu pour 2019 est de 2,04 point de PIB et non pas de 2,4 points comme annoncé.

Relations commerciales Chine/Etats-Unis, inflation américaine, Theresa May, Italie, dernier conseil de l'année des gouverneurs de la BCE, voici le point sur les marchés !

Chine et Etats-Unis : entre compromis et confrontation

Les relations commerciales entre la Chine et les Etats-Unis sont aujourd’hui l’alpha et l’oméga de l’ambiance de marché. Au cours de la journée d’hier, le flux d’informations a été favorable. Trois points sont à noter : 1) Meng Wanzhou, la directrice financière de Huawei et la fille du fondateur, a pu sortir de la prison de Vancouver où elle se trouvait depuis le 1erdécembre et a été mise en liberté surveillée, et ceci au moment même où le Président Trump fait comprendre que ce dossier est lié aux négociations sino-américaines ; 2) les autorités chinoises font deux gestes vis-à-vis des Etats-Unis, en abaissant la taxe sur les importations de voitures et en reprenant les achats de soja ; 3) il se murmure à Pékin que le plan « Made in China 2025 », visant à transformer l’industrie domestique en une puissance technologique parmi les plus importantes au monde, pourrait être revu.

On le pressent ; entre Chine et Etats-Unis, la dialectique entre compromis et confrontation est là pour durer et le différent sur la technologie sera difficile à régler. Disons cependant qu’à aujourd’hui chaque camp, et peut-être plus le chinois que l’américain, envoie des signes de prise au sérieux de ce démarrage des négociations, avec sans doute aussi la conviction partagée que l’échéance de 90 jours, mentionnée à Buenos Aires le 1er décembre dernier, devra être, si ce n’est annulée, au moins reculée.

Ralentissement des coûts salariaux unitaires

L’inflation américaine reste un point d’attention pour les marchés ; avec d’un côté, la spectaculaire baisse des cours du pétrole brut au cours des mois d’octobre et de novembre et de l’autre, la vigilance quant aux implications sur le coût du travail d’un taux de chômage particulièrement bas. De fait, en novembre, les prix à la consommation ont été stables sur un mois, avec un repli de la composante énergie de 2,2% et une hausse de l’indice cœur (hors énergie et produits alimentaires) de 0,2%. Passons au glissement sur un an pour noter un ralentissement de l’indice d’ensemble (de 2,5% à 2,2%) et une légère accélération de celui cœur (de 2,1% à 2,2%). Ce premier va sans doute continuer de ralentir à l’horizon des prochains mois, profil du prix du pétrole oblige. Mais quid du second ? On focalise beaucoup sur la dynamique des salaires ; au risque peut-être d’oublier que le profil favorable des gains de productivité permet à l’heure actuelle d’enregistrer un ralentissement des coûts salariaux unitaires. Le glissement sur un an est passé de 2,5% en T3 2017 à 0,9% en T4 2018. Le profil du noyau dur des prix de détail devrait le refléter ; au moins en partie.

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Brexit : Theresa May remporte une victoire

Theresa May aura connu l’enfer à la tête du gouvernement ; peut-être trouvera-t-elle le paradis lorsqu’elle le quittera. Elle a connu hier l’affront d’une motion de censure déposée par au moins 48 députés de son camp. Celle-ci n’a pas été soutenue par une majorité de membres du groupe conservateur à la chambre des communes. 200 des 317 MPs, qui ont pris part au vote, ont voté contre. Theresa May reste à la tête du Parti et donc du gouvernement. Sachant qu’aucune nouvelle motion de censure ne peut intervenir avant un an. Le prix à payer pour être soutenu aujourd’hui par une large partie de son camp a consisté cependant à renoncer à son double rôle avant les prochaines élections générales (prévues normalement pour mai 2022).En fait ce qui est clé aujourd’hui est de mesurer la capacité de Madame May de franchir avec succès l’obstacle du vote de Westminster sur l’accord de Brexit passé entre Londres et Bruxelles. Bien sûr, les hard brexiters dans les rangs conservateurs ont subi une défaite. Il n’empêche que leurs voix, mêlées à celles des députés qui aspirent à un nouveau référendum et à celles de beaucoup d’entre les Travaillistes qui veulent de nouvelles élections générales, constituent un obstacle majeur à la formation d’une majorité en faveur du texte signé par Londres et Bruxelles. Deux choses peuvent aider la Première ministre : une prise de conscience que le No-Deal Brexit ne peut pas être une solution et un message aujourd’hui du Conseil européen comme quoi le Backstop de la question irlandaise n’est pas fait pour durer. Dans tous les cas, d’ici au vote qui devrait avoir lieu au début de janvier prochain, le suspense est garanti.

Le Premier ministre italien a annoncé au Président de la Commission européenne que le déficit budgétaire du pays prévu pour 2019 est de 2,04 point de PIB et non pas de 2,4 points comme présenté initialement. Comment est-ce possible ? Eh bien, rapporte Bloomberg, « des analyses techniques ont permis au gouvernement de récupérer des ressources ». L’explication peut sembler un peu courte ; bien sûr. Mais cela n’a pas empêché les marchés de capitaux de saluer l’annonce. Le cabinet italien revient à une certaine « ambiguïté constructive » et il espère que cela servira ses intérêts.

La BCE convoque aujourd’hui son dernier Conseil des gouverneurs de l’année. A quoi doit-on être attentif ? L’enjeu est d’entamer le processus de normalisation du réglage monétaire tout en envoyant le message que celui-ci reste accommodant. A côté de la confirmation de l’arrêt du programme de Quantitative Easing, l’effort de communication va porter sur la forward guidance (le guidage prospectif et la politique de réinvestissement des tombées et des coupons. Il est probable que la question de relancer des TLTRO, les prêts à long terme au secteur bancaire - targeted longer-term refinancing operations – ne sera qu’évoquée aujourd’hui.

Entrons un peu dans le détail et commençons par rappeler que le nouveau jeu de prévisions économiques des services de la BCE sera publié aujourd’hui. Gageons que les chiffres de croissance et d’inflation pour les deux prochaines années seront un peu revues à la baisse. N’est-ce pas dans l’air du temps ? En se souvenant toutefois que par le passé la BCE a envoyé des messages qui ne se sont guère avérés. Ce fût ainsi le cas pour l’inflation cœur et le taux de chômage. En remarquant que la baisse plus rapide que prévue du second aurait dû entrainer une inflation plus forte qu’anticipée. Ce ne fût pourtant pas le cas.

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En matière de forward guidance, la BCE devrait s’en tenir à l’expression utilisée jusqu’alors : les taux directeurs resteraient aux niveaux actuels au moins jusqu’au cours de l’été prochain.

Pour ce qui est de la politique de réinvestissement, trois sujets apparaissent : le choix par pays pour ce qui est des titres d’Etat, cibler une maturité plus ou moins longue et la préférence relative entre Govies et Credit. Disons que la règle de la répartition du capital de la BCE contraint fortement le choix par pays et que se lancer dans une operation twist à l’européenne (privilégier les maturités longues) paraît compliqué. La piste à privilégier serait alors celle de l’équilibre entre obligations d’Etat et d’entreprises.

Reste le point important de l’expression concernant la balance des risques. Dans la version actuelle, les risques sont présentés comme globalement équilibrés, mais avec un biais haussier. Il parait difficile de renforcer celui-ci au moment même du démarrage du processus de normalisation.

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Hervé Goulletquer est stratégiste de la Direction de la gestion de La Banque Postale Asset Management depuis 2014. Ses champs d’expertises couvrent l’économie mondiale, les marchés de capitaux et l’arbitrage entre classe d’actifs. Il produit une recherche quotidienne et hebdomadaire, et communique sur ces thèmes auprès des investisseurs français et internationaux. Après des débuts chez Framatome, il a effectué toute sa carrière dans le secteur financier. Il était en dernier poste responsable mondial de la recherche marchés du Crédit Agricole CIB, où il gérait et animait un réseau d’une trentaine d’économistes et de stratégistes situés à Londres, Paris, New York, Hong Kong et Tokyo. Il est titulaire d’une maîtrise d’économétrie, d’un DEA de conjoncture et politique économique et diplômé de l’Institut d’Administration des Entreprises de Paris.