Si un brevet est utile pour se défendre contre la copie, c’est aussi le sésame pour sécuriser les investissements de R&D et lever des fonds. C’est également un excellent moyen de gagner en visibilité et d’asseoir le sérieux et le caractère innovant de l’entreprise. Or aujourd’hui seules 15% des startups françaises déposent des brevets.
Le brevet : un outil indispensable contre la copie
L’inventeur dépossédé de son idée par un tiers n’est pas rare. C’est d’ailleurs la triste mésaventure de Studio Banana, une startup espagnole qui, après une levée de fonds réussie sur KissKissBankBank.com pour développer son Oreiller autruche, a vu son produit copié et distribué à grande échelle par une entreprise chinoise. Sans brevet, Studio Banana n’a pu faire valoir son invention, ni stopper la commercialisation de ces copies.
Selon France Brevets, seules 15% des startups françaises déposent un brevet dans leur phase d’amorçage contre 23% pour l'Allemagne, 22% pour les États-Unis et 22% pour la Chine. Un moyen pourtant efficace pour lutter contre la contrefaçon.
Pourquoi alors si peu de brevets sont déposés en France ? Le dépôt d’un brevet représente une somme conséquente pour ces toutes jeunes entreprises puisqu’il faut débourser environ 5 000 euros la première année pour une protection européenne, auxquels il faut ajouter un montant à peu près équivalent la deuxième année. Et si on souhaite une protection internationale, les coûts s’envolent.
Le brevet : savoir dépenser pour gagner plus !
Rien d’étonnant donc que les startupeurs préfèrent investir leurs fonds - qui bien souvent ne s’élèvent qu’à quelques milliers d’euros - dans la communication, le marketing ou la commercialisation de leur projet et attendre une levée de fonds pour s’engager dans cette dépense.
Mais c’est une erreur, et à plusieurs titres. Outre le fait qu’une invention divulguée ou commercialisée n’est plus brevetable, une stratégie de protection des inventions notamment par le dépôt de brevets est indispensable pour lever des fonds. En sécurisant l’investissement fait dans la R&D contre les copies et en accréditant la valeur de l’innovation, le brevet donne une image de sérieux à l’entreprise et rassure les investisseurs.
Un brevet est un actif de l’entreprise tout autant que le sont les usines, ou les outils de production dans l’économie traditionnelle. Sans brevet, et même si l’invention est révolutionnaire, la start-up aura bien des difficultés à lever des fonds. En effet, rien ne prouvera à l’investisseur qu’une fois le produit sur le marché, un compétiteur ne commercialisera pas une copie, moins chère puisque n’ayant pas à supporter les frais de R&D, mettant ainsi son investissement en grand danger. Un risque qu’aucun fond d’investissement n’est prêt à prendre.
Accroitre sa visibilité grâce au brevet
Le brevet est également un excellent outil de communication. En effet, c’est un moyen de gagner en visibilité puisqu’après 18 mois les demandes de brevets sont publiées au Bulletin Officiel et accessibles sur de nombreuses bases de données gratuites, telles qu’Espacenet ou Google Patents.
Or les fonds et les grandes entreprises les épluchent en vue d’une prise de capital ou d’une acquisition. Selon l’étude de France Brevets, 30 % des jeunes pousses qui ont déposé au moins un brevet ont soit fusionné, été rachetées, ou ont réussi une introduction en Bourse. Un taux qui chute à 8% pour les startups sans titre de propriété industrielle. Détenir un brevet multiplie par trois les chances de succès d'une start-up.
Breveter, oui, mais dans les règles de l’art
Mais attention, tous les brevets ne se valent pas. Pour être un atout, un brevet doit être de qualité - un investisseur fera toujours réaliser un audit des brevets par un cabinet de conseil en propriété industrielle avant tout investissement – mais aussi couvrir les principaux marchés visés et pays où sont susceptibles de sévir les contrefacteurs. Dès lors qu’une entreprise touche un marché international, le brevet doit donc être déposé au minimum en Europe, aux Etats-Unis et en Asie. Là encore, le prix est conséquent puisqu’il peut s’élever à 100 000 euros, voire plus selon la complexité de l’invention. Il est donc important de bien identifier ces frais en amont d’une levée de fonds car si un investisseur ne s’engage pas dans une start-up sans brevet, il prendra toutefois en compte les frais d’une extension de brevet à l’international, qu’il sera prêt à financer s’il croit au projet.
Aujourd’hui, peu d’écoles d’ingénieurs et d’universités forment à la propriété industrielle. Pourtant le brevet est une arme économique majeure. Il permet de gagner en notoriété, d’attirer des investisseurs, des partenaires, des collaborateurs. Le brevet ne doit pas être perçu comme une charge financière pour l’entreprise mais comme une richesse, un pari sur l’avenir et une assurance vie pour la pérennité de l’entreprise face à une compétition toujours plus rude et internationale. Il est crucial d’anticiper la stratégie de protection de la propriété intellectuelle, et en particulier des inventions, dès la création de la start-up, au risque sinon de la voir disparaître avant même qu’elle n’ait eu le temps de vraiment exister.