Que la semaine dernière aura été difficile pour tous les amoureux de sport. Que d'émotions pour honorer la mémoire de trois personnalités aussi fortes que différentes. Retour sur ces Dieux du Stade partis trop tôt.
Christophe Dominici, Jacques Secrétin et bien Sûr Diego Maradona, trois hommes qui, à leur manière ont marqué leur discipline et leur époque, nous ont donc quitté en 24 h entre mardi et mercredi de la semaine dernière. Une série noire qui a profondément endeuillé tous les amoureux de sport et même bien au delà. Trois champions, trois générations, trois dimensions mais la même émotion.
Trois champions d’exception...
Le premier à partir aura été Christophe Dominici, champion écorché vif, sans concession, entier jusqu’à l’excès, le varois nous aura pris une dernière fois à contre-pied. Il restera pour toujours l’inoubliable triomphateur des All Blacks un soir de demi-finale de Coupe du Monde de rugby 1999. « Domi », à l’instar de Serge Blanco ou Frédéric Michalak, c’était un symbole du « French Flair », cette conception, née de l’incertitude et d’une certaine irrégularité, que tout pouvait toujours arriver sur un terrain, que quelle que soit la force de l’adversaire, la créativité pouvait renverser des montagnes. Une montagne appelée Jonah Lomu (lui aussi décédé en 2015) en l’occurrence. Dans une morbide ironie, David et Goliath se seront donc retrouvés beaucoup trop prématurément pour disputer la revanche...
Quelques heures plus tard, le facétieux Jacques Secrétin le suivait. Le meilleur pongiste français de l’histoire était l’incarnation d’un autre temps, celui où l’Europe était encore le centre du monde sportif, où la Chine n’avait pas encore installé son ultra-domination sur la petite balle blanche. Il aura fait plaisir à toute une génération tricolore sevrée de succès sportifs. Une autre époque où le haut niveau hexagonal n’avait pas encore pris le décisif virage des années 80. Secrétin était également un précurseur, l’un des premiers à comprendre que le sport devait être un spectacle pour devenir professionnel et drainer du public. Ses tournées d’exhibition mêlant ping-pong, musique et humour ont ainsi ravi les foules le faisant entrer dans la culture populaire au point d’intégrer un sketch de Coluche. Une certaine idée de la consécration.
Enfin, c’est le plus illustre qui s’en est allé. Diego Maradona, peut-être le plus grand du plus populaire des sports a tiré sa révérence. Footballeur génial à la personnalité ambivalente et controversée, capable d’incarner dans la même rencontre (un Argentine-Angleterre qui a ancré sa légende) le meilleur et le pire de ce que le ballon rond peut offrir, Maradona était pourtant beaucoup plus que cela. Idole absolue de toute une nation, il a redonné de la fierté à un peuple meurtri par la dictature et l’humiliation des Malouines. Sorti de la misère et sans instruction, El Pibe de Oro aura tout connu, la gloire la plus éclatante et la plus profonde déchéance mais n’aura cessé d’être adulé par un peuple qui reconnaissait en lui l’un des siens. Une véritable dévotion matérialisée par trois jours de deuil national, à la démesure du personnage.
...une même passion rassembleuse
Ces trois destins exceptionnels et funestes, chacun à leur manière, ont en commun d’avoir su toucher leurs contemporains, d’avoir suscité des émotions fortes à ceux qui les ont aimés et supportés, d’avoir rassemblé derrière eux au delà des frontières de leur discipline. Bien sûr Secrétin ne laissera pas une empreinte aussi universelle que Maradona, Dominici non plus d’ailleurs mais peut-importe, que l’émotion soit mondiale, nationale ou locale, les sportifs ont ce pouvoir de rassembler au delà des clivages ou des différences.
Bien plus qu’une simple activité physique, le sport est aujourd’hui, n’en déplaise à une intelligentsia française trop souvent méprisante, un moyen unique d’unir les hommes et les femmes à travers des joies et des peines collectives. Tout ceux qui sont assez vieux pour l’avoir vécu peuvent vous dire où et avec qui ils étaient au moment de la main de Dieu de Maradona ou du rebond ayant permis l’essai vainqueur de Domi contre les Blacks. Théâtres privilégiés de l’expression de la fierté et de la cohésion nationale, parfois aussi malheureusement celui de débordements de violence inqualifiables, les stades sont le reflet de nos sociétés et le creuset d’un sentiment commun d’appartenance voire de fraternité sociale.
Alors que l’idole argentine soulignait que « jouer à huit clos, c’est comme jouer dans un cimetière », les arènes sont aujourd’hui désespérément vides et silencieuses. Dans une année 2020 décidément pas comme les autres, la Covid 19 nous aura tous isolés. Qui sait d’ailleurs si cette atmosphère pesante et anxiogène n’aura pas joué un rôle dans le geste terrible de l’ancien ailier tricolore... Vivement que le sport puisse reprendre son rôle rassembleur autour de ces symboles forts que sont les athlètes et que les tribunes puissent rouvrir afin que le sport redevienne ce qu’il ne devrait jamais cesser d’être : une fête.
Il est vraiment temps de clore le chapitre de cette année maudite ouverte avec l’accident mortel de Kobe Bryant en janvier dernier pour recommencer à vibrer derrière les sportifs, devant nos écrans et surtout dans les stades.