La souveraineté énergétique européenne passe par la Transition énergétique

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Par Léo Lemordant Modifié le 29 novembre 2022 à 9h22
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@shutter - © Economie Matin
30%Le prix de l'énergie a augmenté de plus de 30% sur un an en juin 2022.

La guerre en Ukraine oblige les dirigeants européens à refonder leur politique énergétique. Alors que les sanctions prises à l’encontre de la Russie font peser des risques sur l’approvisionnement en gaz dès l’hiver prochain, la Commission Européenne doit s’engager à lever les contraintes sur le développement des énergies renouvelables.

Dans une tribune publiée dans le JDD, les dirigeants des grands groupes énergétiques français tirent la sonnette d’alarme. Devant la gravité de la situation que traverse l’Europe, TotalEnergies, Engie et EDF appellent « à une prise de conscience et à une action collective et individuelle » pour une plus grand sobriété énergétique. Depuis le début du conflit entre la Russie et l’Ukraine, les Européens ont pris conscience de leur vulnérabilité et de leur dépendance aux hydrocarbures russes qui représentent 40 % de la consommation européenne de gaz, 20 % pour la France. Le risque de rupture dans les chaînes d’approvisionnement est imminent avec le danger de coupures dès l’hiver prochain, malgré les promesses politiques de remplir les stockages souterrains de gaz au plus vite.

L’heure est donc à la sobriété énergétique immédiate et massive. L’hypothèse d’arrêts intempestifs des grands centres industriels et de coupures d’énergie chez les particuliers auraient des conséquences sociales et économiques très lourdes pour les Européens. Les actions individuelles, nécessaires, auront un impact sur la consommation globale d’énergie sur le continent mais resteront limitées. Les responsables politiques doivent faire des choix dans l’urgence pour assurer l’indépendance de l’Europe tout en maintenant ses objectifs de réduction d’émissions de gaz à effet de serre. Or le choix de prolonger l’activité de centrales à charbon polluantes, voire la réouverture de certaines dont celle de Saint Avold en Moselle, laisse présager le pire sur nos capacités à tenir nos engagements climatiques.

Seule une action massive, rapide et concertée à l’échelle du continent peut permettre de résoudre la double urgence de la souveraineté énergétique et de la crise climatique.

Porter un mix énergétique avec les renouvelables

Le financement de la transition énergétique qui a pour objectif d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2050 en fléchant les investissements vers les activités vertes a abouti au règlement sur la taxonomie adopté par l’Union Européenne en 2020. Depuis, les tergiversations autour de l’intégration du nucléaire et du gaz dans la taxonomie reflètent les difficultés à définir une stratégie commune qui dépasse les clivages politiques et les intérêts nationaux.

Sur le nucléaire, la France peut s’enorgueillir de disposer d’une industrie puissante et d’un savoir-faire inégalé en Europe. Mais les déboires industriels et financiers de l’EPR de Flamanville, toujours en construction depuis 2007 alors qu’il devait entrer en service initialement en 2012, illustrent les limites de cette source d’énergie décarbonée qui ne sera pas en mesure de répondre à notre problématique à l’horizon temporel qui nous est imposé.

La solution la plus pragmatique et la plus rapide à mettre en place se situe bel et bien du côté des énergies renouvelables. La configuration géographique de l’Europe permet de développer massivement l’éolien, notamment en mer, et le solaire. La diversité climatique et l’extension géographiques du continent sont même une force pour compenser l’intermittence des énergies renouvelables. Des scénarios crédibles de mix énergétique avec une forte pénétration des EnR existent, mais rien ne sera possible sans une coordination et une coopération actives à l’échelle de l’Europe. L’ensemble des acteurs et institutions, privés et publics, devront tendre vers ce même objectif.

Flécher les capitaux et lever les freins

Le choix des députés européens en commission d’exclure de la taxonomie le nucléaire et le gaz, contrairement à la proposition initiale de la Commission, va donc dans la bonne direction. Si ce choix fort est confirmé par le Parlement, le développement des énergies renouvelables sera fortement stimulé car les capitaux seront clairement incités à irriguer le déploiement des projets renouvelables.

Du côté politique et réglementaire, la Commission Européenne a fait preuve d’une réactivité jamais vue suite aux nouvelles réalités géopolitiques avec son plan REPowerEU. Cet ambitieux plan prévoit des mesures d’urgence et coordonnées pour répondre aux défis immédiats liés aux risques de rupture, mais aussi des politiques à moyen terme pour développer massivement les EnR.

Au-delà du plan d’investissement de 210 milliards, très significatif, il faut noter l’accent mis sur les mesures d’ordre juridiques et réglementaires pour déverrouiller le déploiement des EnR. Les délais d’instruction et les recours abusifs sur les projets de parc éolien ou solaire ralentissent en effet la transition énergétique. REPowerEU prévoit de réduire ces délais à 12 mois contre 7 à 9 ans en moyenne pour un projet d’implantation d’éoliennes en France.

La simplification des procédures d’autorisation doit être accompagnée d’une stratégie européenne sur la recherche des zones prioritaires de développement des EnR. Certains pays ont déjà fortement développé sur leurs côtes des parcs éoliens, il est nécessaire d’identifier les zones encore vierges avec un important potentiel de production d’énergie pour éviter la saturation.

Financement, notamment via la taxonomie, et mise à jour réglementaire sur le développement de projet sont les deux piliers d’une même politique qui doit être volontariste pour réussir. Toutefois, pour que le succès bénéficie véritablement à l’économie européenne, elle doit également s’accompagner d’une politique industrielle et de formation cohérente au service de ces objectifs supérieurs. En France, à titre d’exemple, le start-up Carbon avance vite avec son projet de gigafactory. D’ici 2025, la société espère disposer d’une capacité de production de 5 GW par an de panneaux solaires. Ces initiatives devront être accompagnées et soutenues.

La volonté politique semble être au rendez-vous, mais la déclinaison pratique du plan REPowerUE n’est pas définie et nécessitera des débats au sein des parlements des pays membres. Mais si l’Europe réussit son pari, elle gagnera en cohésion et arrivera à apporter les changements nécessaires en matière de souveraineté et de transition écologique en quelques années. En a-t-elle vraiment le choix ?

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Co-fondateur d’Enerfip