Depuis le début du mois d’août, le rendement d’un titre d’Etat américain à 10 ans est à la hausse ; quelles en sont les raisons ? Sans doute, avant tout une augmentation de la prime de terme, qui traduirait une incertitude toujours épaisse.
L’unité européenne s’exprime au travers du plan de relance et de la mise en place de prélèvements propres à l’Union. Et le marché de considérer que le point est d’importance (Cf. le profil de l’euro-dollar). Comment celle-ci va-t-elle évoluer dans le cadre de la politique étrangère menée demain par l’Administration Biden ?
Les dernières heures sur les marchés se sont bien déroulées dans le cadre analytique dont nous discutions hier matin : un équilibre pas très stable entre un court terme aux couleurs un peu grises, avant tout du fait de la reprise de l’épidémie et de ses conséquences économiques, et un moyen terme qu’on espère plus gai, dans le sillage d’un vaccin porteur d’espoir d’une normalisation des conditions de vie et d’activité. Au cours de la dernière séance, la balance a penché du côté des préoccupations immédiates, avec un repli, conjoint des indices actions et des taux longs.
Arrêtons-nous un instant sur ces derniers et plus spécialement sur le profil du taux d’Etat américain à 10 ans. Depuis un point bas autour de 0,5% atteint au début du mois d’août, la tendance, au-delà de certaines girations qui ne seraient que des épiphénomènes, est résolument haussière. Un point haut a été atteint à 0,96% le 10 novembre et le niveau atteint hier de ce matin est de 0,87%. On a envie de conclure que, dans un environnement de politique monétaire bien balisé, une activité économique qui se reprend et les anticipations d’une politique budgétaire qui resterait accommodante sont à l’origine de cette orientation ascendante.
Tentons de préciser le regard, pour affiner le point de vue. Bien sûr, l’exercice oblige à décomposer en des composantes dont la définition ou la quantification peuvent être considérées comme un peu fragiles :
- une prime de terme, censée traduire le prix de la préférence pour un placement obligataire « sans risque » plus long (à 10 ans en l’occurrence) par rapport à « rouler » une position investie au jour le jour ;
- une anticipation d’inflation à cet horizon ;
- une anticipation de croissance au même terme.
Proposons l’exercice, simplement pour modérer la conclusion tirée de la simple observation des mouvements du T-bond américain. Voici les faits stylisés, et ceci depuis le point bas de début août.
Si on se fie à l’approche, on doit conclure qu’il ne se passe pas grand-chose du côté des anticipations, qu’il s’agisse d’inflation ou de croissance. Les premières sont un peu à la hausse et les secondes un peu à la baisse. En remarquant que les récents espoirs mis dans la découverte d’un vaccin contre la COVID-19 ne modifient que peu des perspectives à 10 ans. En fait, l’orientation du taux à 10 ans serait pour l’essentiel le fait d’une remontée de la prime de terme. Pourquoi cela ? J’ai envie de dire que, sur l’essentiel de la période, l’incertitude en serait la raison première. Quid du réglage de la politique économique, singulièrement budgétaire, au lendemain des élections de novembre ? Et puis, sur les derniers jours, dans le sillage des informations diffusées par Pfizer et BioNTech, l’hypothèse a germé que l’enclenchement de la normalisation monétaire pourrait venir plus rapidement que considérée jusqu’alors.
Changeons de sujet et parlons de politique européenne. On se souvient que les marchés avaient salué l’accord, trouvé en juillet dernier au sein du Conseil, sur le plan de relance de 750 milliards d’euros et l’avancée, qui consiste à autoriser l’Union à accroître significativement ses ressources propres ; c’est-à-dire en dehors des transferts des Etats-Membres. L'euro-dollar n’était-il pas passé de 1,14 à 1,18, niveau autour duquel il oscille de puis ce moment ? Eh bien le Parlement européen est en train de finaliser le processus de ratification. Il a imprimé sa marque et ainsi préciser les prélèvements à mettre en place, dont le principe est dorénavant acté. On y trouve une série de taxes, sur les plastiques non-recyclés, sur les « Géants » du numérique, sur le carbone et possiblement sur les transactions financières. Voici pour le principe ; reste à connaître les détails pour ce qui est des assiettes retenues et des modalités de prélèvement. Comme toujours en matière de fiscalité, le point est d’importance et conditionne le rendement à venir.
La marche vers une Europe plus unie serait ainsi confirmée. Le processus est-il dorénavant irrémédiable ? Rien ne l’est, dit-on, si ce n’est la mort et les impôts ! Au-delà de l’humour grinçant de cette remarque bien connue, j’ai envie de dire qu’il va falloir être attentif à l’impact sur l’unité européenne de ce que sera la politique étrangère de l’Administration Biden. La volonté d’un certain rapprochement avec le « vieux continent » peut-elle se faire aux dépens de la volonté commune au sein de celui-ci ? Un certain conservatisme pourrait conduire au questionnement suivant : puisqu’on pourrait se « rabibocher » avec Washington pourquoi s’escrimer à pousser à la roue une intégration compliquée ? Sans du tout faire de procès d’intention, soyons attentif aux initiatives américaines et aux réactions des capitales européennes, peut-être spécialement Rome et encore plus Berlin.