Dix ans après la loi sur la sécurité intérieure, on ne peut que constater son échec. J'avais alors dénoncé l'instauration de délit de racolage, qui ne résout rien.
Il s'agissait surtout pour Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'intérieur, d'assurer la tranquillité publique dans nos rues et d'expulser les prostituées étrangères. Quelle hypocrisie digne de Tartuffe : « Cachez ce sein que je ne saurais voir ». C'était se tromper de cible. Les prostituées, toujours aussi nombreuses, sont reléguées depuis dans les lieux périphériques, isolées, où elles sont privées de tout accompagnement et exposées aux violences. Les chiffres que livre l'étude conjointe de la Ligue des droits de l'homme, du Syndicat de la magistrature et du Syndicat des avocats de France sont éloquents.
N'oublions pas, non plus, que 95 % des prostituées sont sous le joug du proxénétisme : c'est bien lui l'ennemi. Le tout répressif, avec la culture du chiffre, empêche les forces de l'ordre de faire leur vrai travail. La CNCDH rappelle que les prostituées doivent être considérées comme des victimes contraintes ; la convention de Palerme ne dit pas autre chose
La réponse doit être de fond. J'avais soutenu, en 2010, une proposition de loi qui prévoyait des mesures de prévention et d'accompagnement. La prostitution mérite un grand débat. Selon la réponse, on verra le projet que porte notre société : aliénant ou émancipateur. En 2013, on argue encore qu'elle serait un rempart contre le viol. Mais voyez le Nevada, où la prostitution est légale : c'est l'État américain où l'on enregistre le plus grand nombre de viols.
Cette proposition de loi est une première étape qui devra être suivie par une loi globale. Le rapport d'information Bousquet-Goeffroy est ma référence, avec trente recommandations pour une politique globale ; il y a matière à légiférer. Je me réjouis que le Gouvernement semble aller dans ce sens.