Les technologies du numérique, qui à première vue semblent parfois creuser la fracture du numérique plutôt que de la résorber, doivent être envisagées comme un levier pour établir des services publics répondant aux biens communs et à l’intérêt général. Les nouvelles technologies adaptées aux services publics permettent en effet de répondre de façon personnalisée aux besoins de chaque individu et partant de là de construire un service public au plus proche de ses citoyens.
Une nouvelle génération de services publics est en train de voir le jour, amenant à repenser le rôle du citoyen et faisant de ce dernier un acteur central dans le déploiement de ces nouveaux services. Les services publics de demain ne devront plus répondre au plus grand nombre mais aux besoins de tous et seront le fruit d’une collaboration entre divers acteurs afin de répondre aux besoins de la société.
Un service public co-construit entre les citoyens et les acteurs publics
Les multiples innovations privées (Netflix, Spotify, Airbnb) proposant des services toujours plus adaptés aux besoins des consommateurs, peuvent représenter une menace pour les services publics en les marginalisant car perçus comme étant trop éloignés des besoins évolutifs des citoyens.
Pour contrer cette menace, l’État a lancé son programme Services Publics+, dont l’ambition est d’assurer la mise en place d’un service public général plus proche, plus accessible, plus simple et plus efficace. Il place le citoyen au coeur du déploiement de cette nouvelle génération de services, amenant alors à repenser le service public comme une alliance entre le citoyen et l’État.
Il apparaît de ce fait que l’État et l’administration ne sont désormais plus les uniques producteurs de services publics et font basculer le citoyen, d’une situation de simple consommateur de services à un rôle d’acteur.
À titre d’exemple, la direction interministérielle du numérique (DINSIC) a mis en place un observatoire de la qualité des services numériques ainsi qu’un dispositif pour recueillir la satisfaction des usagers, impliquant directement les citoyens dans la création de nouveaux services.
https://www.resultats-services-publics.fr/
Le programme Commando UX a également été lancé afin d’améliorer l’expérience des usagers et de proposer des services basés sur les recommandations des citoyens eux-mêmes.
A travers la plateforme en ligne VoxUsagers (transformation.gouv.fr), les citoyens peuvent partager leurs expériences pour améliorer les services publics ou encore signaler un document administratif trop compliqué.
VoxUsagers (transformation.gouv.fr)
Des services publics au coeur des territoires :
La décentralisation du pouvoir de l’État pour donner davantage de capacités décisionnelles aux territoires ainsi qu’aux collectivités locales, entre elle aussi dans la conception de cette nouvelle génération de services publics, plus proches, plus inclusifs et plus adaptés aux besoins évolutifs des citoyens.
Pour mener à bien cette stratégie, l’État a lancé son programme Action coeur de ville, doté d’un budget de 5 milliards d’euros. Ce dernier vise à “faciliter et soutenir le travail des collectivités locales, à inciter les acteurs du logement, du commerce et de l’urbanisme à réinvestir les centres-villes, à favoriser le maintien ou l’implantation d’activités en cœur de ville, afin d’améliorer les conditions de vie dans les villes moyennes.” Ce programme se structure autour de 5 grands axes dont notamment des actions de revalorisation concernant l’accès aux services publics, dans une démarche de lutte contre l'érosion de certains services dans les villes moyennes.
Dans la poursuite de la politique de services publics au cœur des territoires, le dispositif France Services, propose un socle commun de services publics de proximité. En février 2021, plus de 1123 maisons France Services ont ouvert afin d’accompagner chaque citoyen dans ses démarches administratives quotidiennes. Ces maisons de services ont pour objectif de rapprocher les services publics au sein d’une même structure et d’un guichet unique, permettant ainsi de réaliser des démarches liées à l’emploi, au logement, à la retraite, à la santé etc.
Ces maisons ont également pour vocation de réduire la fracture numérique en proposant un service adapté à chaque situation des usagers, particulièrement dans les zones rurales et quartiers prioritaires.
En plus du socle commun de services publics, des services supplémentaires pourront être proposés tels que des guichets de banque, bornes SNCF, inscription scolaire ….
Un État qui devient garant des valeurs des services publics et non plus l’unique producteur
Les initiatives de l’État dans l’élaboration d’une nouvelle génération de services publics doivent aller au-delà de la simple production de nouveaux usages et de l’inclusion des citoyens dans ces usages-ci. Une évolution du rôle de l'État doit en effet s’opérer, afin que ce dernier ne soit plus producteur de services publics mais avant tout garant de leurs valeurs.
La stratégie d’État-plateforme prend ici son sens, puisque l’État plutôt que de centraliser la production de services publics dans son administration produirait les bases nécessaires à la création de ces nouveaux services, qui seraient ensuite développés par les acteurs / instances (collectivités, mairies, acteurs publics …) ayant exprimé le besoin. Ces services seraient créés conjointement par différents acteurs, dont les besoins convergent et sont complémentaires. L’État viendrait alors s’assurer que les valeurs d’égalité, d’inclusion de ces services soient respectées plutôt que d’assurer leur développement.
L’ouverture des données, à travers la mission Etalab, illustre d’une certaine manière ce principe là et plus particulièrement l'ouverture des adresses postales à travers la Base Adresse Nationale qui est le résultat d’une collaboration entre quatre acteurs différents : l’Institut national de l'information géographique et forestière (IGN), le Groupe La Poste, OpenStreetMap France (association loi de 1901) et la mission Etalab (chargée de l’open data).
Dans ce contexte-là, où plusieurs acteurs interviennent pour construire conjointement un service, l’État doit jouer le rôle de facilitateur et de garant du service, afin de s’assurer que les principes du service public sont respectés.
Cette nouvelle posture de l’État amène ce dernier à devoir créer le cadre nécessaire pour permettre, favoriser et encourager l'innovation citoyenne, sur laquelle la nouvelle génération de services doit se baser. L’État aurait pour mission de “lever les barrières au développement des services publics citoyens via la mise à disposition des infrastructures et des données ainsi que de la pérennisation de leurs financements".
Bien qu’aujourd’hui tous les appels à projets de création ou développement de solutions (sur fonds publics) ne s’adressent qu’aux acteurs publics, la crise sanitaire actuelle pourrait avoir amorcé plus vite que prévu ce tournant au sein du service public et favorisé l’instauration de nouveaux services ouvert aux associations, citoyens. Elle a en effet mis en lumière de nouveaux besoins mais surtout développé de nouveaux usages quant à l’utilisation des services publics. Elle a également révélé l’importance des territoires et des collectivités pour assurer la continuité du service public, rendue possible grâce à la dématérialisation des services. Sébastien Soriano, directeur général de l’Institut national de l’Information géographique et forestière (IGN), dans son ouvrage « Un avenir pour le service public » (éd. Odile Jacob, 2020), “ préconise la création d’un État entraînant, mais qui ne va pas essayer de tout faire lui-même ». Les politiques territoriales telles que Action cœur de ville s’inscrivent justement dans cette voie, illustrant « une décentralisation de la décision, en donnant du pouvoir à l’endroit le plus pertinent pour faire ».
La révolution semble bien être en marche et l’avenir d’un service public adapté à tous et pour tous se dessine petit à petit.