La directive n°2016/943/UE du Parlement Européen et du Conseil du 8 juin 2016 sur la protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulguées, plus succinctement Directive « Secret des affaires », avait déjà fait l’objet de vives contestations lors de son adoption par le Parlement il y a deux ans.
L’objectif de cette directive est de renforcer la protection des entreprises contre le vol de leurs secrets industriels ou leur divulgation à des concurrents ou au grand public sans leur autorisation. L’encadrement par le droit de l’Union européenne vise ainsi indistinctement les droits de propriétés intellectuelles tels que les recettes, brevets et secrets de fabrication, mais également les données économiques et stratégiques confidentielles des entreprises.
La directive doit aujourd’hui être transposée dans tous les États membres avant le 9 juin 2018, et les craintes formulées à son égard refont surface à travers la proposition de loi déposée le 19 février dernier par les députés de la majorité LREM à l’Assemblée nationale.
Le principal reproche réside dans les atteintes potentielles à la liberté d’expression et au droit à l’information, visant au premier plan les organes de presse et les lanceurs d’alerte. Il était donc important lors de sa transposition de mettre en balance le droit à l’information, la liberté d’informer et le respect de la valorisation de la création dans l’entreprise. Ainsi, le nouvel article L151-6 du Code de commerce contenu dans la proposition de loi propose successivement une définition de la notion de secret des affaires, suivie par des dérogations et les sanctions envisagées, dans un objectif d’équilibre entre le droit des entreprises à maintenir des informations confidentielles et le droit des tiers à être informé.
Il faut en effet garder à l’esprit que la loi Sapin 2 du 9 décembre 2016 renforce la protection du lanceur d'alerte en France, et que le contexte politique général va dans le sens d’un renforcement de la transparence, notamment concernant le fonctionnement des entreprises.
1/ Notion de secret des affaires
La Directive du 8 juin 2016 pose trois critères permettant de déterminer quelles informations relèvent du secret des affaires.
Il s’agit en premier lieu d’une information qui n’est pas en elle-même ou dans la configuration et l’assemblage exacts de ses éléments, généralement connue ou aisément accessible à une personne agissant dans un secteur ou un domaine d’activité traitant habituellement de cette catégorie d’information.
En deuxième lieu, cette information revêt une valeur commerciale (formation qui constitue pour son détenteur un élément de son potentiel scientifique et technique, de ses intérêts économiques ou financiers, de ses positions stratégiques ou de sa capacité concurrentielle) parce qu’elle est secrète.
En dernier lieu, l’information fait l’objet de la part de son détenteur légitime de mesures de protections raisonnables pour en conserver le secret.
Mais la protection conférée à ces informations n’est pas sans limites, et la proposition de loi prévoit des dérogations.
2/ Dérogations au secret des affaires
L’intérêt public général ou la protection d’un intérêt légitime reconnu par le droit de l’Union ou le droit national, incluant la protection de l’ordre public, la sécurité publique, la santé publique ainsi que la protection des salariés dans les relations avec leurs représentants, constitue la première dérogation.
Les restrictions imposées par le secret des affaires sont également assouplies au bénéfice de trois catégories de personnes : les journalistes, les lanceurs d’alerte, ainsi que les salariés de l’entreprise en question.
3/ Sanctions de l’atteinte au secret des affaires
La violation du secret des affaires n’est pas élevée en infraction dans la proposition de loi mais relève de la responsabilité civile délictuelle, nécessitant ainsi pour obtenir réparation que l’entreprise dont une information confidentielle aurait été révélée démontre le triptyque faute – dommage – lien de causalité. La détermination du montant des dommages-intérêts sera calculée par le juge, en fonction du préjudice économique subi par l’entreprise, du préjudice moral, ainsi que des bénéfices réalisés par l’auteur de l’atteinte suite à la violation du secret.
En outre, le juge pourra prendre toute mesure, possiblement sous astreinte, de nature à empêcher ou à faire cesser l’atteinte.