Manipulation du LIBOR : le dessous des cartes !

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Par Captain Economics Modifié le 25 juillet 2012 à 10h36

Il y a une semaine exactement, le 27 juin 2012, la Financial Service Authority, l'autorité britannique de régulation des marchés financiers, a condamné la banque Barclays à payer une amende de 59,5 millions de livres sterling pour manipulation du taux du US dollar LIBOR et EURIBOR.

Cette introduction est très sympa, mais totalement incompréhensible pour un néophyte. Non ? Essayons donc d'expliquer simplement ce que signifie "manipuler le LIBOR" et quelles sont les implications de ce nouveau scandale qui secoue le monde financier.

Le LIBOR est le London InterBank Exchange Rate. Ce taux est défini chaque matin, en fonction de la moyenne pondérée des taux auxquels les grandes banques déclarent pouvoir emprunter aux autres banques, pour une période et une monnaie donnée. Par exemple, le LIBOR USD 3 mois représente la moyenne (après quelques ajustements) du taux auquel chaque grande banque annonce pouvoir emprunter sur le marché interbancaire (=emprunter aux autres banques sans garantie).

Le LIBOR est un taux de référence sur les marchés financiers. De très nombreuses transactions dépendent (sont adossées) au taux du LIBOR. Par exemple votre banque peut vous dire "je vous prête au taux de 3% + LIBOR". De même pour de très nombreux produits financiers dérivés, dont je vous passe les détails techniques...

Et c'est justement ce mot surligné en jaune, "déclarent", qui est à l'origine de la manipulation du LIBOR. En effet, le taux LIBOR n'est pas calculé en fonction du taux sur des transactions effectivement réalisées, mais du taux déclaré chaque matin par les banques. Facile donc de déclarer un taux différent du taux réel. Mais pourquoi essayer de "manipuler le taux du LIBOR ?

Il y a deux principales raisons à cela. Tout d'abord car les banques qui font parties du panel ont aussi des activités de trading. Selon les positions de ses traders, manipuler à la hausse ou à la baisse le taux du LIBOR (=déclarer un taux différent du taux réel, dans le sens qui avantage ses traders) peut permettre de réaliser de juteuses opérations. C'est sur cela que porte la 1ère condamnation; l'autorité de régulation londonienne ayant prouvé que le taux déclaré par Barclays a été de très nombreuses reprises influencé par des demandes de ses traders.

Deuxième raison: une banque peut avoir intérêt à déclarer un taux LIBOR inférieur au taux réel, afin de "rassurer les marchés". En effet, si le taux auquel une banque peut emprunter augmente et est supérieur au taux moyen des autres banques, alors cela peut-être interprété par les marchés comme un signal de faiblesse et de hausse du risque (et donc baisse du cours de l'action et autres conséquences néfastes...). La banque Barclays a été aussi été condamné pour cela, grâce à l'interception de mails et discussions internes.

Sur les 6 premiers mois de l'année 2011, un montant de 554 mille milliards de dollars de transactions financières dépendait du taux du LIBOR ! Pour finir, voici deux magnifiques citations extraites du rapport de la FSA, prouvant "l'intégrité" et "l'irréprochabilité" de ce taux de référence.

Trader C stated “We have an unbelievably large set on Monday (the IMM). We need a really low 3m fix, it could potentially cost a fortune. Would really appreciate any help”; - Un trader demande à la personne soumettant le taux du LIBOR 3 mois de le fixer au taux minimum possible, c'est à dire le taux le plus faible sans que cela paraisse trop louche, afin de ne pas perdre une fortune sur un trade.

"Try to get our JPY libors a little more in line with the rest of the contributors, or else the rumours will start flying about Barclays needing money because its libors are so high" - Un manager demande à ce que le taux du LIBOR (en yen JPY) déclaré soit en ligne avec la moyenne déclarée par les autres banques, afin que les marchés n'interprètent pas cela comme une hausse du risque et une faiblesse de la banque Barclays.

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Doctorant en économie à l'Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et professeur d'économie à l'IESEG Paris, Thomas Renault est le créateur du site Captain Economics, un blog ayant pour but de démystifier l'économie, en abordant cela sans prise de tête ni prise de parti.