"Ils sont beaux mes réacteurs de quatrième génération ils sont beaux !" "Enrichi mon uranium, c'est du bon du Niger, il est enrichi mon uranium, sortez vos compteurs Geiger !" On rigole, mais apprendre que le gotha mondial du nucléaire se réunit pendant trois jours aux portes de Paris, au Bourget, là ou se tient traditionnellement tous les deux ans un des salons de référence mondial en matière d'aéronautique pour ne pas dire le salon (Paris Air Show), il y a de quoi tout de même esquisser un sourire... incrédule.
Trois ans après Fukushima mais surtout, surtout, le jour même où l'Assemblée Nationale est appelée à voter le projet de loi relative à la "transition énergétique pour une croissance verte" qui doit fixer la part de nucléaire dans le mix énergétique français à 50 % (contre 75 % aujourd'hui), on se pince un peu. Bien entendu, la France a plus qu'une carte à jouer dans ce domaine : c'est le pays au monde le plus dépendant du nucléaire et par la même, le plus indépendant des autres énergies, hydrocarbures en particulier, tout au moins pour produire son électricité. La France et le nucléaire, c'est aussi son champion mondial, Areva, qui a construit le quart des centrales en fonctionnement sur la planète. Que le "World Nuclear Energy" soit organisé en France par des français est somme toute.. logique.
Pourtant, rien à voir avec les autres salons, même celui du Bourget. Ici, on n'achète par les réacteurs nucléaires sur étagère comme l'on achète des Airbus ou des Boeing, ou encore des avions de chasse ou des missiles, par paquets de douze. Pour accéder au salon, il faut montrer patte blanche, avoir été invité par l'un des 500 exposants français ou étrangers, qui attendent dix mille visiteurs, pas plus. Le nucléaire sort en tout cas du brouillard, après trois années difficiles, "post Fukuskhima", période pendant laquelle plusieurs pays ont annoncé vouloir renoncer au nucléaire, ou en réduire l'importance, comme l'Allemagne qui arrêtera (peut-être) tous ses réacteurs d'ici dix ans, ou la France, donc, qui en réduira fortement(peut-être) la part dans la production d'énergie d'ici... dix ans aussi. Pas crédible, faute de vraie solution de rechange. Résultat, le nucléaire a en fait le vent en poupe. Les Anglais, pragmatiques, ont commandé à EDF deux centrales de nouvelle génération, livrables dans... dix ans (encore). Et l'Algérie a elle aussi annoncé qu'elle inaugurerait sa première centrale nucléaire dans un peu plus de... dix ans, là encore !
Autant dire qu'à ce salon, si l'on ne fera pas le décompte des commandes fermes signées pendant ces trois jours, des contacts sérieux vont être noués ou renouvelés pour la construction d'autres centrales nucléaires civiles un peu partout dans le monde, et les français, en pointe sur le secteur, espérent bien tirer leur épingle du jeu en jouant à domicile...