En décidant d’accorder plus de pouvoir aux actionnaires pour encadrer la rémunération des patrons, le gouvernement envoie un double signal au Medef et à sa majorité.
Le 18 mai dernier, 40 personnalités de gauche avaient signé un « Appel au CAC 40 » dans les colonnes de Libération, demandant au « gouvernement de légiférer pour que désormais, en France, un patron ne puisse pas être rémunéré plus de 100 Smic, soit 1,75 million d’euros par an. »
L'aile gauche du Parti Socialiste sera déçue. La Loi Sapin 2 n’ira pas jusque là mais le gouvernement prend clairement acte de l’incapacité des patrons à s’autoréguler. Il confirme égalament la faillite du code de bonne conduite de l’Afep-Medef sur les rémunérations, d’ailleurs en cours de révision suite à l’affaire Carlos Ghosn.
Ce projet de loi relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, prévoit donc que le vote des assemblées générales d’actionnaires s’imposera désormais au conseil d’administration pour tout ce qui touche à la rémunération des mandataires sociaux.
Seront concernés les "éléments de rémunération d'activité" et "avantages de toute nature liés à l'activité" des présidents, directeurs généraux ou directeurs généraux délégués. La loi prévoit également un contrôle a postériori des "montants à verser au titre des éléments de rémunération variables, exceptionnels, ou reflétant la performance."
Pierre Henri Leroy, Président de la société de conseil en vote Proxinvest, estime que le vote de l’Assemblée Nationale va dans le bon sens : « ce texte nous semble raisonnable et pratique, en prévoyant l’approbation préalable comprenant un fixe qui sera régulièrement payé et un vote annuel qui ne remettra pas en cause ce fixe mais permettra de bloquer toute rémunération variable ou supplémentaire incohérente par rapport aux performances de l’entreprise, aux mérites du dirigeant et au bon ordre social. »
« Il était indispensable de rétablir la souveraineté ultime de l’assemblée des actionnaires sur les décisions et débours de l’entreprise » ajoute Pierre Henri Leroy, « puisque les administrateurs des grands groupes ne sont, semble-t-il, pas capables de gérer ce problème ».
Une victoire donc pour les actionnaires et une mise en garde adressée au patronat par le gouvernement qui, à un an des présidentielles, doit montrer à sa majorité qu’il ne reste pas inactif sur un sujet hautement symbolique.