Royaume-Uni : le contrat « zéro heure »

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Par Jacques Martineau Publié le 25 janvier 2016 à 5h00
Contrat Travail Zero Heures Royaume Uni
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9,6 %Le taux réel des chômeurs enregistrés au Royaume-Uni est de 9,6 %.

Le contrat « zéro heure » est un contrat de travail qui a été pensé essentiellement dans le sens de la flexibilité du marché du travail au bénéfice de l’entreprise. Il prévoit que le salarié se rende disponible, pendant la période légale d’activités, à n’importe quel moment, sans aucun engagement de l’employeur. C’est une astuce qui facilite marginalement le retour à l’activité en débarrassant les statistiques du chômage au détriment du salarié.

Une mise en place privilégiée au Royaume-Uni

En 2008 avec la crise et avec un taux de chômage supérieur à 8,5% en 2011, le Royaume-Uni été contraint de réagir. C’est la « Jobseeker’s allowance » (JSA) qui régit les attributions au chômeur. Dans certains cas, son cumul avec une activité est possible (< 16h/semaine). L’indemnité est identique pour tous. Elle est toujours plafonnée et la durée d’indemnisation est soit limitée à 6 mois dans certains cas de recherche d’emploi JSA(C), soit maintenue dans d’autres cas JSA(B) tant que les conditions imposées sont remplies.

A plusieurs reprises, le gouvernement a voulu s’assurer que les individus aient plus d’avantages à travailler qu’à rester sans activité. C’est pourquoi il a fait du contrat « zéro heure » l’une de ses règles de fonctionnement pour la marge de son marché salarial. Si ce type de contrat de travail « à temps très partiel et occasionnel » existait paraît-il depuis plus de 50 ans en toute discrétion, comparable aux contrats de « vacation » de l’université en France, il a pris une ampleur considérable.

Formalisé aujourd’hui de l’autre côté de la Manche, de nombreuses grandes entreprises l’utilisent comme élément de base. Pour information, chez McDonald’s, il concerne 90% des 83.000 emplois. Il en est de même pour plusieurs dizaines de milliers dans des tas d’autres sociétés comme Subway, Burger King, Sports Direct, etc. Faut-il encore noter qu’un certain nombre de collectivités locales profitent aussi de la formule.

En 2015, d’après l’Office for National Statistics (réf. Wikipédia), il apparaît que 1,5 millions de contrats « zéro heure » sont une réalité avec régulièrement quelques heures par mois, tandis que 1,3 millions d’autres contrats sont sans aucune heure travaillée ! Sachez que près d’un employeur britannique sur dix a recours au contrat « zéro heure ».

Au nom de la flexibilité, sans se préoccuper du salarié

Ces contrats « zéro heure » ne se limitent à aucune qualification. Toutes les activités, des plus recherchés aux plus courantes, sont touchées par ce type de contrat, y compris dans le secteur de la santé.

Au nom de la flexibilité, c’est l’employeur qui en tire tous les avantages. Ce dernier n’est soumis à aucune contrainte ni de minimum d’horaires, ni de durée de temps de travail, pas plus que de pérennité du contrat, sachant que le salarié n’est rémunéré que pour le temps travaillé. Parfois la notion d’exclusivité existe dans le contrat « zéro heure » ! Dans le Monde, Philippe Bernard rappelle que de nombreux employeurs embauchent des chômeurs de longue durée avant d’interrompre leurs contrats quelques mois plus tard, tout en ayant perçu la prime gouvernementale de 1500 £.

Le salarié, tenu par sa disponibilité en permanence, est parfois prévenu de la nature de son travail que quelques heures avant de prendre son service. Il ne peut pas refuser le travail pour lequel il est sollicité. Payé pour le travail effectué réellement, la rémunération du salarié est très variable. Elle n’est en aucun cas une garantie pour les banques, l’obtention de prêts ou l’achat d’immobilier. Au plan social, c’est un tout : pas d’assurance maladie, maternité, retraites, congés au prorata, etc.

Le non sens de la compétitivité comparative dans l’UE à n’importe quel prix !

Fin septembre, avec un taux de croissance prévisionnel annuel de 2,4% de son PIB, le Royaume-Uni (hors zone euro) devance l’Allemagne (1,6%) et la France (1,1%). Fin juin, son taux de chômage est de 5,6% de sa population active, tandis que ses autres partenaires sont respectivement à des taux de 4,7% pour l’Allemagne et de 10,2% pour la France. Pour information avec une population active qui avoisine les 33 millions de personnes, le contrat « zéro heure », sans heure travaillée, en représente plus de 1,3 millions, soit 4% de cette population. Ce qui signifie que le taux réel effectif de chômeurs « enregistrés » est de 9,6% au Royaume – Uni !

On peut alors comprendre qu’au niveau de l’Union européenne et dans la « zone euro », toutes les études comparatives d’activité, d’emploi, et toutes les statistiques de chômage sont faussées par ces différents mécanismes mis en place pour faciliter le travailler « juste, voire plus », au moindre coût, « avec ou sans » charges. Au détriment de règles du jeu, différentes et différenciées, d’un Etat à l’autre, c’est la confusion totale sur fond de « non-social au tout-social ».

Les politiques, les économistes ou les employeurs se réfugient derrière le même slogan de « compétitivité » autour de fausses références comme le contrat « zéro heure », les travailleurs « détachés » et le travail « au noir » généralisé, avec des migrants « économiques » non identifiés, mais très souvent utilisés. L’Allemagne est une adepte de ce genres de pratiques !

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Après un long parcours scientifique, en France et outre-Atlantique, Jacques Martineau occupe de multiples responsabilités opérationnelles au CEA/DAM. Il devient DRH dans un grand groupe informatique pendant 3 ans, avant de prendre ensuite la tête d'un organisme important de rapprochement recherche-entreprise en liaison avec le CNRS, le CEA et des grands groupes du secteur privé. Fondateur du Club Espace 21, il s'est intéressé aux problèmes de l'emploi avec différents entrepreneurs, industriels, syndicalistes et hommes politiques au plus haut niveau sur la libération de l'accès à l'activité pour tous. Il reçoit les insignes de chevalier de l'Ordre National du Mérite et pour l'ensemble de sa carrière, le ministère de la recherche le fera chevalier de la Légion d'Honneur.