L’après seconde guerre mondiale avait vu se mettre en place le « compromis fordiste ». La dynamique du capital était strictement encadrée et bornée, notamment par l’existence de services publics qui échappaient à la logique de la marchandisation. Les salariés se voyaient reconnaître un certain nombre de droits sociaux et les évolutions salariales se faisaient au même rythme que la productivité.
Le développement de l’entreprise et sa croissance étaient l’objectif principal des dirigeants. Dans cette situation, les directions d’entreprises étaient assez indépendantes par rapport aux actionnaires. Ce modèle « managérial » va prendre fin au milieu des années 1980 avec le passage à un capitalisme financiarisé.
Celui-ci se caractérise d’abord par la concentration des actions dans les mains de grands investisseurs (fonds de pension, fonds mutuels…). Ainsi aux États-Unis, les investisseurs institutionnels détenaient 60 % des actions en 2006 contre 10 % en 1970. Ces investisseurs ont acquis ainsi un poids considérable et ont pu imposer une nouvelle conception de l’entreprise. La gestion de l’entreprise doit être essentiellement tournée vers « la création de valeur pour l’actionnaire ». Il s’agit à la fois de faire monter le cours de l’action et d’avoir un niveau élevé de dividendes versés.
Ce qui est privilégié c’est la performance du titre boursier et non pas le projet stratégique de l’entreprise. Ces actionnaires exigent ainsi un taux de rentabilité des capitaux propres (ROE, return on equity) très élevé, de l’ordre de 15 %, alors même que la croissance économique est inférieure à 3 %. La croissance des dividendes est faramineuse : ils représentaient 9 % du PIB en 2009 contre 3 % du PIB en 1980. La contrepartie en a été une baisse de la part des salaires dans le PIB, d’environ 9 points par rapport au pic de 1982 et d’environ 6 points par rapport à la moyenne des Trente glorieuses.
Ce nouveau fonctionnement de l’entreprise se traduit par une redéfinition de la mission des managers dont l’objectif unique est d’être au service des actionnaires. Les dirigeants sont attachés au sort des actionnaires par un mode de rémunération qui en fait des actionnaires de l’entreprise (stock-options, bonus lié au cours de Bourse…). C’est aujourd’hui le cas avec France Télécom. Endettée, l’entreprise ne va cependant pas se priver du versement de dividendes à ses actionnaires.
L’entreprise est gérée comme un actif financier qu’il s’agit de faire fructifier au maximum. Ce capitalisme actionnarial, dominé par une logique financière, a été une des causes majeures de la désindustrialisation dans tous les pays développés. La définanciarisation des entreprises est la condition sine qua non pour changer cette situation.