Face aux nombreuses faillites qui s’annoncent, il est urgent de réformer le système des mandataires judiciaires !

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Par Ludovic Gaudic Publié le 27 décembre 2020 à 6h30
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@shutter - © Economie Matin
2,3 MILLIONS ?En 2018, le chiffre d'affaire de France Confection était de 2,3 millions d'euros.

La crise économique provoquée par la crise sanitaire ne fait que commencer : nous devons nous attendre dans les prochains mois, et même années, à voir se multiplier les faillites d'entreprises.

Chaque faillite lorsqu'elle se termine en liquidation judiciaire représente une casse sociale et une perte de savoir-faire souvent irrémédiables. Et au cœur du processus de gestion de ces faillites, se trouvent les mandataires judiciaires . Leur mission est de représenter les intérêts des créanciers de l'entreprise en difficulté et en cas de faillite de trouver des solutions pour redresser sa situation financière tout en honorant les dettes. Et si le redressement de la société s'avère impossible, le mandataire judiciaire devient alors liquidateur, en charge de liquider les biens de l'entreprise ou de trouver un repreneur.

Le problème avec le système des mandataires judiciaires aujourd'hui, c'est qu' ils n'ont ni les outils, ni le temps pour mener une analyse économique fouillée des dossiers de faillites qu'ils traitent . Ils n'ont qu'une vision partielle des tenants et des aboutissants de chaque dossier, et font part de leurs décisions avec lenteur car ils sont submergés. Au final, les solutions qu'ils proposent sont donc bien souvent à court terme et parfois au détriment de l'emploi et des savoir-faire à long terme.

Deux exemples pour appuyer mon propos : tout d'abord, le cas de France Confection (atelier dont les actifs ont été repris par LCAP), placée en redressement judiciaire en mars 2020. La procédure a pris énormément de temps, en raison de l'engorgement des dossiers chez le mandataire judiciaire. Pendant cette longue attente, les machines sont restées à l'arrêt, les employés au chômage et la production au point mort. Cette lenteur de traitement est en décalage complet avec le rythme économique et avec la crise sanitaire, cela ne va faire que s'amplifier.

Autre exemple : la faillite de Gerbe. Le mandataire social a fait le choix de mettre en liquidation sans passer par la case redressement. Puis de procéder à la vente par compartiment, en mettant en vente d'une part le stock, et d'autre part la marque (mais qui est encore détenue pour partie par les anciens actionnaires). Le stock a été vendu à un soldeur sans prendre en considération que ce choix allait abimer la marque : une marque de luxe comme Gerbe voit forcément sa valeur altérée lorsque ses produits sont bradés. D'autre part, il n'y a aucun projet industriel de long terme avec la seule reprise de la marque. Et par-dessus le marché, ce choix du mandataire judiciaire de vendre par compartiment, disqualifie d'office des projets d'ensemble, avec une réelle pérennité, comme celui que j'avais proposé. Résultat : Gerbe en France est mort, son savoir-faire va disparaître et des dizaines de personnes qualifiées vont se retrouver au chômage.

Ces dossiers, France Confection, Gerbe et bien d'autres, sont trop importants, trop complexes pour être confié au seul pouvoir judiciaire : les instances économiques doivent y être associées d'une façon ou d'une autre ! Pourquoi ne pas faire mener des audits par des cabinets certifiés ? Pourquoi ne pas inclure les instances représentatives des entreprises comme le MEDEF ? Pourquoi ne pas faire de ce processus une démarche collégiale qui repose sur deux jambes, la juridique et l'économique ? Les décisions des Prud'hommes sont prises de façon collégiale, alors pourquoi pas les décisions en cas de faillite vu l'impact économique qu'elles ont ?

La situation actuelle est déjà grave, notre tissu industriel est très abîmé et cela risque d'empirer si rien n'est fait pour changer le fonctionnement des mandataires judiciaires. J'en appelle donc au ministre de l'Économie, Bruno Le Maire : il est urgent d'entamer une réflexion sur leur fonctionnement afin d'éviter que leur engorgement et que les insuffisances de leur analyse économique ne décuplent la crise déjà massive qui est devant nous.

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Entrepreneur et dirigeant du groupe textile LCAP