Réforme des retraites : analyse et solutions

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Par Philippe Delerive Modifié le 24 mars 2023 à 13h30
Assurance Vie Retraite
@shutter - © Economie Matin
1401 EUROSLa pension moyenne des nouveaux retraités s'élevait à 1.401 euros bruts par mois.

La proposition d'un report de l'âge d'ouverture des droits à la retraite est présentée comme essentielle car elle permettrait de dégager des économies nécessaires pour investir dans l'avenir. Qu'en disent les chiffres ?

D’après le rapport du COR de juin 2021, et les travaux de 2022 sont dans la même ligne, la part des retraites dans le PIB va se stabiliser au niveau de 2019 jusqu’en 2030 puis diminuer les années suivantes, quelle que soit l’hypothèse de croissance retenue.

A noter qu’en ce qui concerne les régimes de la fonction publique et certains régimes spéciaux, le COR fait l’hypothèse que l’Etat maintient sa contribution constante en % du PIB.

La détérioration de l’équilibre démographique entre actifs et retraités serait plus que compensée par l’effet des réformes déjà mises en œuvre.

D’une part, l’augmentation du nombre de trimestres requis et l’entrée plus tardive dans la vie active entraînent un recul de l’âge au départ en retraite, ce qui augmente le volume de cotisations et diminue celui des pensions.

D’autre part, les cotisations sont assises sur les salaires et les pensions sont indexées sur les prix. Cette mécanique fait diminuer le rapport entre la première pension brute et le dernier salaire brut, de 50,1% actuellement en moyenne à une valeur entre 31,6% et 36,5% en 2070.

La contrepartie de ces évolutions se voit dans le niveau de vie relatif des retraités comparé à celui de l’ensemble de la population.

Ainsi, toute réforme à venir des retraites ne se ferait pas sur la base d’une logique purement comptable puisque selon le COR le système est désormais maîtrisé.

Notre pays est-il incapable de mener les évolutions nécessaires face aux défis démographiques et économiques ?

Comment se passent les tentatives de réformes des régimes spéciaux, des régimes de la fonction publique, du régime de base des salariés du privé ? L’Etat annonce un projet, reçoit les partenaires sociaux, les personnes concernées manifestent, un projet de loi est déposé au Parlement, les manifestations montent en puissance et le projet est selon le contexte et la volonté politique adopté en l’état, amendé ou retiré.

Observons maintenant les réformes successives menées pour les régimes complémentaires, notamment pour les salariés du privé. Ces régimes paritaires sont pilotés par les partenaires sociaux, syndicats patronaux et syndicats de salariés. Vous noterez que l’AGIRC et l’ARRCO ont vécu des réformes profondes, allant jusqu’à leur fusion, avec des modifications de leurs règles et de leurs paramètres, que ces régimes ne sont pas déficitaires et que toutes ces réformes ont été conduites en douceur, sans manifestations de rue.

Ceci nous montre que notre pays est capable de mener les évolutions nécessaires, dès lors que l’Etat accepte de faire confiance aux interlocuteurs responsables et laisse les corps intermédiaires jouer leur rôle sans interférer.

Une réforme pour quoi faire ?

Au vu des dernières simulations du COR rappelées plus haut, si réforme il y a, elle se fera sur une logique politique, au vrai sens du terme d’organisation de la vie de la cité. La question posée est la suivante : « Quel partage annuel de la richesse nationale entre les retraités et les actifs ? »

Cette question peut aussi être formulée de la manière suivante :

  • « Quel niveau de vie moyen fourni par le système de retraite obligatoire pour les retraités comparé à celui des actifs ? »

  • « Quel taux de remplacement, c’est-à-dire quel rapport entre la première pension brute et le dernier salaire brut ? Corrélativement, quelles incitations mettre en place ou pérenniser pour inciter les actifs à se constituer des revenus différés en complément de la retraite obligatoire ? »

Cette situation globale ne doit pas faire oublier la situation particulière de certains régimes. La question de la solidarité inter-régime doit régulièrement être reposée pour, toujours au nom de l’organisation de la vie de la cité, fixer les limites à la solidarité entre les régimes.

La question qui est à poser à ce sujet est : « faut-il réduire les disparités entre les différents régimes de retraite obligatoire pour limiter les transferts financiers entre les régimes ? »

Une fois le sujet politique bien posé, la réponse apportée ne peut être que politique.

Elle suppose comme nous l’avons vu une phase de concertation avec les partenaires sociaux.

Elle suppose une phase de réelle concertation avec les professions indépendantes qui ont su mettre en place et gérer des régimes propres à leur profession, regroupés dans des ensembles plus grands, et qui doivent être respectés dans leur spécificité.

Elle suppose de laisser au Parlement le choix de fixer les grandes orientations en ce qui concerne la question fondamentale du partage de la richesse produite entre les actifs et les retraités.

Elle suppose enfin que le gouvernement agisse en organisateur de cette réflexion et pas en venant avec un projet déjà établi qu’il suffirait d’avaliser.

Les différents scénarii possibles dépendent de la position de ces différents acteurs.

Ce pourrait être la renaissance du projet de régime universel de retraite, promis en 2017 et rejeté en 2019. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, et avec un rapport du COR qui montre qu’il n’y a pas de raison économique à mener une telle révolution, ce scénario est le moins vraisemblable.

Ce pourrait être une simplification du système actuel au nom de l’équité dans les solidarités inter-régimes avec un plan en trois axes :

  • la refonte des régimes de retraite des agents de la fonction publique permettant d’isoler une cotisation employeur définie en pourcentage des traitements et un alignement progressif sur les règles applicables aux salariés du privé, à l’image de ce qui est en train d’âtre enfin mis en place en termes de santé et de prévoyance ;

  • une forme d’unification des régimes des indépendants permettant davantage de lisibilité dans les solidarités interprofessionnelles ;

  • le maintien du système actuel pour les salariés du privé, avec la poursuite de l’unification des caisses de retraite complémentaire.

Il ne faut pas écarter malheureusement le scénario d’un simple ajustement paramétrique qui ferait l’économie de l’indispensable débat public autour de cette question majeure sur la société que nous voulons.

Alors, si la réalité de la situation est partagée, que la concertation est menée loyalement, qu’un rendez-vous régulier est organisé au Parlement, la question des retraites pourrait échapper aux crises périodiques que nous connaissons pour entrer dans un pilotage apaisé.

Au plan individuel, il convient de faire un bilan retraite pour corriger son relevé de carrière et obtenir une projection de sa situation individuelle. Améliorer une pension égale à 50%, 40%, 30% ou 20% de son dernier revenu d’activité s’anticipe. A la baisse des charges (fin du remboursement de l’emprunt souscrit pour l’achat de sa résidence principale, fin des études des enfants) doivent s’ajouter des revenus complémentaires grâce à un effort d’épargne commencé le plus tôt possible.

Et au plan macroéconomique, inciter chacun à épargner pour sa retraite augmenterait les capitaux mobilisés pour l’investissement en France donc le taux de croissance à moyen terme, donc la situation des actifs et des retraités.

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Diplômé de l’École Polytechnique et de l’École Nationale de la Statistique et de l’Administration Économique, Philippe Delerive a débuté à l’UAP en retraite d’entreprise puis à l’UAP Collectives comme responsable technique en prévoyance et santé. En 1998, il rejoint la direction innovation santé d’AXA France pour contribuer au projet d’expérimentation santé, puis, en 2001, devient directeur technique et financier d’AXA Courtage pour le marché des particuliers et professionnels. En 2002, il intègre GAN Assurances comme directeur des assurances de personnes avant de devenir successivement directeur de la région Paris-Centre-Picardie en 2007, directeur général adjoint en 2011, et finalement directeur général de GAN Assurances de 2012 à 2016.  En 2017, il rejoint Exponens en tant qu’associé et prend la direction du pôle Gestion du risque et Assurances.