C’est en 1991 que Michel Rocard aurait déclaré : « Avec la réforme des retraites, il y a de quoi faire sauter plusieurs gouvernements ».
27 ans plus tard, il est fort à parier que le gouvernement d’Edouard Philippe, qui s’apprête à engager une profonde réforme des retraites, conserve ce funeste présage à l’esprit. Une appréhension compréhensible : réformer les retraites ce n’est pas seulement manier des chiffres, c’est interroger notre rapport à la solidarité intergénérationnelle et à l’égalité entre les statuts professionnels. C’est aussi faire face aux inquiétudes sonnantes et trébuchantes des Français qui ont pu constater que le gouvernement n’hésitait pas à demander des efforts aux retraités. Comment aborder dès lors la réforme à venir ?
Si l’on en croit le baromètre PERIAL-Ifop, les Français sont globalement satisfaits des pistes d’uniformisation et de simplification évoquées à ce jour. Mais cette adhésion a priori ne doit pas cacher un fatalisme plus profondément ancré : pour trois quarts des Français, quelles que soient les réformes à venir du système de retraites, il faudra de plus en plus compter sur ses économies personnelles pour toucher une pension satisfaisante. Dès lors, au-delà des mesures techniques, c’est bien la question du niveau de vie des futurs retraités qui sera au cœur des débats.
Rester ferme sur les mesures de simplification et d’uniformisation des régimes
Interrogée sur les grandes orientations de la réforme, une majorité de Français considère que chacune d’entre elle « va plutôt dans le bon sens ». Les mesures qui tendent vers plus d’égalité entre les différents statuts de cotisants sont plébiscitées. L’idée phare de la réforme, à savoir que chaque euro cotisé puisse ouvrir les mêmes droits aux individus indépendamment de leur statut, est particulièrement bien accueillie : 81% des Français déclarent que ce type d’initiative va plutôt « dans le bon sens ».
Les répondants approuvent par ailleurs les mesures susceptibles de simplifier et d’autonomiser la gestion de leurs retraites. 72% des Français voient d’un bon œil le fait de ne plus imposer de durée minimale de cotisation et de proposer un départ à la retraite à l’âge choisi par le travailleur.
La justice sociale reste également une boussole importante pour les Français, puisque 80% d’entre eux soutiennent le principe de la prise en compte de la pénibilité des carrières dans le calcul des retraites.
Prendre en compte les inquiétudes sur le mode de calcul des futures pensions de retraite
La mesure au sujet de laquelle les personnes interrogées sont en réalité les plus partagées est la mise en place d’un « coefficient de conversion » pour calculer les futures pensions. Selon le système imaginé à ce stade par le gouvernement, le total des droits cumulés durant sa vie professionnelle sera converti lors de son départ à la retraite à l'aide d'un coefficient tenant compte de l'âge de son départ et de l’espérance de vie de sa génération. Seuls 53% des Français pensent que cette disposition va « dans le bon sens ».
Une prudence prévisible dans la mesure où l’enquête révèle par ailleurs que seuls 32% des Français disent être « confiants » quant à la garantie de toucher plus tard une retraite satisfaisante par rapport à leurs revenus. On comprend dès lors que cette perspective d’un calcul différencié selon l’espérance de vie, qui laisse entrevoir de potentielles inégalités de pensions entre générations, conduise à une moindre adhésion auprès d’une opinion déjà particulièrement inquiète.
Donner plus de place à la retraite par capitalisation pour accompagner la réforme
La réforme des retraites s’annonce ainsi complexe. Le gouvernement devrait bénéficier du soutien de l’opinion dès lors qu’il s’agira d’uniformiser les régimes et de simplifier le système, mais il devra néanmoins démontrer sa capacité à assurer un niveau de vie satisfaisant aux futures générations de retraités. Un vœu probablement pieux alors que le retour des déficits du système des retraites est annoncé pour 2019.
Reste alors la piste peu explorée à ce jour du développement de la retraite par capitalisation. Une option qui répond à une pratique déjà bien ancrée dans les mentalités : parmi les 85% de Français qui déclarent avoir déjà réalisé un placement, « financer sa retraite » apparaît comme l’une de leurs principales motivations. Le gouvernement aurait ainsi tout à gagner à soutenir cette tendance pour accompagner une réforme ambitieuse, mais périlleuse.