Le président de la République annonce le lancement le 8 septembre d’un Conseil national de la refondation qui devrait « viser à partager les diagnostics à l’échelle de la nation sur des grands enjeux ». L’idée est fort intéressante, mais qu’en sortira-t-il ? Tout dépendra des propositions qui seront faites, entendues et retenues. Pour apporter ma pierre à l’édifice, je présente ci-dessous une idée de refondation relative à une institution très importante, qui concerne tous les Français : la retraite dite « par répartition ».
Pourquoi faut-il refonder la retraite par répartition ?
La France s’était dotée avant-guerre d’une retraite par capitalisation : chaque travailleur cotisait, et son argent était utilisé, en principe, pour acquérir des actifs et des créances de bonne qualité produisant des revenus destinés à être distribués aux retraités. Mais l’édifice ainsi construit ne résista pas au cataclysme qui, en 1939-1940, fit de la France un pays vaincu par l’Allemagne nazie. Les travailleurs français continuèrent certes à cotiser, mais assez modestement, et le régime de Vichy décida, en 1941, de passer de la capitalisation à la distribution immédiate des rentrées de cotisations, formule que l’on appela « répartition ».
Concrètement, les rentrées de cotisation ayant fortement diminué, et l’inflation ayant rongé les réserves, la caisse ne disposait pas des moyens requis pour « en même temps », comme dirait notre actuel Président de la République, verser les pensions promises et constituer des réserves adéquates. Pour parer au plus pressé, c’est-à-dire verser des pensions aux retraités, il fallut affecter au versement des pensions la quasi-totalité des cotisations perçues. La retraite nationale par capitalisation avait vécu ce que vivent les roses. Néanmoins, la magie du verbe législatif fut considérée comme suffisante pour faire fonctionner un système traitant les cotisations destinées en fait à être immédiatement reversées aux retraités comme si elles pouvaient être la base de droits à des pensions futures. Il serait temps de s’apercevoir de cette énorme erreur, et de la corriger.
Comment refonder la retraite dite « par répartition » ? D’abord, préciser le diagnostic
Le droit et la réalité, qui constituent normalement les deux jambes des institutions, ont cessé de fonctionner en bonne harmonie. La législation vichiste devenue la base de notre droit des retraites fait qu’il Il y a d’une part une réalité économique – des cotisations immédiatement utilisées à verser des pensions – et d’autre part une fiction juridique – les mêmes cotisations sont censées préparer les retraites futures, elles ouvrent droit à pension.
Le législateur a ainsi inventé l’ubiquité financière, la loi transformant miraculeusement en une sorte d’investissement la prise en charge des « anciens » par les travailleurs. La prise en charge des « vieux » fut dans la loi transformée en préparation de la pension des cotisants, mais, bien évidemment, la réalité resta la réalité, à savoir que les futures pensions se préparent en investissant, et plus particulièrement en mettant au monde et en éduquant des enfants. Le législateur a donné force de loi à une fantasmagorie selon laquelle cent francs ou euros versés aux caisses de retraite suffisent pour, à la fois, payer immédiatement cent francs ou euros de pensions destinées à permettre aux « anciens » de consommer, et préparer à long terme une nouvelle capacité de paiement. L’entretien des « anciens » a ainsi été déguisé par la loi en investissement préparant les futures pensions ! Le cœur de notre législation des retraites est un énorme mensonge !
Bien entendu, les cotisations prélevées au profit des retraités ne sont pas dotées d’une double vie : après qu’elles ont été dépensées par les personnes âgées, il n’en reste rien. Mais le législateur a pris des dispositions abracadabrantesques débouchant sur l’équivalent de cette double vie : voici que les sommes versées aux retraités pour leur consommation deviennent magiquement créatrices de droits à pension ! Notre législation s’est transformée en conte de fées, et en comptes de fées, le même euro faisant désormais double usage, une fois pour payer les dépenses de consommation des « vieux », et une seconde fois pour donner des droits à pension aux actifs cotisants. Tel est le diagnostic.
Grandes lignes de la réforme à entreprendre
Il est difficile de croire qu’un tel désordre intellectuel, une telle absence de rationalité, ait pu déboucher sur une institution pérenne – et pourtant c’est ce qui advint. Par quel miracle ? En fait, aucun miracle, mais la mainmise des pouvoirs publics sur l’investissement le plus important – la mise au monde et la formation des futurs cotisants.
La préparation de nos retraites consiste à mettre des enfants au monde et à leur donner une bonne formation, leur permettant de se rendre réellement utiles. Ce constat de simple bon sens doit être présent à l’esprit de quiconque entend réfléchir rationnellement au problème des retraites. Et il doit inspirer le législateur. Premièrement, dans sa sagesse, celui-ci devra envoyer au pilon les textes législatifs et réglementaires qui donnent des droits à pension à qui cotise pour ses anciens : un acte de simple remboursement de ce que l’on a antérieurement reçu n’a pas à être récompensé.
Deuxièmement, il faut déterminer ce qui est investissement dans le capital humain, et préciser les droits à pension qui sont dus aux auteurs de cet investissement. Les parents doivent évidemment, ès-qualité, recevoir de tels droits, mais toutes les contributions à l’investissement dans le capital humain doivent être prises en compte. Actuellement, les sommes que l’impôt prélève pour réaliser des investissements dans la jeunesse en lui fournissant une bonne formation constituent des pertes sèches pour ceux qui les versent : c’est inadmissible !
Tout ce que le fisc prélève pour l’enseignement et plus généralement pour la préparation des jeunes générations doit donner lieu à des attributions de droits à pension. Les contribuables seront heureux de se dire que l’argent qu’ils versent est investi dans la jeunesse et leur confère de ce fait des droits à une retraite confortable. Il est temps de remplacer la notion archaïque de l’impôt par un concept moderne, celui de prélèvement qui, s’il sert à investir dans le capital humain, donne des droits à pension. Bien entendu, les sommes versées aux caisses de retraite ne doivent pas, elles, ouvrir de tels droits : elles relèvent de la redevance, pas de l’investissement. Notre législation est, dans ce domaine, à des années-lumière du réalisme.
Attribuer des droits à pension, disons des points, parce que l’on rembourse la dette contractée envers ses anciens, quelle idiotie et quelle injustice ! Ne pas attribuer de tels droits à qui met au monde des enfants et les éduque correctement, quelle idiotie et quelle injustice ! Il est indispensable de revoir les principes mêmes de la fiscalité, des prélèvements sociaux, et des droits sociaux, à commencer par les pensions, pour mettre notre législation et notre réglementation en accord avec la rationalité et la justice. France, souviens-toi de ton titre de mère des arts, des armes et des lois !