Peu à peu, Emmanuel Macron est obligé de formaliser des propositions pour sortir de la crise des Gilets Jaunes. Il se livre à cet exercice à reculons, ce qui constitue probablement une faute politique majeure. Le retard qu’il prend dans la « fédération » des énergies et des volontés est un risque de premier ordre. Les mesures fiscales sociales-démocrates prennent peu à peu forme.
Une fois les charmes de la répression et de son annonce épuisés, il faudra bien revenir à la politique et proposer des mesures susceptibles de ramener le calme dans le pays. Emmanuel Macron peut se féliciter d’avoir gardé un silence politique depuis le 10 décembre sans que des troubles majeurs ne surviennent. Depuis cette date, il lui arrive de prendre la parole, notamment dans les débats organisés un peu partout en France, mais il a jusqu’ici obstinément refusé d’émettre des propositions capables de fédérer à nouveau le pays.
Ce mutisme ne pourra pas durer éternellement. Il faudra bien, tôt ou tard, proposer autre chose. Mais quoi ?
Le virage à gauche se précise
De-ci de-là, les solutions prennent forme. De façon répétée, on entend Emmanuel Macron expliquer que l’impôt sur la fortune pourrait revenir, sauf pour les capitaux investis dans l’économie. Cette solution, qui maintient la pénalisation fiscale de l’investissement immobilier, pourrait constituer un signal à destination des Gilets Jaunes qui le peignent en « président des riches ».
Plus globalement, les classes moyennes laisseront sans doute des plumes dans la lutte contre la très fantasmatique optimisation fiscale – probablement une somme de 4 milliards.
Cette somme devrait compenser la réindexation des retraites qui se prépare.
Un calendrier irrationnel
La lenteur avec laquelle Emmanuel Macron élabore ces mesures en dit long sur la répugnance qu’elles lui inspirent. Le bon sens voudrait que, contre mauvaise fortune, il fasse bon cœur. Mais, près d’une vingtaine de semaines après le début du mouvement, les arbitrages sont encore en attente.
Au-delà du frein très idéologique et peut-être psychologique qui empêche Emmanuel Macron de sortir le pays de l’ornière, on cherche quand même la rationalité de sa stratégie.
La fièvre jaune remonte...
A force d’attendre, Emmanuel Macron donne le sentiment de jouer la montre pour user la contestation, et perd son crédit politique. S’il a entamé une remontée fragile dans les sondages, celle-ci le ramène grosso modo à son socle électoral de 2017. Les bénéfices politiques qu’il retire de cette stratégie sont donc minces.
Inversement, l’attente nourrit l’exaspération. Les manifestations de samedi l’ont montré: partout en province, la colère remonte. Les participants sont plus nombreux. La fièvre est intacte. Sur ce point, le président subit une défaite politique majeure. Il se révèle incapable de juguler le mouvement.
Attendre plus longtemps serait donc dangereux.
La rupture des élites est consommée
Le retard de Macron s’explique probablement par la lecture très élitaire des événements qui domine son entourage. Pour les élites parisiennes, les Gilets Jaunes ne représentent plus qu’un groupuscule d’irréductibles qu’il faut combattre. Le sentiment que le mouvement est passé, fini, désapprouvé par les Français, s’est imposé au fil des jours.
Cette lecture biaisée des événements n’encourage guère le Président à agir. Elle le conduit aussi à des évaluations erronées sur les mesures à prendre. L’extrême violence de la riposte policière cette semaine l’a montré. Elle risque de faciliter des bavures dommageables.
Un printemps chaud en perspective
Tous ces éléments donnent le sentiment qu’un printemps agité devrait modifier la donne politique française dans les semaines à venir. Nous pronostiquons une reprise de la violence à partir du mois d’avril… Les retards du Président de la République dans l’élaboration d’une riposte politique sont en passe de produire des effets irréversibles sur l’opinion.
Article écrit par Eric Verhaeghe sur son blog