Jamais la France n'a pu emprunter à aussi bon compte. Un comble vu la situation des finances de l'Etat ! C'est comme si une personne surendettée auprès de plusieurs banques pouvait continuer à emprunter à un taux préférentiel... au motif que ses voisins sont encore plus dans le rouge qu'elle. Hier, le taux d'emprunt à dix ans de la France est tombé à 1,696%. C'est le niveau le plus faible depuis la mise en place de cette méthode de calcul il y a plus de vingt ans. Et c'est évidemment une très bonne nouvelle car cela permet à l'Etat d'emprunter moins cher sur les marchés et donc de réduire la charge de la dette. On est bien loin des 17,5% que le pays avait connus juste après l'élection de François Mitterrand en 1981 !
En somme, cela signifie que même si plusieurs voyants sont au rouge –la croissance ne redémarre pas vraiment, le nombre de chômeurs ne cesse d'augmenter, la dette peine à se réduire, tout comme les déficits, malgré un léger mieux en perspective -, la France fait encore partie des rares Etats qui émettent une dette jugée très sûre : les banques centrales, en quête d'un placement le moins volatile et risqué possible, l'apprécient et en achètent volontiers. A ce jour, 63% de la dette française est détenue par des étrangers. Or ces achats de titres font baisser les taux d'intérêt à long terme.
Cette baisse des taux d'intérêts devrait permettre à la France de ne pas dépenser plusieurs centaines de millions d'euros. En juillet 2012, certains investisseurs avaient même acheté de la dette tricolore à un taux négatif, c'est-à-dire qu'ils avaient payé pour nous prêter de l'argent. « Quand vous placez vos bijoux dans un coffre-fort, vous êtes prêts à payer pour cela » résumait alors un haut fonctionnaire européen, cité par Le Monde.
Comme le souligne avec étonnement Bruno Cavalier, chef économiste d'Oddo Securities, interrogé par le magazine Challenges, « le gouvernement de Jean-Marc Ayrault ne subit aucune pression venant des marchés pour se doter d'un ligne économique claire ». Mais à ses yeux, il ne faut pas trop se réjouir car « le bas niveau des taux d'intérêt à long terme (...) donne un faux signal de tranquillité aux gouvernements » et « ne met hélas aucune pression pour réduire rapidement les autres dépenses », sachant que la charge d'intérêt s'allège d'elle-même au fil des ans.