L’innovation face à la crise: les conclusions de l’OCDE

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Par Captain Economics Modifié le 13 septembre 2012 à 11h49

"La crise économique et la morosité des perspectives mettent à mal l’innovation" ! Voici donc la conclusion d'un rapport de l'OCDE paru ce matin "OECD Science, Technology and Industry Outlook". Le Captain' n'a pas encore eu le temps de lire entièrement ce rapport de 466 pages (ouch!) mais je viens de terminer la première partie consacrée à l'impact de la crise sur l'innovation (en anglais ça claque plus, "Innovation in the crisis and beyond"). Et comme c'est plutôt très intéressant, je me dois donc de vous en faire un résumé. C'est parti !

La crise financière a entrainé une baisse de l'innovation par trois canaux de transmission. (1) En temps de crise, les produits innovants (souvent de qualité mais relativement cher) voient leur demande baisser rapidement au profit de produits low-cost. La baisse de la demande et les incertitudes concernant la consommation future (reprise ou non) affectent donc l'innovation privée. (2) La crise de la dette et la nécessaire consolidation fiscale a tendance à entrainer une baisse des dépenses publiques en innovation. (3) La fragilité du secteur bancaire peut restreindre l'accès au crédit pour les entreprises innovantes.

Mais l'effet de la crise sur l'innovation est très variable selon les pays et les secteurs. Les pays les plus touchés sont, selon le rapport, la Grèce et l'Espagne, alors qu'en Corée et en Chine tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes (ou presque). Un indicateur très souvent utilisé pour estimer le niveau d'innovation est le nombre de brevets déposés par chaque pays (PCT = Patent Cooperation Treaty). En prenant une base commune "100" en 2007, on remarque que de nombreux pays ont vu une baisse du nombre de dépôt de brevets au Bureau International. C'est assez flagrant aux Etats-Unis, surtout si l'on compare à la trajectoire pré-crise d'une augmentation moyenne de 5% par an.

Brevet-Tendance-OECD

Mais, enfin une bonne nouvelle, ce n'est pas le cas en France, où l'on voit une hausse du nombre de dépôt de brevets, même suite à la crise. Il y a il est vrai un léger ralentissement, mais pas de cassure de tendance comme par exemple en Italie. En ce qui concerne les dépenses en R&D des entreprises, l'OCDE distingue trois groupes de pays. (1) Les pays où le niveau des dépenses en R&D des entreprises est inférieur au niveau de 2007, (2) les pays où ce niveau est très légèrement supérieur mais relativement faible et (3) les pays où la crise n'a eu que très peu d'effet avec une tendance d'augmentation des dépenses de R&D.

Et la France est dans le groupe ... 2 ! En prenant une base 100 en 2007, le niveau actuel en France est à 103 (soit une quasi stabilité des dépenses en R&D entre 2007 et 2010). Dans le groupe (1), on retrouve des pays comme le Canada, le Royaume-Uni (forte baisse des innovations financières) où les dépenses privées en R&D ont reculées. Dans le groupe (3), sont présents la Corée (du Sud bien sûr), le Chine, la Turquie, la Pologne....

Du côte dépenses publiques en innovation, la crise financière a tout d'abord eu, contrairement à ce que l'on pourrait penser, un impact positif. En effet, les différents plans de relance et "stimulus package" en 2008/2009 comprenaient très souvent de nombreuses mesures pour favoriser l'innovation. Le but à l'époque était de relancer la croissance par la dépense publique, et quitte à dépenser de l'argent, autant soutenir l'innovation. En France, il y a eu par exemple le "Programme des investissements d'avenir", le renforcement d'OSEO, une réforme du crédit impôt-recherche...

Mais le temps de la relance par la dépense publique semble révolu. En se basant sur un indice 100 en 2007, les dépenses pour l'innovation sont passées en France à 117 en 2008, puis 120 en 2009, avant de diminuer à 111 en 2010. Mais pourquoi l'innovation est-elle si importante? Car la croissance future d'un pays dépend de sa capacité à innover, pour remplacer ses industries vieillissantes par des industries innovantes ayant un avantage comparatif. C'est la fameuse "destruction-créatrice" ou "création Schumpetérienne", qui désigne le processus de disparition de certains secteurs d'activité de l'économie en déclin conjointement à la création de nouvelles activités économiques. Et le moteur de ce processus est l'innovation.

Conclusion: La France ne s'est pas trop mal sorti de la crise en ce qui concerne l'innovation. Mais l'avenir est assez incertain, étant donné les pressions sur les dépenses publiques et les doutes concernant la reprise économique. Bien que la réduction du déficit soit essentielle, il ne faut pas que cela se fasse au détriment des dépenses publiques en innovation. Il est préférable, et cela les "méchants marchés" le comprendront, que le déficit soit légèrement plus fort l'année prochaine tout en gardant ou en augmentant les dépenses publiques en innovation, plutôt que de tenir à tout prix l'objectif de déficit en coupant les budgets consacrés à l'innovation ce qui affecterait la croissance potentielle à long terme de la France. Ce qui compte n'est pas le chiffre du déficit, c'est la trajectoire de celui-ci et le "business plan" de la France !

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Doctorant en économie à l'Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et professeur d'économie à l'IESEG Paris, Thomas Renault est le créateur du site Captain Economics, un blog ayant pour but de démystifier l'économie, en abordant cela sans prise de tête ni prise de parti.