Les absurdités se multiplient sur les marchés – et puisque les entreprises rachètent désormais leurs propres actions pour gonfler leur propre bilan, pourquoi ne pas tout simplement passer à l’étape suivante ?
Il fut un temps où nous trouvions bizarre que les entreprises rachètent leurs propres actions.
Elles sont censées faire fructifier l’argent des investisseurs en fournissant des biens et des services… non en le pariant sur les marchés boursiers.
Les entreprises créent de la richesse en gagnant des profits – générés par la fabrication et la commercialisation de choses. Elles prennent des matières premières à un coût X… ajoutent de la main d’œuvre à un coût Y… et vendent le produit fini au prix Z.
Tant que X + Y (nous simplifions) est inférieur à Z, le monde s’en trouve enrichi. On a « ajouté de la valeur ».
Passe-passe financier
Toutefois, depuis 30 ans au moins, la Réserve fédérale gonfle activement l’économie financière (les prix des actifs) tout en ralentissant l’économie réelle (ventes, salaires et profits).
L’importance et la profitabilité relatives de l’offre de produits et de services – comparées à l’excitation rapide et à l’effet de levier de Wall Street – ont décliné.
C’est pour cela que les mères, de nos jours, veulent que leurs bébés aillent travailler chez Goldman Sachs à New York, plutôt que de devenir ingénieur chez Industries & Co.
Même les PDG d’entreprises industrielles à l’ancienne sont tentés par des tours de passe-passe financier. Les buybacks, c’est-à-dire les rachats d’actions, par exemple.
Les entreprises s’achètent souvent des « ventes » en acquérant d’autres entreprises. Généralement, elles achètent la société à prix comptant, plutôt bas… puis tirent parti d’une valorisation plus élevée sur les marchés.
Ainsi, plus les cours grimpent, plus il semble attractif d’acheter les ventes et les profits d’un autre.
Le S&P 500 présente actuellement un PER de 42… le troisième plus élevé de l’Histoire. Les grandes entreprises empruntent au taux de 3% environ (le rendement de la dette AAA la plus solvable). L’inflation est d’environ 2%… et va en augmentant.
Ainsi, si vous pouvez acheter une entreprise à 10 fois ses revenus, lesdits revenus vaudront quatre fois autant dans votre société agrandie.
Et si vous pouvez emprunter avec un coût d’intérêt réel de 1% – en tenant compte de l’inflation – l’affaire devrait être extrêmement profitable pour vous. En tant que PDG, vous devriez toucher une belle prime.
Racheter vos propres actions n’est pas exactement la même chose qu’acheter une autre entreprise… mais là aussi, cela peut donner plus de ventes (et de profits) par action à vos actionnaires, une hausse du cours… et une prime pour le PDG.
Une absurdité plausible
Pourquoi s’arrêter là ?
Par exemple – et c’est simplement une hypothèse sortie de notre imagination – si une entreprise peut augmenter sa valeur en empruntant de l’argent pour acheter ses propres actions, peut-être pourrait-elle gonfler les ventes et les profits en empruntant pour acheter ses propres produits ?
Dans l’économie numérique, les ventes supplémentaires peuvent générer près de 100% de marge. De toute évidence, même dans « l’ancienne économie », si une entreprise n’avait pas besoin de fournir de produit, sa marge frôlerait les 100% là aussi.
Alors imaginez une entreprise qui emprunte un milliard de dollars à 3%… et utilise l’argent pour acheter ses propres produits.
Elle n’a pas de coûts de fabrication ou de main-d’œuvre, pas de frais d’expédition. Pas de service clients ni d’obligations de remboursement. Ce sera la meilleure affaire que l’entreprise ait jamais faite.
Oui, c’est absurde… mais c’est le cas de beaucoup de choses qui se produisent réellement en ce moment.
Et oui, avec un tel arrangement, l’entreprise devra verser 30 M$ d’intérêts. Mais cette augmentation de ventes et de profits serait multipliée pour donner 42 Mds$ (un milliard de profits supplémentaires, multiplié par un PER de 42) de valeur supplémentaire pour les actions.
Les actionnaires seraient ravis. Les traders et les fans de Reddit prendraient le mors aux dents et feraient probablement doubler le titre.
On peut envisager un boost de 50 Mds$ de capitaux… au prix de 30 M$ seulement de coûts annuels pour le service de la dette. Pas un seul sou de richesse réelle, liée à des biens et services concrets, n’aura été créé. Mais tout le monde deviendrait riche.
En d’autres termes, la manœuvre serait prodigieusement profitable.
Evidemment, l’idée est idiote. Mais au moins est-elle absurde de manière plausible… c’est-à-dire qu’elle reste dans les limites du raisonnable, telles qu’un fou pourrait les imaginer.
Nous attendons que quelqu’un se lance.
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