Pyramides de Ponzi et cryptoactifs : la naïveté peut coûter cher !

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Par Jacques Bichot Modifié le 21 novembre 2022 à 18h50
Faux Notaires Arnaques
@shutter - © Economie Matin
3,8 MILLIARDS $Les pyramides de Ponzi ont coûté 3,8 milliards de dollars aux Américains en 2021.

Aux Etats-Unis, un avocat a créé, et fait fonctionner, un site, Ponzitracker, qui recense et « traque », comme son nom l’indique, les systèmes de Ponzi actifs dans ce pays. Cela vaut la peine : cette arnaque provoque des pertes importantes pour les personnes qui se laissent séduire par le baratin de filous proposant des placements extraordinairement rémunérateurs.

3 milliards de dollars de pertes pour les épargnants en 2019, 1 milliard en 2020, et 3,8 milliards en 2021, même pour un grand et riche pays comme les Etats-Unis, ce n'est pas négligeable ! Mais la technique de cette arnaque est traditionnelle : comment ne se serait-il pas trouvé des petits malins pour accommoder l’antique arnaque à la sauce actuellement à la mode, la sauce numérique ? Un équivalent informatique de la pyramide de Ponzi est tellement plus dans l’air du temps, tellement plus susceptible de moderniser la croyance au Père Noël ! Cet équivalent existe : c’est le cryptoactif.

Le cryptoactif, machine à remonter le temps

Les cryptomonnaies sont très différentes des monnaies de crédit. Ces dernières font partie du système financier basé sur la comptabilité en partie double, merveilleuse invention de la fin du moyen-âge qui a signé le passage aux « temps modernes ». Les monnaies métalliques, reliques des temps anciens, ont cédé progressivement la place aux relations chiffrées, créances et dettes obéissant aux règles de la comptabilité en partie double. Finie la primitive « valeur intrinsèque », les hommes d’affaires de la Renaissance ont fait passer l’Occident à la modernité monétaire, qui est numérique, en ayant de moins en moins recours aux métaux précieux. L’or et l’argent métal sont devenu des « reliques barbares », progressivement remplacées par le recours à un système de relations chiffrées couramment appelées créances et dettes.

Le gaspillage d’énergie provoqué par le recours aux cryptomonnaies

Les cryptomonnaies, elles, sont produites dans le cadre d’un bond en arrière d’environ 4 siècles. Il fallait jadis gaspiller le travail et la santé pour extraire le « fabuleux métal » ; il faut maintenant gaspiller l’électricité, et donc l’activité de ceux qui contribuent à sa production, pour produire des cryptomonnaies à l’aide de procédures informatiques très compliquées … et très énergivores, beaucoup plus que les techniques actuelles de paiement par modifications de créances et dettes sur des comptes en banque.

Si nous adoptions la technique cryptomonétaire comme moyen de paiement usuel, notre productivité diminuerait, puisque les dépenses d’énergie requises pour effectuer les paiements auraient énormément augmenté. Le snobisme cryptomonétaire est semblable à celui de nouveaux riches qui dépensent bêtement trois ou dix fois plus que nécessaire pour leur logement, leurs loisirs, leurs déplacements, et ainsi de suite. Le passage de la monnaie à la cryptomonnaie reviendrait à nous faire payer le steak au prix du caviar !

L’inquiétant retour des pyramides de Ponzi

Les Echos du 29 juin annoncent 3,8 milliards de dollars de pertes, l’an dernier aux Etats-Unis, du fait des pyramides de Ponzi. Celles-ci, jamais vraiment disparues, ont été remises au goût du jour et ont connu une vogue incroyable, ces derniers temps, en Amérique. Elles consistent en placements assortis de rendements mirifiques, auxquels les déposants croient car ils perçoivent effectivement des intérêts très confortables, payés en utilisant l’argent des nouvelles souscriptions.

Au lieu de servir à accumuler des actifs, les apports des épargnants sont utilisés pour verser des intérêts ou dividendes pharamineux : il n’y a pas, ou presque pas, d’accumulation de capital, le passif dépasse de plus en plus l’actif, jusqu’à ce qu’un jour, le pot-aux-roses venant à être découvert, la pyramide de belle apparence soit percée à jour et mise en liquidation.

Que faire ?

Des sanctions judiciaires sont prises contre les dirigeants des systèmes de type Ponzi, mais souvent trop tard : ces petits malins ont fréquemment fait leurs valises avant que la justice ne les en empêche, pour aller jouir de leur pactole mal acquis dans un pays qui refuse d’extrader les riches malfaiteurs venus y trouver refuge.

Même si elle ne suffit pas, la vigilance des autorités est nécessaire. Mais il faut aussi développer le bon sens, ou sens commun, qui hélas est trop rare – pas assez « commun ». Le succès des pyramides de Ponzi et des cryptoactifs montre à quel point ce précieux bon sens peut être non pas « près de chez nous », mais plutôt aux abonnés absents ! Sous couvert de modernité, la filouterie prospère. Certes, il ne faut pas compter l’éradiquer complètement – elle n’est pas loin de faire partie de la nature humaine – mais quand même, si nos dirigeants comprenaient vraiment ce qui se passe, ils pourraient prendre des mesures plus appropriées que le bêlement du mouton se hâtant vers une « modernité » de pacotille.

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Jacques Bichot est économiste, mathématicien de formation, professeur émérite à l'université Lyon 3. Il a surtout travaillé à renouveler la théorie monétaire et l'économie de la sécurité sociale, conçue comme un producteur de services. Il est l'auteur de "La mort de l'Etat providence ; vive les assurances sociales" avec Arnaud Robinet, de "Le Labyrinthe ; compliquer pour régner" aux Belles Lettres, de "La retraite en liberté" au Cherche Midi et de "Cure de jouvence pour la Sécu" aux éditions L'Harmattan.