Le libéralisme est aussi organisé qu’un banc de sardines devant un danger

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Par Daniel Tourre Modifié le 6 juillet 2012 à 1h58

"L’une des images les plus ancrées dans l’imaginaire des technocrates est qu’il faut un chef, un commandement pour organiser la société : si aucun chef n’affecte à chacun une place et un rôle déterminé, le résultat sera un chaos sans nom. La liberté peut être tolérée mais en sachant bien qu’elle amène avec elle le désordre et l’inharmonie dans la société.

Cette vision nous vient de l’antiquité grecque qui n’imaginait que deux ordres possibles : l’ordre naturel (physis) et l’ordre construit pensé, voulu par l’Homme (nomos). Pour qu’une société soit ordonnée, il fallait que des chefs la construisent par le haut.

Ce n’est que 2000 ans plus tard que des penseurs découvrent qu’il existe un troisième ordre, un ordre auto-organisé. Cet ordre parfaitement compatible avec une large liberté individuelle est de surcroît capable d’une complexité sans commune mesure avec les ordres construits par le haut.

La société libérale n’est pas une société chaotique, c’est au contraire une société auto-organisée, composée d’individus libres, plus harmonieuse et plus stable que les sociétés construites par le haut.

On trouve de nombreux exemples d’ordre auto-organisé dans la nature. Par exemple, lorsqu’un banc de sardines s’éparpille à l’approche d’un danger, vu de l’extérieur, on observe des motifs presque géométriques. En quelques secondes chaque sardine s’éloigne le plus possible des sardines nageant à proximité d’elle pour se regrouper ensuite. À quelques mètres de distance, cela donne un motif auto-organisé et changeant à grande vitesse.

Il s’agit d’un ordre auto-organisé parce qu’aucune sardine n’a conscience ni n’agit avec pour objectif de former ce motif. Il s’agit d’un ordre auto-organisé parce qu’aucune commission du plan Sardine, ni aucun dictateur Sardine Maximo n’a pensé ce motif vu de haut et ne l’a imposé.

Si la commission du plan Sardine avait dû dicter en temps réel, à chaque milliseconde, la direction de chaque sardine du banc, cela aurait demandé un travail et une collection d’informations considérables pour obtenir un motif moins adapté et surtout plus lent. Et davantage de sardines y auraient laissé leur vie.

Dans cette situation en tout cas, en laissant à chaque sardine des ‘droits’ égaux pour toutes (droit de nager à la vitesse qu’elles souhaitent, droit de s’éloigner ou de se rapprocher des autres sardines, etc.) et en laissant faire chaque sardine en fonction de son environnement, on n’a pas obtenu le chaos (comme dans une bonne poêlée de sardines frites avec un peu d’ail et une noisette de beurre) ou une société atomisée (des sardines nageant seules et isolées dans l’océan), mais un banc de sardines auto-organisé.

La nature humaine est un peu plus complexe que la nature sardinesque, et la société humaine un milieu assez différent de l’eau de mer, mais l’analogie permet de comprendre le concept de base qui sous tend l’ordre libéral : un ordre auto-organisé (ou spontané), c’est-à-dire ni voulu par une autorité supérieure, ni pensé par les acteurs eux-mêmes, peut se créer et présente de nombreux avantages par rapport à un ordre organisé par le haut."

Extrait du chapitre « Cliché 4 : le libéralisme, c’est le chaos » de l’ouvrage

couv-Pulp-Liberalisme

« Pulp Libéralisme, la tradition libérale pour les débutants »

de Daniel Tourre

236 pages

34 euros TTC

En vente sur le site de l’éditeur ou sur Amazon.fr

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Né en 1971 à Paris, Daniel Tourre a étudié la physique théorique à Strasbourg puis à Groningen (Pays-Bas) et St Andrews (Écosse). Il débute ensuite une carrière en indépendant sur l’informatique bancaire où il se forme sur l’économie, la gestion des risques bancaires et les problèmes monétaires. Il accompagne la création du Parti Libéral Démocrate qu’il quitte début 2012 pour animer la campagne présidentielle fictive de Frédéric Bastiat.
 Daniel Tourre vient de publier « Pulp Libéralisme, la tradition libérale pour les débutants » aux éditions Tulys, qui présente de manière humoristique les bases philosophiques du libéralisme classique ainsi que des notions de sciences économiques.