En imposant des taxes de 10% sur les importations d'aluminium, les Etats-Unis ont découragé les gros producteurs mondiaux que sont, par exemple, l’Inde et la Chine. A défaut de marché américain, ces mastodontes inondent désormais l’Europe, menaçant des milliers d’emplois et rendant le Vieux Continent dépendant d’un matériau peu respectueux de l’environnement, car fabriqué, dans ces pays, à l’aide de charbon.
Malgré l’inquiétude, la déception, voire la colère de ses partenaires, le gouvernement américain persiste et signe. Les taxes de 25 % sur les importations d’acier et de 10% sur celles d’aluminium, imposées l’an dernier par Donald Trump, restent en vigueur. « Notre industrie a été la cible depuis des années, depuis des décennies, d’attaques commerciales déloyales. Et ça a provoqué chez nous la fermeture d’usines, de hauts fourneaux, le licenciement de millions de travailleurs, avec des communautés décimées », avait déclaré le président américain pour justifier sa décision.
Comme le résume France Info, les Européens, qui exportent environ 5 milliards d’euros d’acier et 1 milliard d’euros d’aluminium chaque année vers les Etats-Unis, sont « en théorie » moins touchés par les taxes américaines que les Canadiens, qui vendent 90 % de leur production d’acier aux Américains, ou les Mexicains, dont l’acier représente environ 10 % des importations américaines.
Avec la perte du marché américain, les producteurs d’aluminium vont devoir chercher d’autres débouchés, « à commencer par l’Europe », comme le craint Philippe Darmayan, président de l’Union des industries et métiers de la métallurgie (UIMM) et d’ArcelorMittal France. Pour le dirigeant, les millions de tonnes d’acier et d’aluminium « qui devaient aller naturellement aux Etats-Unis [pourraient] se retourner vers le marché le plus ouvert, c’est-à-dire l’Europe ».
L’Inde et la Chine surproduisent
L’Europe est de plus en plus approvisionnée en aluminium en provenance d’Inde et de Chine, deux pays dans lesquels la production ne cesse d’augmenter. Selon les informations de l’agence de presse Xinhua, « la production des métaux non ferreux majeurs de la Chine a connu une croissance accélérée » en 2018. Sur les onze premiers mois de l’année 2018, les importations européennes de produits d’aluminium à haute valeur ajoutée chinois se sont établies à plus de 535 000 tonnes, contre 371 000 pour l’ensemble de l’année 2017.
Le Vieux contient a importé, sur la même période, 162 000 tonnes de ces mêmes produits depuis l’Inde, contre à peine 91 000 tonnes en 2017, selon les chiffres d’Eurostat. Une hausse opportune, alors que l’offre mondiale d’aluminium est devenue déficitaire au cours du deuxième trimestre à cause des turbulences provoquées par les droits de douane et les sanctions imposées au producteur russe d’aluminium Rusal par le président américain Donald Trump. Tandis que les marchés domestiques chinois et indien se trouvent, eux, en position de sur-approvisionnement.
Aluminium au charbon
L’inquiétude chez les producteurs français d’aluminium est à son comble. Depuis 2007, les importations de tôles, bobines et profilés chinois en Europe ont augmenté de 79%. Aujourd’hui, le marché européen dépend en grande partie de ces importations. Une dépendance d’autant plus problématique qu’elle se manifeste à l’égard d’un aluminium produit à partir d’un combustible polluant, le charbon, contrairement à celui produit en France à partir d’électricité d’origine nucléaire, ou celui produit en Norvège et Russie, pays privilégiant l’hydroélectricité.
Pour la production d’aluminium primaire, la Chine, en effet, utilise une électricité issue à 90 % du charbon, selon le résultat des recherches d’Yves Jégourel, professeur à l’Université de Bordeaux, et Philippe Chalmin, professeur à l’Université Paris-Dauphine. Pour les chercheurs, « chaque tonne en excédent se paie, d’un point de vue environnemental, au prix fort ». Une situation qui, selon eux, n’est pas près d’évoluer : « Le marché chinois de l’électricité ne fonctionne pas de manière optimale, ce qui n’incite pas à l’évolution du mix énergétique des industriels ». Autrement dit, la Chine devrait faire appel encore un moment au charbon pour produire son électricité, y compris celle nécessaire à la fabrication d’aluminium.
La production indienne pose les mêmes problèmes. Dans ce pays, où 75% de l’électricité est produite à partir du charbon, les aciéries et les usines d’aluminium fonctionnent avec le même combustible. Des problèmes qui devraient aller croissant : les Indiens, de la même façon que les Chinois, ont fait le choix d’augmenter la capacité de production de leurs fonderies.