Utilisés en électronique pour réaliser des composants tels que des diodes, des circuits intégrés et des objets connectés, du matériel médical ou des outils industriels, les semi-conducteurs sont actuellement au cœur d’une problématique de production dans le secteur automobile. En effet, les constructeurs et les équipementiers doivent faire face à une pénurie au moment même où la demande en véhicules neufs repart à la hausse.
Ce qui entraîne forcément une longue attente pour le consommateur et même l’arrêt de certains sites de production en France. Une situation qui ne devrait pas s’améliorer d’ici 2023. Ces semi-conducteurs mettent donc sur les cales, la fabrication de voitures car sans eux, il n’est pas possible d’activer entre autres, les capteurs destinés aux fonctions de sécurité, l’électronique électrique et hybride.
Pourquoi une telle situation ? Tout d’abord, face à la crise sanitaire, les commandes de ces puces high-tech ont été réduites et les stocks n’ont pas été réapprovisionnés en pensant que la reprise dans l’automobile ne serait pas aussi rapide et fulgurante. Ensuite, les pays producteurs ont subi la COVID plus fortement notamment la Chine. Enfin, la guerre en Ukraine et les sanctions imposées à la Russie ont encore accentué le problème. De fait, les Français préfèrent se tourner vers le marché de l’occasion. En conséquence, les ventes de voitures neuves accusent une baisse de 19,5% : 147 079 en avril 2022, contre 226 000 en mars 2019. De même, confrontés à la hausse massive des prix du carburant, ils vont privilégier les motorisations électriques au détriment des thermiques mais restent vigilants face à l’énergie chère soumise à l’inflation.
Pour rompre ce cycle de forte dépendance aux pays producteurs de composants, la solution de la relocalisation en Europe apparaît l’hypothèse la plus envisageable. La Commission européenne a pris le dossier à bras le corps, décidant de mobiliser 145 milliards d’euros de sorte à fabriquer des puces de quatrième génération. Seulement, beaucoup de retard a été pris et les semi-conducteurs sont des produits de haute technologie à durée de vie courte, dans un marché cyclique et instable comme l’explique Mathilde Aubry, Titulaire de la Chaire "Management de la Transformation Numérique" et Professeur d’économie. Cependant, il n'est pas déraisonnable de penser que l’on peut conquérir depuis le continent européen, 20 % du marché mondial d’ici 2030. Si la politique interventionniste des Etats membres en matière économique est limitée, l’Europe, elle, en a la possibilité. Précisément par une "alliance" réunissant tous les acteurs de la chaîne des semi-conducteurs. Il ne s’agit donc pas de bousculer la production mondiale mais bien de sécuriser la filière automobile en difficulté sur le vieux continent. Ceci en réduisant la dépendance aux fournisseurs étrangers, notamment dans ce secteur comme dans d’autres tout aussi stratégiques.
S’il faudra veiller aux coûts de production, nous ne pouvons pas passer devant cette opportunité car elle risque d’entraver la digitalisation de la société française après avoir fragilisé l’automobile qui compte 4000 entreprises et 400.000 emplois directs et indirects. De même, la réindustrialisation de notre pays est possible si elle repose à la fois sur des technologies de pointe mais aussi sur des produits qui seront rapidement considérés comme de "première nécessité” pour répondre aux besoins numériques quotidiens.
Cela suppose que le prochain gouvernement développe une politique continue de baisses d'impôts de production et augmente durablement son soutien aux investissements. Mais aussi qu’une plus grande solidarité s’instaure entre les constructeurs et les équipementiers. Enfin, la fin des véhicules thermiques au profit des électriques ferait disparaître 65.000 emplois dans la filière auto, selon la PFA. Il est donc temps de prévoir leur reconversion mais aussi le déploiement technologique qui va accompagner ce changement. Il n’est pas trop tard pour maintenir la France parmi les grandes nations automobiles.