Déficit : tout le monde au chevet des erreurs de prévision

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Par Pascal de Lima Publié le 6 mars 2014 à 15h55

Il manquerait six milliards d’euros de recettes à l’Etat en 2014 et la maîtrise des dépenses sera difficile à assumer estimait il y a peu de temps la cour des comptes. Et si dans cette phrase se cachait un jeu consensuel entre le monde politique, certains économistes, et la cour des comptes, consensus obtenu à l’issue de faux débats publics ?

La question analysée ici est celle du dérapage des déficits publics (à distinguer du déficit budgétaire…) et la difficulté à le résorber dans un contexte de croissance faible. On suppose ici que la résorption des déficits est une bonne chose pour la France. On oublie temporairement le fait que rien ne démontre empiriquement la validité d’un tel présupposé.

Aujourd’hui il semble qu’un autre sujet très corrélé au précédent doit être analysé : les prévisions de recettes ne seraient plus les recettes réelles a posteriori. Les prévisions de croissance ne seraient plus la croissance réelle a posteriori. On dit même parfois que les prévisions de dépenses sont finalement en deçà des dépenses réelles. Observons un peu ce qui se passe depuis un an à l’aune des révisions trimestrielles de prévision (à quand quotidiennes ?). Nous défendons l’idée que ces erreurs alimentent, le temps de nouvelles révisions, le débat public sous la forme de rivalités théâtrales qui terminent toujours par un consensus du cercle 1.

Le déficit lisait-on dans la presse fin 2013 serait ramené de 4,1% du PIB en 2013 – chiffre provisoire !!?? (qui pourrait être revu à la hausse) à 3,6 % en 2014, chiffre qui pourrait être lui-même réévalué. D’ailleurs la Commission européenne ne s’y trompe pas en créant même un décalage important de près de 0,4 points sur les estimations de déficit public pour la France en 2014 et 0,9 point sur 2015. Cela nous permettra de nous disputer un peu puis de trouver un consensus sur les mesures d’orthodoxie libérale.

Coté recettes, Mi-2013 on disait qu’il y avait des moins values fiscales de 6 à 8 milliards d’euros, en gros que les recettes attendues à la mi-2013 étaient déjà en dessous des recettes réelles de 6 milliards. Plus globalement sur l’ensemble de l’année 2013, les recettes fiscales auraient été inférieures de près de 20 Milliards d’euros à celles qui étaient prévues dans la loi de finance et ce pour l’année 2013. Nous voilà maintenant dans des erreurs de prévisions côté recettes. Les recettes prévisionnelles ne seraient pas les recettes réelles. L’annulation de l’EcoTax serait responsable de 1 à 1,2 milliards d’euros de moins. Le gouvernement n’a jamais souhaité voter l’EcoTax, il a lancé un pavé dans la marre pour gagner du temps, créer la dispute et trouver un consensus libéral apaisant l’unité de compte tel un Machiavel.

A peine l’année 2014 savourée au champagne, que l’on commence déjà pour 2014 à pointer un nouveau décalage entre les recettes prévisionnelles et réelles. Il manquerait 6 milliards d’euros de recettes fiscales en 2014, estime la CDC. Pris dans un vent de panique on a proposé et voté des solutions très partielles. Sur la question de savoir comment le déficit pouvait être résorbé on a longtemps parlé d’une augmentation de la fiscalité des gros contrats d’assurance vie et du gazole puis ensuite d’une hausse de la TVA. Dispute, normal, consensus mou…gain de temps. Puis comme il y a pour 2014 un nouveau risque de baisse des recettes réelle à cause du CICE sensé être financé, Il fallait donc trouver 14 milliards de ressources nouvelles. Ce ne sont plus les mêmes chiffres. Ce sont, bien sûr, les journalistes qui ne comprennent rien, les citoyens, les familles, les économistes médiatisés, pendant que certains laboratoires de recherche déjeunent avec des membres politiques pour trouver un consensus…


La chanson recommença : Puis cela pourrait passer par les niches fiscales et la fraude fiscale. La fraude fiscale est évaluée à 3 milliards. Oui mais les niches parfois c’est utile. Mince alors.

Pendant ce temps-là, le chômage augmentait, d’autres faisaient des sourires à la caméra et les décalages conjoncturels entre, recettes prévisionnelles, dépenses prévisionnelles, déficits prévisionnels, et recettes réelles, dépenses réelles, déficits réels continuaient d’augmenter. Mais il ne peut en être autrement alors pourquoi créer des disputes (en effet les taux d’intérêt réels sont supérieurs en France au taux de croissance). Alors on commence à s’énerver et l’on demande de mettre tout le monde à l’unisson : les conseillers du gouvernement, la Cour des comptes etc…il faut un grand pacte de confiance car nos marges de manœuvre sont limitées et nous constatons jour après jour que nos objectifs ne seront pas atteints. Alors arrivent la politique économique :

Les impôts nouveaux à septembre qui s’appliquent depuis le 1er janvier 2014 sont d’abord la hausse de la TVA de 6,5 milliards et la baisse du plafond du quotient familial de 1 milliard. On ajoute à cela, la hausse des cotisations retraite de 1,2 milliards, le relèvement du plafond des droits de mutation et des rabots sur niches fiscales. Nous corrigeons le tir de nos erreurs de prévisions. C’est comme la crise financière…Pour la question des niches fiscales plusieurs vont être supprimées : la réduction d’impôts pour les parents d’enfants scolarisés, et d’autres…. Sympa… On a du mal à comprendre ce que viennent faire les enfants scolarisés ici mais bon…

Pour les ménages les plus riches, les épargnants les plus aisés subiront la réforme du plafonnement de l’ISF en fonction du revenu : les revenus pris en compte comprendraient les taux d’intérêt tirés d’un compte d’épargne logement et surtout l’assurance vie. Et ceux qui veulent profiter de la défiscalisation outre-mer n’auront plus le droit qu’à une réduction d’impôts de 18000 euros.

Pour tout le monde : on annonce deux impôts pour 2014 : la TVA et le quotient familial. Mais on oublie d’autres aspects : les retraites et la fiscalisation des complémentaires maladies, la fiscalisation de la majoration famille pour les retraités et la suppression de la défiscalisation pour frais de scolarité : on arriverait à 12 milliards.

Pour la classe moyenne : c’est surtout sur l’impôt sur le revenu : il y aura la réduction d’impôts par enfant qui sera plafonnée en 2014 à 1500 euros contre 2000 en 2013. 1,3 million de familles sont concernées et 95% des ménages touchés font partie des 20% les plus aisés. Je te prends par ici, je te reverse par là. Disputes dans certains plateaux d’économistes….

Les familles de retraités ne sont pas oubliées : celles qui ont 3 enfants et qui ont le droit à majoration de leur pension de 10% verront celle-ci soumise à l’impôt sur le revenu.

Pendant ce temps, comme on s’aperçoit que l’on est allé un peu trop loin, on va faire un tour de sémantique car le chômage ne se stabilise pas. On va dire tiens, il faudrait ralentir la hausse, puis cette règle va peu à peu s’appliquer aux dépenses. Il faudrait stabiliser la hausse des dépenses. Pour qu’enfin il y ait une répartition équilibrée des efforts du pacte de confiance. Là c’est sûr il nous faut 15 milliards d’économie pour 2014 et 50 milliards entre 2015 et 2017. Le gouvernement veut donc réduire la variation de la dépense publique structurelle hors effet de conjoncture de 1 point de PIB (20 milliards).

Pendant ce temps, le chômage continue d’augmenter et les tenants d’un néolibéralisme forcené et destructeur continuent de prévoir parfois se faisant passer pour des gens de gauche afin de mieux servir dans l’ombre des idéologies adverses souvent en étant instrumentalises d'ailleurs et malheureusement qu’on le veuille ou nous, les contres pouvoir restent et resterons une force, car proposer aussi peu de perspectives d’avenir à nos jeunes, et autant de chômage, on songe immédiatement a la récente crise financière. Que ce soit la crise financière comme les erreurs de prévision, elles commencent à constituer une pression considérable sur les citoyens par les ajustements d’impôts ou des plans de sauvegarde.

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Chef économiste, Economiste de l'innovation, knowledge manager des cabinets de conseil en management (20 ans). Essayiste et conférencier français spécialiste de prospective économique, mon travail, fondé sur une veille et une réflexion prospective, porte notamment sur l'exploration des innovations, sur leurs impacts en termes sociétaux, environnementaux et socio-économiques. Responsable de l'offre "FUTURA : Impacts des innovations sur les métiers de demain". Vision, Leadership, Remote of Work, Digital as Platforms...secteurs Banque Finance Assurance, PME TPE, Industrie et Sport du Futur. Après 14 années dans les milieux du conseil en management et systèmes d’information (Consultant et Knowledge manager auprès de Ernst & Young, Cap Gemini, Chef Economiste-KM auprès d'Altran - dont un an auprès d'Arthur D. Little...), je fonde Economic Cell en 2013, laboratoire d’observation des innovations et des marchés. En 2017, je deviens en parallèle Chef Economiste d'Harwell Management. En 2022, je deviens Chef économiste de CGI et Directeur de CGI Business Consulting. Intervenant en économie de l'innovation à Aivancity, Sciences po Paris, ESSEC, HEC, UP13, Telecom-Paris... et Conférenciers dans le secteur privé, DRH, Directions Métiers... J'ai publié plus de 300 tribunes économiques dans toute la presse nationale, 8 livres, 6 articles scientifiques dans des revues classées CNRS et j'interviens régulièrement dans les médias français et internationaux. Publication récente aux éditions FORBES de « Capitalisme et Technologie : les liaisons dangereuses – Vers les métiers de demain ». Livre en cours : "La fin du travail" Site personnel : www.pascal-de-lima.com